La nouvelle Challenger.
C'était la quinzième année de ma vie, en gros, j'avais quinze ans, et, depuis le Changement, était l'âge minimum recommandé pour commencer avec un pokémon, même si beaucoup d'enfants n'y prêtaient pas la moindre attention, et partaient à dix ans, comme avant.
Bon, j'avais quinze ans depuis environ un mois, mais ma mère, en grande paranoïaque qu'elle était devenue, avait trouvé mille et une excuses pour retarder ce moment fatidique où je ferais mes premiers pas hors du Bourg-en-Vol, la ville où j'habitais, et où je commencerais à tuer d'innocents pokémons pour que les miens deviennent plus forts. Moi non plus, cela ne me réjouissait pas, mais à ce moment là, cela faisait partie du quotidien, et voir des cadavres de pokémons au bord de la route était aussi normal que de voir le soleil se lever chaque matin.
Mais j'avais pris ma décision, depuis, quand je n'avais encore que dix ans, j'avais vu cette photo qui ressemblait à l'Inconnu. A l'époque, cela m'avait semblé totalement insensé, mais plus le temps passait, plus j'en étais certaine ; je le connaissais, je l'avais déjà vu quelque part. Après quelque recherche, j'avais appris qu'il venait de Kanto, là ou j'habitais avant que, cinq ans auparavant, nous déménagions pour cette région, à l'époque, nous ne savions rien du Changement et des Règles, nous sommes arrivé, et ma mère s'était vu confisquer son Papilusion qui l'avait accompagnée toutes ses années durant. Malgré ce masque souriant qu'elle abordait à longueur de temps, je savais que derrière, des larmes pleuraient la perte de son ami. Mon frère, Tristan, n'avait pas voulu partir avec nous, il avait préféré rester à Kanto pour devenir Maître Pokémon, depuis que l'on était parti, nous n'avions plus jamais eut de nouvelle… Mon père, on ne savait pas, il était parti un jour hors du Bourg, depuis, jamais il n'est revenu. Nous ignorions ce qu'il était devenu, mais, moi je savais qu'il était toujours vivant, avec ses pokémons, il devait parcourir Hoenn de long en large et vivait mille aventures.
Ho, moi ? Je suis Saphire, je sais c'est un drôle de nom, ma mère m'avait appelé comme ça à cause de mes yeux, d'un bleu marin, selon ma mère, ils semblaient renfermer les plus profonds abysses. En fait, à Kanto, ma mère, Anna, avait entendu parler du pokémon divinité Kyogre, dieux des océans. D'après elle, la couleur de ses yeux seraient égales à deux magnifiques saphirs scintillants dans l'obscurité des eaux profondes. Mélangez toute les informations, et vous avez mon prénom. A part mes yeux bleus, j'ai des cheveux aussi normaux que touts les autres, une frange, qui tombait au niveau de mes sourcils, et puis, mes mèches lisses tombaient en dessous de mes omoplates, le tout d'une belle couleur brune, tout ce qu'il y avait de plus normal donc.
Ha, pourquoi faire l'Aventure ? Pour quatre raisons ; trouver papa, élucider l'énigme Red, retrouver Green (ouais le nom est pas terrible non plus, mais il avait déménagé avec moi et je l'aimais comme un frère)qui avait déjà commencé l'Aventure deux ans avant moi et surtout, comme tout le monde, il voulait annuler les Règles, dissoudre les Juges et ainsi ramener le calme sur la région. L'objectif de tout les Challengers à vrai dire, mais, en huit ans, jamais personne n'avait réussi, après tout, d'après les rumeurs, les nouveaux champions d'arène étaient cruels et s'amusaient et déchiqueter le corps des pauvres pokémons qui avaient le malheur de mourir, et cela laissait des traces indélébile dans l'esprit de son dresseur, de son compagnon de voyage, de son ami.
Et donc, aujourd'hui, j'avais réussi à m'éclipser de notre modeste maison, en huit ans, apparemment, la ville s'était beaucoup développée, le Bourg-en-Vol ressemblait désormais plus à un village de taille moyenne. Moi, de mon côté, je préférais cela que de vivre dans un trou paumé au milieu de la forêt. Je m'étais alors engagée sur le sentier, vêtue d'un jupe assez courte plissée noire et d'un top bleu foncé avec un motif tribal en bleu plus clair imprimé au niveau de la poitrine, laquelle n'était pas vraiment généreuse, d'une bonne taille, mais voilà quoi, vous connaissez les filles de Kanto et leur avis sur leur physiques, hein ?
