Chapitre 12 : Nuit sur Oakley
Chapitre 12 : Nuit sur Oakley
Le jeune homme marchait sereinement dans les rues de Celadopole. Il lui fallait attendre quatre jours avant de passer à l'action. Valentins attendrait bien jusque là, mais quel prétexte allait-il lui donner, pour justifier ce délai ? Il n'avait pas vraiment d'idée à ce sujet, ce qui l'ennuyait fortement. Il décida qu'un petit café lui éclaircirait l'esprit, et lui permettrait de trouver solution à son problème. Il s'assit à la terrasse d'un café, le Celadopolitain.
Placé dans une rue piétonne fréquentée, l'établissement ne manquait pas de clients, qui soit restaient classiques, soient s'aventuraient dans la carte des desserts. Car oui, à défaut d'assurer des repas complets, le café proposait quelques desserts appétissants, comme des Tartes Ceriz, des Pêchas Belles-Hélènes ou encore différentes coupes de glaces. D'après ce qu'il en voyait, ces dernières avaient l'air particulièrement appétissantes, et il se laissa tenter par la Cress'lia, une coupe trois parfums, d'un exotisme plutôt inhabituel.
Harvey attendit un certain temps avant que le serveur ne vienne prendre sa commande. Mais il n'était pas d'humeur à le faire remarquer.
« Bonjour, monsieur. Vous avez fait votre choix ? » demanda le serveur, d'une voix mielleuse.
« Un café et une Cress'lia. »
L'homme reprit la carte et se retira au comptoir, où il annonça la commande. Il revint cinq minutes plus tard, déposant le tout le plus délicatement du monde. Ce dernier lui fit des yeux de Vivaldaim. Harvey ne comprit pas tout de suite. Mais lorsqu'il réalisa enfin les intentions cachées du serveur, il se raidit violemment et ramena ses mains près de lui comme par réflexe défensif, manquant de renverser la coupe.
« Je… suis pas de ce bord là… » bredouilla t-il, gêné.
L'homme parut déçu, demanda le payement d'un ton plus sec et s'en alla d'un pas rapide, accourant vers un couple qui venait de s'asseoir plus loin. Harvey souffla, soulagé. C'était la première fois qu'un homme l'abordait, et il espérait que c'était bien la dernière ! Peu rassuré, il s'empressa de terminer son dessert et sa boisson.
Quatre jours… Il se demandait vraiment ce qu'il allait pouvoir faire pendant ce temps. Et puis, demeurait toujours le problème de l'excuse qu'il devait inventer pour Valentins… Inconsciemment, il plongea sa main dans sa poche, cherchant son portefeuille. Quelle ne fut pas son horreur lorsqu'il ne le trouva pas. Il fouilla frénétiquement ses autres poches. Rien. On l'avait volé. Mais qui ?
Le jeune homme remonta la rue, en quête d'indices. Mais il ne trouva rien. Ses yeux fouillaient frénétiquement l'endroit, examinant chaque détail pouvant lui servir. Mais toujours rien. Il se rendit alors au café où il s'était arrêté demandant si on avait vu le serveur qui l'avait servi, un peu plus tôt.
« Je connais mes employés, monsieur… Et celui que vous décrivez n'en fait pas partie. » répondit le gérant, sans comprendre pourquoi on lui posait une telle question.
Il était foutu, tout son plan était tombé à l'eau. Comment allait-il prouver son innocence, ainsi que la culpabilité d'Ernest Valont ? Comment allait-il honorer son contrat avec Valentins, ainsi qu'avec Giovanni ? Bien entendu, tout ceci l'importait peu, mais dans l'instant, tout lui semblait prendre une dimension dramatique. Acculé, et forcé d'assumer le fait, il téléphona à l'ex policier.
« M. Valentins, j'ai merdé. J'ai perdu la preuve… Je… je vais trouver un autre moyen. Je vous rappellerai bientôt. »
« Mais… attendez !… »
Le jeune homme raccrocha aussitôt. Nul doute que son associé était désormais dans une colère noire… Le téléphone vibra dans la poche du voleur. Il l'ignora. Il savait parfaitement qui tentait de le joindre, et il n'avait aucune envie d'y répondre.
Maintenant qu'il avait perdu la seule preuve qui lui permettait d'incriminer Valont, il fallait trouver une autre solution. Il ne pouvait pas renoncer à sa vengeance aussi facilement. Le reste n'était désormais plus que secondaire. Il n'y avait qu'une seule solution. Une unique solution. Il devait faire cracher des aveux à son ennemi. Ainsi, il contournait son problème actuel, tout en ne perdant pas ses objectifs de vue. Oui, c'était la seule chose à faire. Et il ne fallait pas perdre de temps.
