Chapitre 5 : Rondoudou Corp.
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Chapitre 5 : Rondoudou CorpChétiflor voulait bouger. Chétiflor voulait sentir le contact du soleil sur ses feuilles. Chétiflor voulait sortir ses pattes du sol.
Mais il ne pouvait rien faire d'autre que d'attendre et d'appeler à l'aide à chaque fois qu'un humain passait devant lui. Mais tout cela n'était rien à côté du moment de la journée, devenu une hantise pour lui. Comme il ne voyait pas la course de l'astre solaire, il lui était impossible de déterminer si c'était le jour ou la nuit. A chaque fois qu'un humain s'arrêtait devant lui, Chétiflor sentait son corps se tordre de douleur avant même qu'on ne le touche. L'humain lui palpait les feuilles, lui pressait la tête entre ses doigts. Rien que ça était déjà très douloureux.
Chétiflor frémit rien qu'en pensant à cet atroce moment, celui où l'humain attachait à sa bouche un récipient en verre, bloquant sa respiration. A chaque fois, il était persuadé de mourir d'asphyxie tant la suffocation était insupportable. Au bout de plusieurs éternités, un liquide vert et pâteux se mettait à sortir de sa bouche et remplir le diabolique réservoir transparent.
Après cette terrible opération, l'humain lui retirait le bocal, arrachant au petit Pokémon un effroyable cri de douleur. Mais bien évidemment, cela ne suffisait pas. L'humain ne se contentait pas de cela, car après avoir mis le récipient de côté, il tenait fermement le corps fébrile de Chétiflor d'une main et de l'autre, il lui arrachait violemment sa première feuille. Rien que d'y penser il trembla, faisant bruisser ses feuilles toutes neuves. Une fois la première arrachée, l'humain lui arrachait la deuxième tout aussi sec.
Chetiflor avait envie de pleurer, mais il n'en avait plus la force. Chetiflor avait envie de chercher du réconfort auprès de ses semblables, plantés à sa gauche et à sa droite, mais plus aucun d'entre eux ne parlait. Chétiflor avait envie de mourir, il ne voulait plus que ses feuilles repousse, il voulait faner, pour ne plus avoir à souffrir. Mais même ça lui était interdit.
Une fois que l'humain avait récupéré ce qu'il voulait, il mouillait la terre où Chétiflor était planté et il braqua une lumière aveuglante droite dans ses yeux.
Le petit Pokémon emprisonné par ses propres racines était condamné à souffrir et à vivre. Il avait espéré devenir insensible à la douleur, mais non. Il avait espéré pouvoir se laisser mourir, mais non. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était d'attendre et d'appeler à l'aide en sachant pertinemment que jamais personne ne viendrait le sauver, ni lui, ni tous ses semblables alignés le long des étagères de la serre.
***
Joseph porta son poignet près de sa bouche.
-Dracolosse à quartier général. Dracolosse à quartier général. L'opération se déroule comme prévu.
-Quartier général à Dracolosse, message reçu cinq sur cinq, retentit une voix dans son oreille interne. Nous lançons l'opération, Cadoizo et Munja sont en route. Poursuivez.
-Bien, fin transmission.
Après avoir pressé un bouton au niveau de sa poche, Joseph se redressa sur sa chaise. Voilà plus d'une demi-heure qu'il patientait dans une petite salle carrée en compagnie de deux autres personnes vêtues d'une blouse blanche comme lui. Il sentit une vague de nervosité le submerger, mais il la chassa. Il ne devait pas flancher, car tout dépendait de lui à présent. S'il ne parvenait pas à se faire embaucher comme aide laborantin à la Rondoudou Corp, la mission tomberait à l'eau. Il devait faire honneur à Cadoizo, Munja et au Professeur.
-Monsieur Duballon ?
-Oui ! Sursuta Joseph.
-Je vous prie de me suivre. Monsieur le directeur est prêt à vous recevoir.
Le Directeur de Rondoudou corp était sans conteste à l'image de sa société. C'est-à-dire, aussi rond qu'un Rondoudou pouvait l'être. Les boutons de sa chemise menaçaient d'éclater à tous moment, tant la masse de gras faisait pression sur le tissu blanc. Joesph se dit en le voyant qu'il devait bien faire un mètre cube. Le bureau, lui, était un sanctuaire d'opulence et d'étalage de richesse. Le gros était affalé dans un immense siège en cuir noir aux accoudoirs en or massif, les murs étaient tapissés de peintures criardes et surtout hors de prix. Le bureau en lui-même était une œuvre d'art à part entière. Conçu dans un savant mélange de bois et les coins renforcés d'or, il devait à lui seul représenter une vie de salaire pour un simple employé. Joseph était dégoûté par ce directeur obèse qui allait être son patron pendant une journée entière, mais il se ressaisit et lui tendit une feuille de papier.
-Humm, sorti major de promotion à la faculté de science de Cramois'îles. Avec l'agrégation en plus, voilà qui est prometteur.
-Je vous remercie, Monsieur.
-Je vois que vous avez travaillé durant deux ans au laboratoire du Professeur Chen à Bourg-Palette. Encore une bonne chose pour votre dossier.
-Oui, un emploi merveilleux.
-Je n'en doute pas, mais pourquoi n'y êtes vous plus ?
Joseph savait mentir quand il le fallait, mais celui-ci allait être très dur à prononcer avec crédibilité.
-Travailler à bourg-palette est très intéressant, mais dès que j'ai aperçu votre offre d'emploi sur internet, je me suis empressé d'y répondre. J'ai toujours rêvé d'appartenir à une entreprise aussi prestigieuse et florissante que la Rondoudou corp.
Quel gros mensonge, Joseph s'était rendu compte à quel point il était mauvais au moment où il le prononçait.
-Hum...
Puis le gros se mit à réfléchir. Ce silence accéléra le rythme cardiaque du jeune homme
-J'apprécie votre motivation. Et avec votre pédigrée, vous êtes promis à un bel avenir au sein de notre société. Mais je préfère jouer cartes sur table avec vous, vous avez de grandes capacités. Mais le travail que nous attendons ainsi que votre salaire risqueront de vous paraître ingrats. Qu'en pensez-vous ?
-L'argent n'est pas ma motivation première. Je suis convaincu que je ne pourrais que m'épanouir à la Rondoudou corp, donc l'argent m'importe peu.
-Très bien ! S'exclama le Directeur gras avec un grand sourire. Vous êtes engagé !