Chapitre 13 : Frontière [VLCMédia]
« Courez ! Les flammes nous entourent ! »
« Relève-toi, Barnabé ! Cours ! »
« J'arrive ! Ne vous occupez pas de moi ! »
« Mais qu'est-ce que... ?! »
Un impressionnant mur de flammes se dressa soudainement devant les survivants. Le général écarquilla les yeux d'horreur. Tristan crut que ses jambes allaient le lâcher.
« On est fichu... » murmura tristement le général.
Barnabé et Tristan se fixèrent un court instant. Ils pensaient la même chose que leur supérieur. Pourtant, ils avaient le sentiment qu'il n'était pas encore temps. Ils agrippèrent le général par le bras, le forçant à traverser les flammes avec eux. La cape de l'officier se consuma lentement, comme les vêtements des subalternes. Par chance, leur course effrénée prit fin dans la rivière. Ils se remirent rapidement en route.
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Le général Biseau épingla les trois étoiles d'or d'adjudant sur l'uniforme de Barnabé. Par son intervention, il avait sauvé un militaire de très haut rang, ainsi qu'un jeune sergent, bien que ce dernier point n'aie pas vraiment influé sur cette promotion. Et cela, à deux reprises.
« Monsieur Barnabé Cortan, vous voilà promu au rang d'adjudant. Félicitations. » déclara-t-il solennellement.
Le blond exécuta un rapide garde à vous, avant de reculer de quelques pas, se plaçant aux cotés de Tristan. Ce dernier observait discrètement les insignes de son ami, non sans une certaine jalousie.
Un rayon de soleil illumina le petit bureau de l'officier. Assis à coté de l'illustre personnage, un lieutenant complétait une fiche, certainement en rapport sur le récemment-promu...
« Malheureusement, je suis au regret de vous annoncer que votre montée en grade entraînera une mutation, qui prendra effet dans les prochains jours. Néanmoins, vous serez de repos le temps que l'on décide de votre affectation... » continua-t-il.
Barnabé tenta de dissimuler sa déception. Il n'aurait jamais pensé qu'il devrait changer d'unité un jour. Il ne s'y était pas préparé, et cette nouvelle, surtout le fait de quitter Tristan si tôt, le bouleversait profondément. Malgré cela, il savait parfaitement qu'on ne lui en donnait pas le choix.
« Quant à vous, sergent Barnad, vous serez affecté à la défense de la frontière, le temps que l'on vous choisisse une nouvelle affectation. Votre nouvelle unité vous attend. Rendez-vous au bureau du lieutenant Pascal, dans l'aile Est de cette caserne. Présentez-lui ce document, il se chargera du reste. » continua-t-il, reportant son attention sur le sergent.
Tristan acquiesça gravement. Tout avait été si rapide, brutal... Il n'avait pas eu l'occasion de connaître ses anciens camarades, et déjà il devait repartir dans une nouvelle unité. Après tout, c'était peut être ça, le destin du soldat. Mourir dans l'anonymat. D'ailleurs, il ne comptait plus les fois il où il avait failli y passer. Cela relevait presque du miracle, qu'il aie survécu à cet enfer. Parfois, il se demandait si une certaine personne ne le protégeait pas, de Là Haut...
« Rompez, messieurs. »
Tristan et Barnabé quittèrent la pièce en silence, prenant soin de refermer la porte sans un bruit. Les propos de leur supérieur les avaient quelque peu anéantis. Barnabé tapota l'épaule de son ami, souriant tristement.
« Bon, je pense pas qu'on se revoie un jour... Je dois apporter mon dossier au service d'administration, afin qu'ils décident de ma nouvelle affectation. Je t'attendrai dans la cour, en espérant que tu ne partes pas tout de suite. » annonça-t-il gravement.
Tristan hocha de la tête, murmurant un faible « oui ». Il avait vraiment du mal à se faire à cette idée.
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« Bien, je traiterai votre dossier personnellement. Votre unité ne partira que demain matin, aux alentours des six heures. Vous serez de repos jusque là. »
Tristan remercia le lieutenant d'un mouvement de tête. Barnabé l'attendait dans la cour, il devait lui rapporter la nouvelle sans attendre. Il dévala les escaliers, en prenant soin de faire le moins de bruit possible. Lorsque le jeune homme arriva sur les lieux, son ami menait un match d'entraînement avec une recrue. Il avait sûrement été sollicité par un instructeur, afin de montrer ce qu'était un véritable combat. En effet, un lieutenant avait bien peu de chances de perdre face à un novice. L'instructeur prendrait appui sur la défaite de son élève pour lui en faire tirer des conclusions quant à l'art du combat Pokémon.
Le match se clôtura quelques minutes plus tard. Tristan avait listé mentalement une pléiade de défauts tactiques de la part du soldat. Bien entendu, Barnabé en commettait aussi, mais jamais de telles erreurs n'avaient compromis sa position. Il avait mené le combat sans aucun mal. Puis, lorsque le Pokémon du jeune soldat s'écroula d'épuisement, l'instructeur en profita pour sermonner la recrue sur sa façon trop impulsive de combattre. Barnabé se retira doucement, jusqu'à se retrouver aux coté de son ami.