La route vers le laboratoire ne durait pas plus de dix minutes à pied, et, en proie à une excitation certaine, je sautillais joyeusement, passant devant les duplex accompagnés de leurs grands jardins remplis de fleurs colorées. Je sentis leur parfum mélangé, oui, j'aimais ce pseudo Bourg, quand je partirais, bien sûr j'en aurais des regrets, comme quitter cette ville, laisser maman seule, le cœur brisé, ou de ne plus voir toutes les personnes que je connais. Mais je me promis de revenir le plus possible, pour passer une nuit, ou une semaine pourquoi pas ? Même les Challengers avaient le droit de se reposer non ? J'aperçus enfin le laboratoire au détour d'une rue, il était toujours le même depuis longtemps, à l'apparence d'un loft design, les façades peintes en blanc mais dont les intempéries et le temps qui ne cessait de s'écouler, avait viré à un gris clair. Mais cela n'enlevait rien aux trésors que refermait cette bâtisse aux fenêtres ovales. Je m'approchai de la porte, d'un rapide coup d'œil, je reconnus la sonnette d'entrée. D'un doigt déterminé, j'appuyai longuement sur le petit cercle en plastique, on pouvait entendre le son aigu de l'appareil résonner dans le bâtiment. Je pus entendre également quelqu'un pousser un juron en s'approchant. Un sourire fendit mon visage, quel pokémon sera disponible, seront-ils forts, mignons ? Ou le total inverse ? Tant de questions tourbillonnaient dans ma tête et celle-ci tournait un peu. Je me repris rapidement quand le bruit de la porte me fit revenir à la réalité. Dans l'encablure se trouvait un vieil homme. Ce qu'il restait de ses cheveux étaient d'un gris terne. De profondes rides creusaient sur visages comme si milles fleuves avaient coulés dessus.
En effet, la Deuxième Règle interdisant de capture le pokémon que l'on souhaite, le pauvre professeur n'avait plus vraiment de travail et sa collection de pokémon avait été confisquée après la victoire de l'Inconnu. Il était fatigué, usé et d'après la lueur de ses yeux marron, il voulait juste se reposer sans bouger le restant de ses jours. Pourtant, il y a huit ans, ses cheveux étaient toujours nombreux et d'une couleur pareil à la mienne d'après ce que l'on m'avait dit, il avait vieilli à une vitesse impressionnante en peu de temps. Avait-il vraiment l'âge qu'il semblait avoir ? Personne ne savait le dire, et je n'étais pas la mieux placée pour tirer des conclusions.
-B-Bonjour, je suis Saphire, ravie de vous rencontrer professeur, dis-je d'une voix qui tanguait entre la timidité et la détermination.
Il sourit, malgré la fatigue, il prenait encore plaisir à distribuer le peu de pokémon qu'il lui restait aux jeunes Challengers, il ne devait lui rester que ça comme sens à sa vie.
-Tu viens chercher ton premier pokémon ? Tu m'as l'air bien plus âgé que ceux que je reçois habituellement. Tu seras peut-être plus réfléchie que les autres gamins de dix ans, entre je t'en prie, répondit-il d'une voix las. Je fronçai les sourcils pour qu'il ne s'attarde pas là-dessus.
Lui, avait toujours espoir qu'un jour, tout comme moi, que la région redevienne comme avant. Nous étions les Attachés, tandis que ceux qui avaient accepté leur situation et ne désiraient pas vraiment que cela change s'appelaient les Détachés. De plus en plus d'Attachés devenaient des Détachés aux plus grands désarrois de notre peuple et des pokémons par la même occasion. Bourg-en-vol était un des deux seuls villages qui était peuplé d'Attachés à l'espoir d'une vie nouvelle, c'était d'ailleurs pour cette raison que le bourg avait tant grandi. La deuxième ville résistante était Cimétronelle, je n'avais jamais vu cette ville perchée sur les arbres, mais apparemment, cette ville aussi avait beaucoup grandi, à tel point que certaine maisons se trouvaient dans les bois, en dessous de celles perchées. Elle était, à ce qu'on disait, magnifique.
