Quatrième Chapitre : La Symphonie en Vadrouille.
A Florincia, des soupçons ont toujours pesés sur l'exemplaire avocat, Edward Cohen. Mais pourquoi une personne aussi riche et talentueuse s'adonnerait-elle à des bassesses telles que le vol d'œuvres d'arts ?
Certains racontent que l'argent n'a aucune importance là-dedans. Dans le domaine de l'art, un véritable collectionneur ne connaît aucune limite.
Pour Edward, peut-être que la collection de pièces maîtresses l'a toujours intéressé, autant que son propre métier voire plus...
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Belinda le dévisagea un instant, surprise par ses propos.
-Allez, on n'a pas toute la journée ! grogna Edward. Je croyais que vous vouliez connaître la vérité ? Vous savez que ce n'est pas ici que vous la trouverez !
Ce n'était plus le moment de réfléchir. Si elle avait vraiment voulu l'arrêter, il lui aurait suffit de crier. Le mal était fait.
Prenant une brève inspiration, la comtesse agrippa la main tendue devant elle.
-On y va, dit-elle simplement.
Acquiesçant silencieusement, il l'amena au bout du couloir et se plaqua contre le mur. Une fois certain qu'il n'y avait personne, l'avocat débarqua dans la pièce, suivi de Belinda.
-Je suppose que vous avez un plan.
-On peut dire ça oui...même si j'improvise généralement...
La salle était remplie de tiroirs débordant de parchemins. Plusieurs clefs étaient accrochées sur le mur de droite. Belinda devinait que parmi celles qui manquaient se trouvait celle de leur cellule.
-On ne remet pas la clef ?
-Pourquoi, au cas où Ricardo voudrait nous enfermer à nouveau ? ironisa Edward. Aidez-moi plutôt à fouiller, c'est encore plus mal rangé que ma cave ici.
-Qu'est-ce qu'on cherche ?
-Les pokémon, répondit-il dans la précipitation. Je sais qu'ils sont ici.
D'un mouvement, il renversa plusieurs tiroirs dont les contenus s'étalèrent sur le sol. De son côté, Belinda qui vouait une véritable passion pour le rangement, hésita à soulever une pile de papier. Edward regrettait déjà sa décision de l'avoir libérée.
Il s'immisça devant elle et se mit à tout renverser.
-Ce n'est pas le moment de faire des manières !
Elle lui tourna le dos avec dédain, et aperçut soudain une petite boîte en fer, soigneusement posée sur une étagère. En l'ouvrant, la comtesse reconnut ses pokéballs, et trois autres qui appartenaient probablement à Edward.
Belinda les apporta à leur propriétaire malgré elle.
-Vous voyez, je les ai trouvées sans faire le même raffut que vous ! remarqua-t-elle.
-Humpf...
Lorsqu'il posa ses mains sur les précieux objets, on entendit des bruits de pas raisonner du couloir. Edward poussa un juron en voyant que la porte du bureau n'était même pas fermée.
-Flûte ! J'espère que vous aimez courir !
-Pardon ?! s'exclama Belinda qui n'avait rien remarqué. Sachez que j'ai participé au grand marathon de 1448 et... !
-Ca ira ! la coupa l'avocat.
Il lui prit le bras et retourna sur ses pas. Dans le couloir, ils tombèrent nez-à-nez devant Ricardo et le Gouverneur en pleine discussion. Les deux parurent extrêmement surpris, moment qu'Edward mis à profit pour les dépasser.
-Qu'est-ce que...Cohen et Roseraie... ?! balbutia l'inspecteur.
-Arrêtez-vous ! hurla Belinda à Edward. C'est le Gouverneur !
-Vous lui proposerez de prendre le thé une autre fois !
Il enfonça une porte devant lui, et les deux déboulèrent dans une sorte de salle d'entretien remplie de policiers. L'avocat posa une main sur ses pokéball avant eux.
-Ponchiot, Charge !
Le pokémon fonça sur l'agent le plus proche, mais Edward aperçut également d'autres gendarmes à l'affut.
-Chacripan, Combo-Griffe ! Rondoudou, Megaphone !
Il vit avec soulagement Belinda les maîtriser. Plusieurs de leurs adversaires s'étaient mis à couvert pour éviter l'attaque du Rondoudou qui ne venait pas.
Sans perdre de temps, Edward la tira hors de la pièce. Il voyait enfin le bout du commissariat.
-Vous pouvez être utile de temps en temps ! dit-il entre deux souffles.
-Comment dois-je le prendre ?!
-Disons que je ne pensais pas que vous les attaqueriez !
-Oh, se gaussa-t-elle, c'est d'autant plus amusant que mon Rondoudou ne connaît que Berceuse.
