Chapitre 6 : Dracolosse
Chapitre 6 : Dracolosse
Alexandre ne se sentait pas bien du tout.
Il avait froid et ses chaussettes étaient trempées. L'humidité semblait épaissir l'air ambiant, à tel point qu'il était difficile de trouver son content d'air dans une respiration. Son ami Kévin semblait un peu mieux le vivre. Il marchait lentement, attentif au moindre son.
-C'est incroyable, j'entends rien. Chuchota-t-il.
-C'est normal, répondit Alexandre sur le même ton. Mon grand-père m'a raconté une histoire sur la Forêt de Jade, et il disait que s'il n'y avait aucun bruit, c'était parce il ne reste plus personne et que même les Pokémons n'y habitent plus.
-N'empêche, c'est super boueux ici. Si j'avais su que tu m'emmenais ici, j'aurais pris des bottes en caoutchouc.
Les deux garçons poursuivirent leur marche durant une bonne demi-heure, ils restèrent silencieux jusqu' à ce qu'Alexandre perçût un étrange bruit répété.
-Qu'est-ce que c'est ?
-De quoi ?
-Il s'est arrêté, tu ne l'a pas entendu ?
-Non.
Puis ils reprirent leur avancée plus profondément dans le bois, mais au bout de quelques pas, le bruit survint à nouveau. Alexandre décida de ne pas s'arrêter et tout en marchant, de tenter de localiser le son. Il semblait venir de derrière lui, mais ne diminuait pas. C'était un bruit régulier qui n'était pas sans rappeler un mâchonnement.
-Tu manges quoi ? Finit par demander Alexandre à son copain.
-Rien. C'est juste un chewing-gum.
-Ah, ok. J'ai eu peur. Je croyais qu'on nous suivait.
-C'était ça le bruit que tu avais entendu ?
-Oui !
Au fur et à mesure de leur avancée, la luminosité baissait. Le couvert des arbres filtrait presque tous les rayons du soleil et l'entrée du bois était trop loin pour offrir un éclairage convenable.
-Il est à quoi, ton Chewing-gum ?
-Chlorophyle, c'est super bon !
-Ah ouais, j'en ai entendu parler, mais j'en ai jamais mangé.
-Oh ? Comment ça se fait ?
-Mon papy a toujours refusé d'en acheter.
-Ah oui, c'est vrai. J'avais oublié.
-Pas grave. Il t'en reste encore ?
-Ouais, tiens.
-Merci. Oh, c'est un Rondoudou !
-Oui, les meilleurs de tous.
***
Joseph sentait une terrible haine monter en lui.
Il s'était longuement renseigné sur la Rondoudou corp et sur leurs pratiques douteuses. Il savait tout sur les atrocités qu'ils commettaient dans les moindres détails. Rien que ce qu'il savait suffisait à le mettre hors de lui. Mais là...
Maintenant qu'il se trouvait face à cette réalité, maintenant qu'il voyait ça de ses propres yeux, il tremblait de rage. Un employé l'avait mené le long des serres de culture pour lui expliquer toutes les facettes de cette entreprise.
-...et c'est ici que se déroule la culture des agents de colorants pour les Chewing-gums à la Cholophyle.
Ils longèrent de grandes étagères.
-Voilà, c'est ici que nous prélevons les feuilles et le nectar nécessaire.
-D'accord, et les plantes là ? De quelle espèce s'agit-il ?
-Ce sont des plants de Chétiflor.
Joseph posa son regard sur l'un d'eux. Le petit Pokémon croisa le sien et les deux êtres se fixèrent un long moment. Souffrance, douleur, tristesse et détresse. Chétiflor appelait à l'aide, ses petits yeux imploraient. Joseph sentit les larmes monter aux siens, mais les refoula.
-Bon ! Reprit l'employé. Poursuivons la visite.
Le jeune homme baissa la tête, et suivit son collègue. Il avait envie de l'étrangler, lui et tous les autres laborantins de cette société. L'effort qu'il fit pour se contenir était tel que sa tête se mit à tourner.
-Est-ce que ça va ?
-Oui, ça va.
Est-ce que ça va ? Pensa Joseph. Comment peut-il me demander si ça va ? Des centaines de vies souffrent dans cette serre diabolique et c'était à moi que l'on demande si ça va ? Je ne sais pas ce qui me retiens de les tuer tous autant qu'ils sont. En commençant par ce gros directeur. Munja, Cadoizo...Dépêchez-vous. Je ne sais pas si je vais tenir longtemps.
La visite du lieu de travail se poursuivit dans un grand hangar totalement plongé dans l'obscurité. Joseph suivait l'employé qui semblait savoir où il allait et ce malgré l'absence de lumière.
-Pourquoi sommes-nous obligés de progresser dans le noir ?
-Chut ! Ne parle pas trop fort ! Chuchota son interlocuteur.
-Pourquoi ? Répondit le jeune homme sur le même ton.
-Il ne faut pas réveiller les Tropius.
Joseph était perplexe.
-les Tropius sont diurnes, pourquoi les faire dormir en intérieur et en pleine journée ?
-Parce que nous avons modifié leur cycle de sommeil, regarde.
L'employé sortit une lampe torche de sa poche et l'alluma. Il pointa de son faisceau de lumière une suite de cages alignées. Dans chacune d'elle se tenait un Tropius.
-Grâce à de la lumière aritificielle, nous arrivons à les adapter à un autre cycle jour nuit.
-Je ne comprends pas, répondit Jospeh. A quoi cela vous sert-il de les faire dormir le jour ?
-Ils ne dorment pas toute la journée. Grâce à nos expériences, nous nous sommes rendu compte que les Tropius produisaient deux fois plus de fruits s'ils sont soumis à un cycle de huit heures d'éveil pour deux heures de sommeil.
-Mais c'est...
Des tas de mots lui vinrent à l'esprit à ce moment-là. Ignoble, Cruel, Atroce, Sadique, Horrible...Mais son collègue termina sa phrase.
-Ingégnieux, n'est-ce pas ? Car en plus de produire 3 jours de fruits en un seul, ils en produisent le double à chaque fois !
Joseph eut un haut-le-cœur. Il savait l'homme cruel, mais là, il dépassait les limites du supportable pour Joseph.
Ces types sont des monstres. Ils ne voient dans les Pokémons que l'argent qu'ils peuvent leur rapporter. Et comme cela ne suffit pas, ils leur font vivre un enfer pour pouvoir les exploiter encore davantage. Pauvres tropius. Ils ne peuvent même pas bouger dans leurs cages, j'imagine leur souffrance de ne pas pouvoir s'envoler dans les cieux, de ne pas pouvoir respirer un air frais et sentir le doux contact du soleil. Condamnés à survivre dans un environnement malsain, relégués à un rang inférieur à celui des objets.
Demain, au lever du soleil, tout cela sera terminé. Je ne vais pas les laisser commettre de telles atrocités plus longtemps. En entrant dans ce lieu, j'ai récupéré tout ce qu'il nous faut.
Mes amis Pokémons, je vais vous libérer. Même si je dois y laisser ma vie. Même si je n'ai pas d'ailes, même si je n'ai pas de pouvoirs surnaturels, même si je ne suis pas un dragon, je vais vous aider. Comme le ferait un vrai Dracolosse.