Chapitre 2 : Attiser [Tjaurdin]
Il était tard ; quelques torches éclairaient fébrilement le général Léarco Forra, sortant tout juste d'un conseil avec le Roi et son conseiller principal. Les cernes sous les yeux et le regard hagard ; ce général avait une bien piètre figure. Une raison ? Gérer des effectifs pour rien, le Roi lui réduisait les Pokésols et surtout la politique étrangère à surveiller.
Tout le monde exhortait d'investir dans la guerre maintenant que la paix s'installait, les subventions s'arrêtaient ; finalement, même le Roi lui-même ne voulait plus le soutenir.
- Pff !
*
- Mon bien-aimé Roi, sachez que si la guerre disparaît dans nos contrées, il sévit toujours des pillards semant troubles et confusions. Il me faudrait stagner à cette somme tous les mois pour entretenir une armée digne de ce nom, une armée capable de rassurer le peuple. De surcroît, nous ne savons jamais ce qu'il peut arriver dans les autres régions...
- Désolé, Général Forra, mais sachez que la diplomatie freine la guerre et le monde est las du sang et des coûts engendrés. Soyons civilisés et investissons plus dans la diplomatie. Qu'en pense notre Roi ? Tempéra le conseiller en observant le Roi qui donnait à manger à son Pokémon.
- Général Forra, je suis très attaché à vous, nous avons parcouru beaucoup de miles ensemble ; toutefois, notre chemin peut se séparer plus tôt que prévu... Ces temps de haine où le sang coulait dans nos douves est révolu. Que diriez-vous de vous mettre à la diplomatie ? Je dépêche un des maîtres pour que cet art soit à votre arc. Et quant à la somme, prévoyez une baisse.
*
- La diplomatie, dit-il en crachant le mot. Les armes parlent bien plus que la langue, n'est-ce pas Démolosse ?
- Démo !
- Ahaha ! J'ai bien fait de t'apprivoiser, tu es un fidèle compagnon ! Je sais que toi, au moins, tu ne me trahiras pas. Ah, bien le bonsoir, Fou. Que t'arrive-t-il de sortir si tard de ta geôle ? Ta langue s'est trop déliée pendant le banquet et tu cherches l'inspiration ?
- La Haine n'a qu'une note, sourde et grave, fou est celui qui la chante, heureux est celui qui chante clair avec plusieurs notes car l'Humanité est ouverte.
- Fou est celui qui cherche à te comprendre plutôt ! Sacrebleu, ma femme m'attend ! S'écria-t-il se tapant le front.
L'homme s'en alla en dansant sur un pied puis sur l'autre. Le fou du Roi était maigre, tellement maigre que Léarco aurait pu le briser comme une brindille. Vêtu de toutes les couleurs, le Fou paraissait vraiment l'être et son hygiène, elle, paraissait fortement douteuse. Peu de gens l'appréciaient sinon le Roi. Il était tel une marionnette mais qui dirigeait ces fils fébriles ?
Le général passa par la cour et Démolosse se mit subitement à gronder. Vite en garde, Léarco, d'un regard alerte, observa les environs en cherchant cet inconnu, car son Pokémon ne pouvait se tromper.
- Holà ! Doucement ! Quel féroce Pokémon ! C'est qu'il mordrait presque, railla un homme sortant de l'ombre portant un manteau blanc qui avait noirci et était abîmé, un capuchon rabattu sur la tête et un poignard fixé à la ceinture.
- Démolosse attaque Lance-flamme !
Le Pokémon de Léarco campa sur ses positions et se prépara à lancer son attaque. Néanmoins, une surprise m'attendait, et pas des moindres. Une attaque éclair fusa vers le Général directement et son Démolosse se jeta sur la trajectoire du tir pour le protéger. Il retomba sur ses quatre pattes et de son seul œil, fixa un autre Pokémon de sa taille d'une fourrure noir bleuté avec un regard mauvais. Luxray, c'était son nom dans les encyclopédies et c'était sans aucun doute le lanceur de l'attaque.
- Je n'en attendais pas moins de vous, général Forra, rigola le jeune homme abaissant son capuchon.
C'était un garçon au visage juvénile avec un regard qui cherchait à voir la profondeur des choses ; tout en lui dégageait une assurance et une confiance en soi infaillible. La lune se découvrit et Léarco s'aperçut que son corps, lui apparaissant maigre, était en fait svelte : on aurait dit un serpent capable de s'insinuer partout, toutefois pour le bien des gens.
Le général apprécia tout de suite sa mine et arrêta de le suspecter. Il se mit au repos et lui demanda :
- Que faites-vous ici ? Surtout à cette heure avancée, si les gardes vous trouvent, vous risquez fort d'être puni.
- Je suis là pour vous, Général, répondit le jeune homme en insistant sur le « vous ». Le Frère Suprême des Messagers de Lune – bénie soit-elle - m'a dépêché de vous quémander quelque chose. Cependant, nous parlerons ailleurs. Accepteriez-vous une balade en ville haute ? Je m'appelle Ace.
- Je vous suis, Ace, dit le général souriant à pleines dents : les Messagers de Lune étaient des gens riches et ce culte lui plaisait ; il regrettait que cela ne se répande que très peu à Johto.
Ils marchèrent jusqu'à la Grande Porte où deux gardes endormis se bousculèrent pour ouvrir les portes aux deux hommes. Ace ne dit rien, seul le général salua les deux hommes poliment. Devant eux se dressa alors la ville haute : de belles maisons en pierre, avec jardins parfaitement entretenus et quelques fontaines çà et là. Le tout éclairé par des torches disposées en hauteur pour repérer d'éventuels voleurs qui vagabonderaient sur les toits.
- Alors ? Lança le général impatient d'écouter ce que le jeune homme avait à dire.
Le dénommé Ace sourit et sortit de sa toge une feuille écrite par un expert en la matière.
- Ceci a été écrit par le Frère Suprême, comme vous devez vous en doutez. C'est un traité toutefois ayant pour but de provoquer une guerre...
- Et qu'est-ce que cela me rapporterait ? La guerre est finie, voici la Paix. Qui d'assez fou irait provoquer cette guerre, justement ?
- Vous savez, nous, les Messagers de la Lune, avons bien des pouvoirs et notre culte pourrait bannir votre région. Vous ne connaîtriez pas l'Illumination et vous perdriez dans les flammes de l'Enfer...
Léarco frémit à ces mots et les yeux de Ace brillèrent fugacement dans la pénombre environnante. Le général ne dit rien mais n'aimait pas qu'on l'utilise de la sorte. Ce Frère Suprême avait sûrement appris son goût prononcé pour la guerre et voilà qu'un des Messagers venait lui faire sa requête...Voilà qui était plutôt appréciable.
- N'en rajoutez pas plus, Messager de la Lune, je signe ce traité et je demande une unique condition : en preuve de votre bonne foi, la guerre sera ma région contre la vôtre.
- Tout ce qu'il vous plaira, dit Ace faisant une courbette.
***
Le lendemain soir, le Général se rendit dans un bourg reculé, où la pluie battait son plein et un orage mortifiait les gens vivant dans ce coin. Léarco, trempé sur son Airmure, trouva des mercenaires dans une forêt environnante. Pour une bonne somme, il les paya à dessein de provoquer un conflit entre la région Kanto et Johto. Non loin des frontières, il y avait cette petite ville, qui abritait un fort commerce, une fierté de Kanto... où le sang coulerait !