Enfin, ils sortirent à l'air libre. Dehors, le soleil était matinal et quelques lève-tôt se précipitaient sur leur occupations quotidiennes. Si elle ne s'était pas retrouvée dans une telle situation, Belinda serait sûrement parmi-eux, prête à lire le journal avant tous les autres et à siroter une tasse de thé devant les eaux calmes du Cèdre.
Ce qui était théoriquement le seul moment où elle souhaitait sortir de la journée.
-Bel, ce n'est pas le moment de rêvasser ! fit la voix d'Edward.
La remarque la fit sursauter.
-Excusez-moi ? Oh, pardon...Eh, je vous ai dit de ne pas m'appeler Bel !
-C'était le seul moyen d'obtenir votre attention. Vous attendrez qu'on soit plus loin avant de vous arrêter. Allez, venez !
Il la tira par le bras, mais le duo n'eut pas le temps de faire dix pas que quelque chose plongea du ciel droit vers eux. L'oiseau descendit en piqué pour battre des ailes juste au dessus des fuyards, les forçant à se baisser.
Une jeune femme débarqua à sa suite, bouillante.
-Pas un pas de plus ! Je suis Alizée, adjointe de l'inspecteur, et je vous ordonne de vous arrêter ! Heledelle, attaque Cyclone ! Ne les laisse pas s'enfuir !
Le pokémon se mit à battre des ailes. Les cheveux dans le vent, Edward plongea une main vers sa veste puis la brandit devant le pokémon.
-Boule Elek !
Le Statitik accroché à sa paume cracha l'attaque électrique à bout portant. L'Heledelle fut propulsé en arrière sans demander son reste.
Pendant ce temps, une Alizée scandalisée était rejointe par des policiers en renforts.
-Mais...Mais vous n'avez pas le droit ! Je représente la justice ! Je fais partie des forces de l'ordre ! Vous ne pouvez pas désobéir aux règles, pour qui vous prenez vous, c'est complètement illégal et passible de...
L'avocat n'attendit pas la fin de son discours pour se remettre à courir, vivement suivi de Belinda puis d'une flopée de gendarmes sur leurs talons.
Ils ne pourraient pas leur échapper éternellement, et Edward était à court d'idées. Il fallait trouver une chance de semer leurs poursuivants une bonne fois pour toute.
Il força la comtesse à tourner, à l'angle d'une grande avenue.
-Par ici !
-Mais c'est la Place-du-Marché ! L'endroit va être bondé !
-Justement !
Ils débarquèrent au milieu d'un océan de personnes. Les discussions fusaient, les gens se penchaient sans cesse vers divers étals où les marchands vendaient leurs récoltes de la semaine. Les allées étaient pleines à craquer et les habitants se bousculaient dans leurs allez-retours. A cette heure de la matinée, Edward et Belinda venaient de plonger dans le cœur de l'activité Florincianne.
L'avocat se mit à passer entre les étals pour gagner du temps.
-Pardon, pardon...poussez-vous...pardon...
Il fit la sourde oreille aux protestations de tous les commerçants et les clients dérangés dans leurs achats. Derrière eux, les policiers étaient tellement nombreux que peu d'entre eux arrivaient à tenir le rythme, quand ils ne trébuchaient pas en marchant sur des robes ou ne percutaient par les étals de légumes mal placés.
-Attendez-moi, Mr.Cohen, c'est un ordre ! cria une Belinda essoufflée, considérablement ralentie par son accoutrement.
Edward leva les yeux au ciel.
-Ponchiot, Morsure ! ordonna-t-il.
Le pokémon canin grogna, puis arracha la moitié de la robe de la comtesse d'un coup de dent. Cette dernière poussa un cri inhumain.
-AAAAAAH ! MA ROBE A DEUX CENTS FLORINS ! QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ FAIT ?!
-Elle vous ralentissait ! répondit Edward avec un sourire jubilatoire.
-VOUS ETES UN MONSTRE ! UNE MENACE POUR LA MODE ! VOUS ME LE PAIEREZ !
Il la laissa encore crier une bonne demi-heure, sachant qu'il ne serait satisfait qu'au moment où ils auraient semé les forces de l'ordre. Mais très vite plus personne ne les suivait, leurs derniers poursuivants probablement engloutis par le flot de commerçants.
Edward cherchait des yeux un endroit sûr où se reposer, lorsque son regard s'arrêta sur la grande statue de marbre qui trônait au centre de la Place.
-Reprenons notre souffle ici. Je crois qu'on les a distancés.
-Pffff...Je ne pourrais plus jamais remettre ces chaussures ! maugréa Belinda derrière lui.
Elle s'assit au bord d'une fontaine, et se mit à observer les semelles à la recherche d'une tâche invisible. Il la laissa râler dans son coin, savourant un moment de calme bien mérité.
