Chapitre 18 : Le sang et la souffrance
Chapitre 18 : Le sang et la souffranceSans plus attendre, le fantôme aux yeux de gemme passa à l'attaque. Entre ses deux paumes naquit une boule d'obscurité crépitante nimbée d'une aura ténébreuse. Aussi ténébreuse que le cauchemar et plus ténébreuse encore que la nuit. Le grand projectile explosa dans un fracas feutré, répandant une vague d'énergie obscure. Un cri de douleur déchira le silence malsain de la forêt de jade.
D'un pas d'une lenteur impériale, le spectre victorieux s'approchait de son adversaire allongé au sol. La lumière bleutée qui animait le regard de Cauchemar s'était éteinte.
***
Toujours prisonnier de ses entraves invisibles, Alexandre n'avait pu qu'assister au terrible spectacle qui se déroulait sous ses yeux apeurés. Il ne comprenait plus rien. Le spectre qui voulait lui dévorer l'âme venait de s'écrouler, détruit par l'attaque dévastatrice d'un autre fantôme bien plus effrayant. Autant tétanisé par la peur que par sa prison mentale, le petit garçon regarda le petit être qui s'approchait de lui avec lenteur. Son premier œil était rouge. Rouge comme pouvait l'être le plus beau de grenats. Une sombre intelligence semblait briller de cet éclat de gemme, une intelligence de sang. Le second était bleu. Aussi bleu qu'une aigue-marine, aussi bleu que la froideur et l'imprévisibilité de la mer.
Toute la surface de son corps violet était recouverte de joyaux multicolores. A mesure que le spectre s'approchait, la peur grandissait dans le cœur d'Alexandre. Une larme coula le long de sa joue, il avait envie de pleurer. Son regard restait fixé sur les yeux sans expressions du fantôme, comme hypnotisé par l'éclat luminescent du bleu et du rouge. Il ne voyait plus rien d'autre que lui et ses yeux de gemme.
-Bonjour, petit humain. Commença-t-il d'une voix suave.
Un sourire vicieux et sadique grandit sur son visage mauve. Comme il tournait amoureusement autour de sa proie, il poursuivit son monologue d'une voix presque sensuelle.
-Alors comme ça il existe encore des humains ayant le courage de s'aventurer dans mon royaume ? Voilà qui est surprenant. Mais vois-tu, je suis très content que tu sois là. Il y a une éternité que je n'ai plus eu un repas digne de ce nom. Tu n'as vraiment pas eu de chance, tu sais. Si je n'avais pas surpris ces incapables d'Enfer et Cauchemar s'extasier sur vous, tu t'en serais sorti vivant. Ces deux crétins se seraient contenté de vous poursuivre jusqu'à la sortie de la forêt, se contentant de votre frayeur. Mais ne sois pas triste. Ton ami est certainement sain et sauf à l'heure qu'il est.
Un ricanement échappa à son discours.
-Mais toi…je te réserve un sort bien plus intéressant.
Tout en parlant, il saisit la main droite d'Alexandre avec délicatesse. Parcourant chacun de ses doigts avec le sien.
-Bien entendu je vais te dévorer l'âme. Car après tout, c'est bien ce que disent vos légendes humaines ? Vous avez raison, l'âme est vraiment un met délicieux. Mais seulement s'il est pur. Car une âme vierge prend une saveur divine quand elle est habitée par le peur. Et ta peur je la sens…Elle est palpable pour moi. Car je suis aussi immatérielle qu'elle. Mais vois-tu, son goût n'est pas encore à son apogée. Il lui manque un petit quelque chose, ce petit élément qui pourtant fait toute la différence. Une petite fleur de sel. Le sel de la douleur !
Soudain il retroussa les lèvres dans un rictus de démence, révélant une dentition hérissée de pointes acérées. Sans attendre, il croqua l'annulaire du jeune garçon, lui arrachant un effroyable cri de souffrance. Une giclée de sang s'échappa du moignon frais. Le spectre mâchait avec enthousiasme.
-Oui ! Le sang et la souffrance ! Crie ! Hurle ! C'est encore plus efficace comme ça !
Alexandre avait mal, terriblement mal. Il voulait fermer les yeux pour ne pas voir le sang. Mais la paralysie semblait même le priver de ça. Il ne pouvait rien faire d'autre que d'assister à tout cela, le regard embué de larmes piquantes.
-Ha ! J'ai envie de te croquer chaque doigt, un par un ! Je veux faire durer le plaisir ! C'est tellement bon !
Alors que le fantôme ivre de bonheur s'apprêtait à manger l'auriculaire du petit garçon, une vive lumière surgit de derrière un arbre. Un grand arc électrique vint frapper le spectre de plein fouet le projetant au sol.
Une petite masse jaune s'approcha, dressée sur ses quatre pattes, une grande queue en zigzag pointant le ciel et le regard empli de colère.
-Toi ! Cracha le fantôme. Vas-tu un jour me laisser en paix ?
-Pika, Pikachu ! Répondit le pokémon.
-Que je libère cet humain ? Dit-il en ricanant. C'est hors de question !
-Pika !!
-Ha ! Tu espères me battre ? Eh bien, viens ! Je t'attends !
Un nouvel éclair s'abattit sur le spectre, arrachant quelques mottes de terre au passage.
Le fantôme se releva péniblement.
-C'est tout ? Tu te fais vieux, mon pauvre !
Aussitôt ses yeux se mirent à briller, accumulant une grande force intérieure, avant de libérer deux gros rayons oculaires. La puissance était telle que le pikachu fut propulsé contre un arbre. A présent les deux adversaires se faisaient face, prêts à frapper à tout instant. La grande souris électrique se lança à une vitesse folle et envoya un grand coup que queue. Le spectre para l'attaque à l'aide de son bras et envoya un nouveau rayon en contre-attaque. Alors qu'il regardait son opposant, le pikachu essoufflé brillait d'un éclat électrique, la foudre semblait émaner de lui, telle une aura de puissance.