Ce que je peux détester le Noigrume Drink...Vous ne pouvez pas savoir. Mais vous connaissez sans doute cela...On démarre un jour et puis, on ne peut plus s'en passer. On en prend à tous les repas et entre tous les repas, quand ça va et quand ça va pas...
En même temps, malgré le fait que ce soit absolument immonde, ça donne une énergie du feu d'Arceus, c'est incroyable. Je peux vous le garantir. Paraît que les plus hauts athlètes du Pokéathlon se dopent à cette saloperie. Tombe bien, dans mon métier, c'est quelque chose dont on a souvent besoin...
Je suis le commissaire Jungko. Mon travail, comme vous pouvez vous en douter, est d'arrêter les pires criminels de la région. Ouaip. Rien que ça. On peut pas dire que je sois au chômage. Je me charge des meurtriers, des voleurs, des escrocs...Tout le sale monde y passe.
Je suis commissaire depuis un bon bout de temps maintenant, mais je n'ai de cesse de penser à mon prédécesseur. Le commissaire Laggron. Je pensais qu'il était mort...Jusqu'à cette tragique affaire qui opposa les forces de police au pire gang de la région et à l'assassin de mon ancien patron*. Pourtant, certains événements qui ont eu lieu au cours de l'enquête m'ont amené à penser que mon mentor était peut-être toujours en vie. Affaire à suivre.
Mais assez parlé de moi. Mon autobiographie existe déjà, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'en ajouter une couche. Parlons plutôt de mon acolyte de toujours, ou presque, Négapi. Un jour, je le laisserai sans doute prendre ma place...Quand je serai mort. Ce Pokémon est tout de même un personnage curieux. Il a commencé par exercer la profession de médecin mais il s'est avéré qu'il était plus doué à résoudre des enquêtes policières qu'à soigner des cas d'Aspicots solitaires. Du coup, je l'ai embauché et il est devenu mon adjoint actuel. Il est pas parfait, mais il fournit du bon travail.
Mais dans mon entourage, y'a pas que des gentils. Je pense notamment à cet imbécile de Raichu qui passe son temps à me mettre des bâtons dans les roues. Ca, c'est le rôle d'un Arcko, pas d'une souris. Je le déteste. C'est un commissaire, comme moi, qui a été affecté à un autre commissariat...Et je me demande comme un sale type comme lui a pu arriver jusque là. Si vous vous demandez pourquoi je le déteste autant, je vous répondrai que j'ai eu une enfance difficile et que j'ai eu du mal à me faire respecter. Ce gars ne m'y a pas aidé. Point. J'ai pas tellement envie d'en parler. Mais quoi qu'il en soit, sachez que ce Pokémon-là essaie tout le temps de me voler la vedette et que ses capacités en tant qu'enquêteur sont médiocres.
Certes, un commissaire n'est pas toujours censé aller sur le terrain, mais moi, j'adore ça. La paperasse, ça va cinq minutes, mais un bon crime, il n'y a rien de mieux. Je pourrais passer des heures à résoudre un mystère complexe en buvant du Noigrume Drink. D'ailleurs, c'est ce que je fais tout le temps. Malheureusement, le procureur ne me laisse pas toujours faire. Il est arrivé à son poste il y a peu. C'est un Pingoléon très prestigieux. Ça, il ne manque pas de classe, faut l'avouer, mais comme tous les procureurs, c'est lui qui décide réellement des opérations de police. Lui et moi, on s'entend pas trop mal alors il me laisse diriger les opérations à ma façon, mais il lui arrive de temps de temps de refuser une perquisition ou une arrestation...Mais bon, ça a toujours été comme ça et ça le sera toujours, alors inutile de se plaindre de ce côté-là.
Et puis, maintenant que le gang du Sable Volant est sous les verrous, le taux de criminalité va bien baisser, non ?
[fin de la musique]
C'est dans cet état d'esprit que j'étais lorsque la sonnerie caractéristique du téléphone se mit à résonner. J'étais habitué aux sempiternels coups de fils du procureur, aussi ne fus-je pas étonné d'entendre sa voix en décrochant le combiné.
-Monsieur le Procureur, annonçai-je.