Le jeune homme prit le premier train pour Carmin Sur Mer, avant d'embarquer sur le paquebot qui le mènerait à l'archipel Orange. La traversée était estimée pour sept heures. Il avait largement le temps d'établir un plan. Malheureusement, il n'avait pas de plans de la résidence et de ses environs. Il ne savait même pas s'il devait s'attendre à de la résistance. Il décida qu'il aviserait sur place. Il sortit de sa cabine, et monta sur le pont supérieur. Il posa ses avant-bras sur le bastingage et admira la mer. Le continent semblait déjà loin, bien que le bateau ne soit parti que depuis peu. Il fit volte face et observa le pont. Quelques personnes étaient montées, elles aussi, profitant du vent chaud et du soleil. Plus loin, un couple s'embrassait passionnément. Harvey se surpris à les envier. Puis, son regard s'attarda sur un homme, à coté d'eux. En pleine conversation téléphonique, il semblait observer le jeune homme. Il s'en alla, en jetant un dernier coup d'œil. Bien qu'étrange, il n'y prêta pas vraiment attention.
La nuit commençait à tomber. Les passagers étaient rentrés dans le grand hall, où le personnel avait dressé un buffet apéritif. Harvey s'y aventura, goûtant quelques gâteaux et autres mises en bouches qu'il ne connaissait pas. Alors qu'il se trouvait au bar, savourant un double Latte, une jeune femme, vint s'asseoir près de lui. Elle revêtait un chemisier blanc et une jupe bleue marine, sans un membre de l'équipage ? Quoiqu'il en soit, elle commanda un Latte, jetant de rapides coups d'œil vers le jeune homme.
« Tiens, vous aussi, vous aimez le Latte ? On dit que celui de l'Archipel est délicieux, j'irai en prendre lors de notre escale là bas. Vous allez où ? » lança-t-elle, joyeusement.
« Je vais sur l'île d'Oakley, voir un ami. »
« Un ami ? Je vois. Je suis désolé, mais je dois vous laisser, le capitaine va me passer un savon si je ne suis pas à mon poste. Bonne traversée. »
Elle s'en alla aussi vite qu'elle était venue, laissant son verre de café entièrement plein. Pensant qu'elle ne reviendrait pas, il transvasa le liquide dans son propre verre, avant de le boire.
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Une silhouette attendait sur le pont supérieur, appuyée contre le bastingage. Une deuxième personne vint la rejoindre, d'un pas rapide. La première se redressa.
« Alors ? »
« C'est bien ce qu'on pensais. Va falloir agir vite. Préviens-le, on a plus beaucoup de temps. »
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« Mesdames et messieurs, nous faisons une petite escale de deux heures aux Iles Orange, avant d'entamer la dernière partie de notre voyage, pour les Iles Churget. » annonça le haut parleur.
Harvey sortit de sa cabine et s'empressa de quitter le bateau. Être si proche du but le rendait énergique, hystérique même. Il faisait déjà nuit. Malgré ça, le port, ainsi que la ville en général, était plus qu'animé. Des marchands vendaient leur marchandises sur les quais. Les terrasses des cafés ne manquaient pas de clients. On se serait cru en pleine journée.
L'île d'Oakley se trouvait un peu plus au nord, à quelques kilomètres de la pointe de l'île où il se trouvait actuellement. Un système de navettes reliaient chaque péninsules entre elles. Par chance, un bateau pour Oakley mouillait à quai, n'attendant que des passagers.
Arrivé devant la riche demeure, le jeune homme ne put s'empêcher de l'admirer un instant. A vrai dire, elle était beaucoup plus impressionnante en vrai qu'en photo. Une vaste villa, dans un style très moderne, faisant face à la mer et orienté ouest. Une somptueuse grille, en fer forgé, permettait l'accès au domaine. Celle-ci était légèrement ouverte. Quelle négligence. Le jeune homme entra sans faire un bruit.
Arrivé à la porte d'entrée, il saisit la poignée, mais là, encore, la porte s'ouvrit d'elle-même. Décidemment, tout cela était très étrange. Il s'engagea prudemment dans le hall.
La demeure était silencieuse. Aucun bruit. Aucune lumière. Le jeune homme marchait lentement, pokéball en main. Quelque chose craqua sous ses pieds, un bruit de verre. Il n'était clairement pas rassuré. Il laissa balader sa main sur le mur, jusqu'à rencontrer un interrupteur, qu'il activa. La lumière envahit le couloir. Un frisson glacé lui parcouru le dos.
« Oh… merde, mais… qu'est-ce que… » bredouilla-t-il à voix basse.
Un corps était étendu sur le sol. Un homme, vêtu d'un costume noir. A coté de lui, un tapis de débris. Des assiettes, à en croire les motifs sur les morceaux les plus grands, le tout baignant dans une flaque de sang. Le jeune homme recula, pris d'horreur; C'était le premier cadavre qu'il voyait. Et il préssentait que ce n'était pas le dernier.
Il continua d'explorer la maison, découvrant quatre autres corps. Quant à Valont, il demeurait introuvable. Quelqu'un d'autre était passé avant lui, et avait enlevé l'homme, assassinant froidement tout ceux qui s'étaient dressé sur leur chemin.
« Adieu, M. Haster. Vous ne nous gênerez plus, maintenant. » lança tranquillement une voix dans le dos du jeune homme.
Le dernier son qu'il entendit lui arracha les tympans. Une étrange sensation de froid l'envahit. Il se sentit tomber. Lourdement. Lentement.
« Vous avez le bonjour de Giovanni, je lui rendrai le vôtre. » termina-t-il, tout en s'éloignant.