« A peine lieutenant, et déjà on me sollicite. Mais bon, c'était amusant. Tu as porté ton dossier ? » demanda-t-il posément.
« Oui. Je pars demain matin à six heures. De permission jusque là. Du coup, on est amené à passé le reste de la journée ensemble... Qu'est-ce qu'on fait ? »
« J'ai deux-trois affaires à régler en ville. On pourrait s'arrêter dans une taverne pour fêter notre retour sains et saufs et... et puis on verra pour la suite ! »
Le blond partit d'un franc rire amusé. Il venait de penser à quelque chose. Mais pour quel genre de personne passerait-il s'il entraînait Tristan là dedans ? Il balaya rapidement cette idée malsaine de son esprit.
Les deux compagnons, faute d'un programme précis pour l'après midi, déambulaient dans les rues, riant de bon cœur, s'arrêtant à quelques étals, ci et là. Dans une des grandes avenues de la ville, ils achetèrent chacun le même collier, un simple fil noir, d'où pendait une plume de Roucool. Bien entendu, cela n'avait pas grande utilité, mais les deux soldats y avaient vu un porte bonheur, encore plus si ils possédaient le même.
Au détour de la grande avenue, en remontant vers le château, Tristan et Barnabé furent très surpris de rencontrer une foule aussi dense. Il semblait qu'une large partie de l'avenue ait été barrée, et, les habitants flairant un quelconque spectacle, s'étaient amassés là, attendant de vérifier leurs hypothèses. Les deux amis jouèrent du coude afin d'avoir une vue convenable. Un étrange sentiment envahit le Pêchérien. Cette foule, dense...
Les soupçons se confirmèrent une dizaine de minutes plus tard. Une fanfare composée au bas mot d'une cinquantaine de musicien, défilèrent sur la voie publique, suivis de près d'un détachement de vingt cavaliers, tous des femmes. Leur foulard vert attaché au cou trahissait leur mission. Parmi l'une d'elles, Tristan cru reconnaître Solange, mais il n'en était pas sûr. Un carrosse, soigneusement vernis et doré, suivit. Puis, le défilé se clôtura par la parade d'une vingtaine de fantassins. Tristan n'avait observé cet événement que d'un regard absent. La vue de cette cavalière l'avait troublé. Peut être qu'effectivement, il s'agissait de Solange ? Si c'était le cas, il était heureux de l'avoir vue. Vaguement, son regard se porta sur le toit d'une habitation à proximité. Il aurait juré apercevoir une silhouette encapuchonnée regarder le défilé. Mais après son agression aux chutes, il devait se faire du souci pour pas grand-chose. Il tourna les talons, le sourire aux lèvres, entraînant son ami avec lui.
« Bon, on se boit un verre ? » demanda-t-il gaiement.
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Un vent glacé balaya le camp. Tristan se frotta les bras pour se réchauffer, imité par deux de ses nouveaux camarades.
Il avait eu de la chance, concernant son affectation. Il avait été placé dans un petit poste frontalier, au creux d'une vallée, non loin des Chutes Tohjo. Un petit poste de guet, deux kilomètres plus loin dans Johto, avait pour but de prévenir des arrivées ennemies. C'était le calme plat, concept que le jeune homme avait du mal à concevoir depuis son retour de Mauville...
Ses camarades d'unité, tenus au fait de l'issue de la bataille de Mauville, considéraient le survivant comme une sorte de héros. Il inspirait un certain respect parmi les rangs. Tristan n'usait pas de cette position. Cela ne lui ressemblait pas. Et puis, quel honneur y avait-il à retirer de tout ça, au-delà du fait qu'il ait survécu ? Le Pêcherien ne comprenait pas l'admiration que ses collègues lui vouaient.
Le poste de garde n'était pas bien grand. Une petite maison de bois, accueillant deux bureaux, un dortoir et une écurie. Une petite tour, afin de surveiller les alentours et communiquer avec le poste avancé. Malgré l'ennui que lui inspirait cet endroit, Tristan n'était pas mécontent d'avoir atterri ici.
Une patrouille était partie tôt dans l'après midi. Les arbres recouvrant une large partie de la vallée, des escarmouches régulières n'étaient pas de trop pour débusquer d'éventuels groupes ennemis. Un cavalier avait été capturé ce matin, portant un message avec lui. Cela ne pouvait impliquer qu'une trahison du coté Kantois.
Tristan rajusta son col, le serrant sur son cou. Puis, plissant les yeux, il distingua la patrouille qui revenait. Et apparemment, ils avaient fait quelques prisonniers.
« Qu'est-ce que c'est ? » demanda-t-il.
« Un groupe armé qu'on a capturé, ils fouinaient près des Chutes... Et t'a pas vu le meilleur, regarde ça ! » répondit un soldat.
Il tira une forme un peu ronde, pas très haute, du groupe de prisonniers. La bouille rondouillarde du prisonnier affichait une expression terrifiée.
« Ils engagent même des enfants maintenant ? Ces Johtois sont vraiment ignobles... » continua-t-il.
Tristan acquiesça faiblement. Son regard ne put se détacher du garçon. Il le regarda, s'éloignant, disparaissant derrière le baraquement.