Devant eux, une statue plus vraie que nature dominait la Place toute entière. On aurait dit la représentation d'une prêtresse, à la façon dont elle joignait ses mains vers le ciel, bien que son accoutrement suggère plus celui d'une danseuse. Il y avait une atmosphère religieuse ou tout du moins divine dans sa position. Le marbre utilisé était également d'un blanc étonnamment pur, comme si le monument irradiait les environs de lumière. Peut-être que c'était cette lumière qui évoquait un sentiment de divin à Edward. On aurait dit que c'était ce même blanc si lumineux qu'on retrouvait dans les fresques du paradis.
-C'est peut-être un ange...murmura Edward.
A côté de lui, Belinda mit un temps à comprendre qu'il parlait de la statue. En comparaison, la comtesse se dit que les sculptures de sa galerie faisaient pâle figure.
-C'est joli, dit-elle simplement. Je me demande si on peut la racheter.
-Elle est très bien là où elle est ! s'offusqua l'avocat. Vous n'avez donc aucun sens de l'art ? Vous ne voyez pas cette harmonie entre la statue et ses environs ? Cette cohérence de style ?
Elle parut prise au dépourvu, en oubliant presque de se montrer désagréable.
-Et bien...Je suppose...
Le débat n'irait sans doute pas plus loin. Considérant d'un peu plus près l'aspect de la statue, il s'avança de quelques pas.
-C'est un style vraiment atypique...Et pourtant il ne m'est pas étranger. Je me demande ce qui a servi de modèle.
Belinda se leva de la fontaine à son tour, d'un pas plus rapide. Elle se pencha vers la statue avec moins de déférence que son compagnon.
-Vous vous creusez trop la tête, Edward. Il suffit de lire la légende.
-Je vous en prie, vous pouvez m'appeler « Ed », Bel.
-Je ne préfère pas, non, répliqua-t-elle d'un ton sec mais détaché. On pourrait faire un lien entre vous et moi, ce que je souhaiterais éviter.
Si la remarque l'avait vexé, alors il le cachait très bien. L'avocat se pencha également vers la plaquette au sol.
-Alors, cette légende ?
-C'est étrange...Il n'y a ni auteur, ni date. Seulement un nom.
- « La Déesse Bienveillante », dit Edward à voix haute.
-La Déesse Bienveillante, répéta Belinda. La Déesse...c'est comme si le destin se jouait de moi.
Il avait compris où elle voulait en venir. Après tout, il y avait une autre Déesse qui les avait rassemblés hier soir. Une Déesse qui avait témoigné de la mort de Virgil...
-Inutile de se lamenter du passé, dit-il devant son air attristé. Je pense que nous devrions plutôt collaborer. J'ai besoin de vous pour savoir qui nous a vendus, et vous avez besoin de moi pour savoir qui a tué Virgil.
-Sérac...
-Il ne s'appelait Sérac, Belinda.
-Je m'en moque. C'est le nom qu'il portait devant moi. Vous pouvez peut-être vous pavaner d'en savoir plus que moi sur toute cette affaire, Edward, mais vous ne m'enlèverez pas ça.
Ce dernier se montra surprit par sa réaction. Malgré son attitude distante, la comtesse tenait visiblement bien plus à Virgil qu'il ne l'avait cru. Et quelque part, Virgil et Sérac étaient peut-être deux personnes différentes. Edward avait le sentiment que tant que ce serait le cas, il y aurait toujours une barrière entre lui et Belinda.
-Alors appelons le Janus, déclara-t-il.
-Janus...Pourquoi un tel nom ?
-Dans la mythologie romaine, Janus était un dieu à deux visages. Il est celui qui regarde à la fois le passé et le futur. Un nom qui convient bien à notre victime, ne trouvez-vous pas ?
-Je...pense que je pourrais m'y faire. Mais qu'est-ce qui vous fait croire que je compte vous aider pour autant ? Je ne sais toujours pas si je peux vous faire confiance.
Elle ne fut pas étonnée de voir un sourire narquois s'afficher sur le visage de l'homme.
-Dans ce cas, réglons cela de manière officielle. Vous êtes coupable de délit de fuite ainsi que soupçonnée de meurtre par les forces de police de florinciannes. Et moi je suis avocat.
Il fit une révérence un peu trop exagérée pour avoir l'air respectueuse.
-Comtesse Roseraie, engagez-moi pour cette affaire. Si je trouve le meurtrier de Janus...alors toutes les accusations qui pèsent sur vous seront relevés, n'est-ce pas ?
-Hum...Et quels seraient vos honoraires ?
-Mon prix sera votre reconnaissance éternelle, ironisa-t-il.
Elle fit la grimace. Edward savait que cela lui coûterait plus que n'importe quelle somme. Mais sa manière de procéder lui plut. Ils ne collaboraient pas. Elle était seulement son client.
La différence était infime, mais elle suffit à la faire sourire.
-Alors j'accepte, déclara Belinda.
Fin du Quatrième Chapitre.