-Commissaire, je suis heureux de vous entendre, répondit Pingoléon de sa voix grave. Auriez-vous l'obligeance de vous rendre sur les docks ? Nous avons le corps d'un Pokémon sur le dos.
-Vous m'appelez pour une affaire de meurtre quelconque ? Souhaitez-vous que je vous envoie un inspecteur ?
-Je vous conseille de venir voir cela en personne, vous pourriez être intéressé. Ce n'est pas un meurtre banal. Enfin, dans les faits, si, mais...Venez, vous verrez vous-même.
Je soupirai et raccrochai le téléphone. D'un côté, j'étais agacé parce que ma période de repos touchait à sa fin et d'un autre, le fait de retourner sur le terrain me faisait plaisir. Je me demandais ce que j'allais trouver en allant là-bas. Les docks n'étaient pas très loin de mon commissariat, cinq minutes à vol de Roucool. Dans un coin du bureau, Négapi était affairé à remplir des formulaires pour je ne sais quelle enquête.
-Un souci, chef ? Me demanda t-il, tout en écrivant quelques mots sur une demande de perquisition.
-Ca te dit, une virée sur le port ? Répondis-je.
Il savait très bien que c'était une question rhétorique et il ferma le dossier qu'il consultait, enfila son imper (le mien était déjà sur mon dos, ainsi que mon chapeau) et nous nous dirigeâmes tous deux vers la porte vitrée de notre bureau.
-On est partis, annonça t-il.
---
Il devait être pas loin de 22h30 lorsque nous arrivâmes sur les lieux. Les docks, j'y suis déjà passé il n'y a pas si longtemps, pour cette affaire du Sable Volant. Que vous dire dessus, si ce n'est qu'ils ressemblent à tous les docks existants ? Un labyrinthe de containers encaissés de toutes les couleurs, du rouge au bleu, un grue plantée depuis je ne sais combien de temps à côté de la jetée, quelques bateaux amarrés sur le port, prêts à décharger leurs cargaisons...Un paysage portuaire des grandes villes vraiment banal.
L'endroit propice pour commettre un meurtre. Peu de gens s'y aventurent la nuit. Quelques policiers y patrouillent de temps en temps, et c'est justement une patrouille qui avait découvert le corps.
En arrivant sur les docks, je vis tout de suite les voitures de police déjà garées, gyrophare enclenché. Je m'engageai avec Négapi dans un couloir formé par les containers et au bout duquel la silhouette familière de Pingoléon était visible et passai outre la banderole jaune « Scène de crime » afin d'aller à sa rencontre. Le couloir débouchait justement sur la jetée, en face d'un large bateau visiblement très ancien (cela se voyait à la rouille qui ornait certains endroits de la coque). Quelques policiers inspectaient les lieux, armés de lampes torches, à la recherche d'indices potentiels. Le Procureur était posté à côté du vieux bateau et regardait celui-ci avec attention. A ses pieds, un cadavre était recouvert par l'habituel drap blanc qui me rappelait étrangement un linceul. Le médecin légiste était penché à côté de lui et examinait une patte, le seul membre qui dépassait du drap.
-Qu'avons-nous là ? Demandais-je en arrivant.
-Commissaire, c'est un vrai plaisir de vous voir, s'exclama le Procureur. J'étais en train de réfléchir à ce meurtre. Je n'ai pas vraiment le temps de tout vous expliquer, le médecin-légiste s'en chargera. N'est-ce pas, Carmache ?
Le légiste acquiesça et se releva.
-Selon ce que j'ai trouvé, la victime est un Aflamanoir. Il a été transpercé par une lame et j'imagine qu'elle appartenait à un Pokémon. Selon moi, le coupable est un Pokémon qui possède une membrane tranchante, comme moi ou bien un Insécateur.
-Cela va restreindre le champ des suspects potentiels...Mais le nombre de Pokémon qui possèdent une membrane tranchante en ville est vraiment élevé. Si jamais l'assassin vit ici. Autre chose ? Demandai-je.
-L'assassin lui a perforé le cœur. La victime est morte sur le coup. Pas d'autre blessure apparente. Cela signifie que nous avons affaire soit à un chanceux incroyable – façon de parler bien entendu – soit à un professionnel.