Nous entrâmes dans le laboratoire, qui, malgré ce à quoi je m'attendais, était bien lumineux et aéré. Ce n'était pas plus mal qu'un labo miteux, noir et qui sentait le renfermé. Je passai en revue l'unique grande pièce du laboratoire, des grandes étagères vides qui devaient auparavant être remplies de Pokéballs. Il y avait quelques machines qui prenaient la poussière au fond et également des livres sur la table à côté d'un vieil ordinateur, ceux-ci n'avaient pas l'air vieux, c'était probablement la seule occupation du vieil homme désormais. Alors que j'essayais de lire le titre d'un des livres, le professeur m'interpella :
-J'ai vraiment de la chance, une personne plus où moins responsable ! D'ailleurs, Ca va faire trois heureux en tout, dit-il en fouillant dans une vielle boîte qu'il avait sorti de derrière une étagère.
-Trois ?demandai-je après un rapide calcul, mais nous sommes deux ici!
-Deux Attachés certes, mais tu oublies lui, répliqua-t-il d'un ton enjoué en tendant du bout de ses doigts fins une Pokéball orange ornée de cercles noirs aux bords jaunes. Je pris lentement la Pokéball et la regardai d'un air perplexe. Le vieil homme répondit à ma question muette tout en s'asseyant sur un fauteuil en cuir bleu foncé un peu abimé.
-C'est une Bis ball, elle est plus efficaces sur les pokémons déjà attrapés. Le premier que j'ai attrapé est mort en défendant le labo, c'était son frère, qu'il avait surveillé jusqu'à la fin.
Je regardai tristement la Bis ball en pensant à l'histoire tragique qu'avait dû surmonter ce pauvre pokémon même avant sa naissance. Je décidai de savoir de qui il s'agissait tout de suite, et après lui donner un nom. Car chaque pokémon était unique, même si un Papilusion ressemblait à n'importe quel autre Papilusion, il était différent, unique, il était lui. Voila la raison pour laquelle à ces temps-là, la plupart des dresseurs donnaient des noms à leurs protégés. Car depuis le Changement, les dresseurs avaient enfin prit conscience de la vie des pokémons, à quel point elle était précieuse et à quel point perdre son compagnon était dur. Ils sont aussi vivants que nous, tous différents, alors ils méritaient des noms, comme nous. J'appuyai sur le bouton et une gerbe de matière rouge s'en échappa. Un petit pokémon se matérialisa, les jambes repliées sur son corps. Sa queue d'un vert plus foncés que son corps gisait à terre. Un Arcko, un pokémon désigné pour étant un des trois pokémons recommandés pour débuter. Des pokémons rares, il ne devait plus beaucoup en rester désormais. Je m'approchai du pokémon qui me tournait le dos, je m'accroupis et il daigna à poser un regard sur moi. Il était seul depuis longtemps, il n'avait pas du sortir depuis une éternité, prisonnié de sa capsule, isolé et coupé du monde. Je m'approchai encore de lui, il ne fit rien pour protester, je le pris alors dans mes bras. Tant de douleur pour ce petit être si jeune. Il ne se débattit même pas, était-il déjà parti chez les Détachés ? Je le soulevai lentement et le pris comme un bébé. Le vieil homme nous regardait avec un regard attendri sur le visage.
-Allez, tout va bien maintenant, tout va bien aller, tu es avec moi désormais, on va sortir voir la région, ensemble. Et on se fera d'autres amis géniaux. On sera comme une famille, unis et heureux, chuchotai-je tout près de lui, cherchant en même temps son prénom.
Le pokémon plante émit un gémissement, il releva enfin la tête vers moi. Et je crus apercevoir que ses yeux brillaient, des larmes, des tristesses ou de joies ? Surement les deux, car il me sourit et me sauta au cou. N'était pas ce qu'il recherchait, une famille ? Des amis avec qui rirent, tout ça. C'était l'isolement que l'avait rendu triste, et je sentais que malgré son changement d'humeur, c'était loin d'être réglé pour l'instant.
-Tears, maintenant, tu t'appelleras Tears. Les larmes, pour symboliser la douleur que tu as traversée, et celle que nous traverserons certainement plus tard. Mais également pour la joie, la joie d'être ensemble, quand ces larmes se transforment en sourires.
Il se décolla et je le reposai sur le sol, il ne faisait encore même pas plus qu'un demi mètre. Et le mince voile de tristesse dans ses yeux marquait son traumatisme, mais je ne perdis pas espoir pour autant, j'étais une Attachée et je comptais bien y convertir Tear, et qu'un jour, ce voile s'évapore au loin.