-Un tueur professionnel ? Vous en êtes sûr ? L'assassin a très bien pu frapper au cœur sans être un professionnel. Je veux dire, si je croise un autre Négapi, je sais où se trouve son cœur, je peux le tuer sans être un pro, objecta mon adjoint.
-Cela impliquerait que l'assassin était un Afflamanoir, répondis-je. Et je ne lui connais pas de membrane tranchante. En revanche, je vais te dire une chose : chaque Pokémon étant différent, le cœur n'est pas placé au même endroit sur un Gloupti et sur un Pikachu. Si le tueur était un autre Pokémon, il y a peu de chances pour qu'il ait connu l'emplacement des organes vitaux d'un Afflamanoir. A moins d'être un tueur professionnel, comme vous le disiez plus tôt, Carmache. Les meilleurs savent exactement où frapper pour donner la mort.
-En effet, vu de cette façon, c'est la meilleure conclusion logique...finit par dire Négapi.
-A quand remonte la mort, demandai-je.
-Une heure, tout au plus, me répondit Carmache.
-Les policiers en faction ici ont découvert le corps alors qu'ils faisaient leur ronde. Ils se sont empressés de nous appeler. Ils sont là-bas, si vous avez des questions, ajouta Pingoléon.
-Très bien, je vais mener mon investigation, finis-je par dire.
Je regardai les lieux. La scène de crime était de forme rectangulaire, comme sur ce dessin :
Voir l'image en grand[Légende : -Le point rouge est l'emplacement de la victime.
-Les rectangles noirs sont les containers
-Le rectangle gris est le bateau]
Il n'y avait que trois issues possibles. Le couloir par lequel nous étions arrivés, un autre couloir qui partait vers la droite et bien entendu, la jetée.
Le tueur aurait pu arriver en bateau ou en barque, commettre le crime et repartir. Et si c'était le cas, il serait difficile de trouver des traces de son passage par l'eau. J'inspectai le couloir de droite. Il y avait quelques empreintes de pas, mais elles appartenaient toutes aux policiers.
Ce n'était apparemment pas par là qu'il s'était enfui du lieu du crime. Je fis chou-blanc également en cherchant des indices du côté de notre arrivée. Cependant, je découvris quelque chose, en allant tout à gauche de la scène de crime. Il n'y avait là que des containers mais quelque chose attira mon attention sur l'un d'eux. Il y avait des marques qui avaient arraché la peinture des immenses caisses. C'était difficile à voir en pleine nuit, mais il semblait que quelque chose, comme une paire de griffes, s'étaient agrippées à cette caisse...Et celle du dessus portait les mêmes marques. Etait-il possible que...?
-Chef, vous voulez inspecter le corps de la victime ? Me demanda Négapi. Ils vont pas tarder à l'emmener à la morgue, alors si vous voulez l'observer sur les lieux, je vous conseille de le faire maintenant.
Je m'éloignais des containers, encore soucieux, afin d'observer de plus près le fameux Aflamanoir. Le médecin-légiste souleva le drap et Négapi détourna le regard quelques instants. Le Pokémon feu avait encore les yeux ouverts et ceux-ci regardaient paisiblement le ciel.
-C'est étrange, murmurai-je.
-Vous avez remarqué vous aussi, hein ? Me demanda Carmache.
-Il n'a pas l'air d'avoir peur. Pourtant, quand on est en face de la mort, il est difficile d'être aussi calme...Et les Aflamanoirs ont un tempérament plutôt nerveux.
-D'après mes analyses, le Pokémon n'a manifesté aucune nervosité avant la mort.
-Mais alors ça voudrait dire...commença Négapi.
-Que la victime connaissait sans doute l'assassin et qu'elle ne s'attendait pas à être tuée, finis-je. C'est la seule conclusion logique. Par contre, quant à ce qu'elle faisait là, je n'ai pas encore d'éléments de réponse. Et qu'y a t-il dans cette vieille épave ? Demandai-je au Procureur.
-Nous n'en savons rien. Je m'apprêtais à envoyer des hommes l'explorer.
-J'en serai, annonçai-je. Il y a peut-être des indices non négligeables à l'intérieur.
(*Voir Sable Volant)