Chapitre 2 : Pokémarket
Chapitre 2 : Pokémarket
Quand Alexandre accompagnait son grand-père aux courses, il ne s'ennuyait jamais. En effet, le vieil homme avait toujours une histoire ou une anecdote à raconter. Mais il restait toujours très mystérieux quand il s'agissait de son propre passé. Son sujet de conversation favori était les Pokémons. Alors qu'ils venaient d'entrer dans le Pokémarket, il parlait d'une époque où ces petites créatures pouvaient gambader librement dans tout le pays. Alexandre buvait toujours ces histoires, car il n'avait jamais vu beaucoup de Pokémons en dehors de la pension dans laquelle il vivait. Au fur et à mesure que le caddie se remplissait, le petit garçon observait le circuit identique qu'empruntait son grand père. Comme toujours, il évitait les rayons boucherie, poissonnerie, viande en libre-service et surtout le rayon Pokémon.
A chaque fois qu'ils passaient devant ce dernier, Alexandre regardait avec envie les magnifiques balles rouge et blanche alignées sur les rayons dans leurs petits socles en plastique. Il aimerait tant pouvoir en acheter une, avoir son propre Pokémon. En plus il avait déjà eu l'occasion de regarder les étiquettes. En dessous de chaque rangée de balles était affiché le nom du Pokémon, son prix en pokédollar, sa provenance, son niveau de combat et le nombre de tours qu'il connaissait. Du haut de ses douze ans, Alexandre connaissait parfaitement la valeur de l'argent et il savait donc que les Pokémons proposés à la vente étaient parfaitement abordables. D'ailleurs il avait accumulé dans sa tirelire bien assez pour s'offrir un Salamèche.
Mais avoir un Pokémon n'était pas aussi simple. Lorsqu'un client déposait une balle sur le tapis roulant de la caisse, l'hôtesse réclamait toujours un papier, une sorte de permis. Les Dresseurs de Pokémons en ont un, mais aussi d'autres. Toute personne qui possède une entreprise peut demander un permis. Alexandre se demandait pourquoi son grand-père n'en avait pas, lui qui tenait l'une des plus grandes pensions de la région. Perdu dans ses réflexions, il avait perdu le fil de l'histoire que lui était racontée.
-Qu'est-ce qui te préoccupe, mon garçon ?
-Euh…rien, je me demandais juste pourquoi tu n'achètes jamais de viande. J'en mange tous les jours à la cantine, c'est très bon.
-Pourquoi me pose-tu une question dont tu as déjà la réponse ?
En effet, Alexandre savait pourquoi, mais malgré ça, il n'arrivait pas à le comprendre.
-C'est que…c'est quand même dommage, tout le monde mange de la viande. Il y a même des Pokémons qui sont élevés pour ça, donc ce serait dommage de gaspiller, car ce que tu n'achètes pas finiras certainement à la poubelle.
Plusieurs minutes passèrent sans que mot ne se dise, le visage du vieil homme avant souriant s'était rembruni. Alors qu'ils s'approchaient des caisses, Alexandre tenta une autre approche.
-Tu fais si bien la cuisine, je suis certain que tu serais capable de faire le meilleur plat du monde avec un bon steak de Tauros !
Le caddie s'arrêta net. Son grand-père le regardait d'un air à la fois froid et brûlant.
-Tu es bien content de m'écouter quand je raconte des histoires, mais quand il s'agit de comprendre des valeurs que j'essaie de te transmettre, tu deviens sourd comme un pot ! Les Pokémon ne sont pas des objets, ils sont vivants. Certains d'entre eux nous dépassent même par leur intelligence. Ils respirent le même air que nous, ils marchent sur la même terre que nous, nagent dans la même eau que nous et volent dans le même ciel que nous ! Notre vie n'a pas plus de valeur que la leur, et donc nous ne devrions avoir aucun droit sur eux.
-Pourquoi ils ne se rebellent pas, s'ils sont plus intelligents que nous ?
-C'est très simple, car eux ne cherchent pas à dominer le monde. Tout ce qu'ils veulent, c'est vivre en harmonie. Même une âme aussi acérée que celle d'un Alakazam ou encore d'un Métalosse ne demandera rien d'autre que la paix et la tranquil…
Tandis que le vieil homme retombait dans ses discours étranges, l'esprit d'Alexandre se mit à vagabonder. Il ne comprenait pas. Les Pokémons n'avaient pas l'air si malheureux, au contraire, vivre avec les humain semblaient leur plaire. Il ne comprenait pas pourquoi son grand-père se mettait dans un tel était à chaque fois que ce sujet était abordé.
Alors qu'ils s'apprêtaient à sortir du Pokémarket, ils entendirent quelqu'un s'exprimer d'une voix forte au niveau de l'accueil. Alexandre dénota de la colère dans le ton qu'il employait. D'un coup, son grand-père s'arrêta, il semblait observer la scène.
***
-…et donc je ne suis pas du tout satisfait !
-Bonjour monsieur, commença l'agent d'accueil. Pourriez-vous m'expliquer en détail ce qui vous est arrivé ?
-C'est bien simple ! A chaque fois que je viens acheter du matériel chez vous, c'est la même chanson. Il est défectueux au bout de quelques utilisations et il ne rentre même plus dans son emballage d'origine. Je commence sincèrement à douter de la qualité de vos produits !
L'homme avait un carton à ses pieds, il s'en saisit pour le poser devant lui. Au vu de l'effort qu'il fournissait, l'objet paraissait très lourd.
-Voilà ! Je vous l'ai apporté.
-Très bien, je vais me permettre de l'examiner pour voir où se situe l'anomalie.
-Taratata ! C'est hors de question ! Je veux être remboursé !
-Bon, très bien. Avez-vous votre ticket de caisse ?
-Oui, le voilà ! Répondit l'homme en lui tendant une petite boule de papier qu'il avait sorti de sa poche.
L'agent d'accueil le déplia non sans mal et le parcouru du regard.
-Je vois que vous l'avez acheté il y a plus de deux mois. Le délai de reprise est de deux semaines.
-Et alors ? Il a commencé à se détraquer trois jours après son achat !
Le client avait encore haussé le ton, comme si son interlocuteur aurait du le deviner.
-Dans ce cas monsieur, pourquoi avez-vous attendu si longtemps avant de l'apporter ?
-Je travaille, moi ! Vous croyez que je n'ai que ça à faire ? Je l'ai mis dans ce carton de rechange et j'ai attendu que mon emploi du temps me permette de venir !
-En tous les cas monsieur, je ne suis pas en mesure de vous accorder de remboursement compte tenu de la situation. En revanche, je peux vous proposer un modèle équivalent.
-Pwah ! S'exclama le client avec suffisance. Pour qu'il me claque dans les pattes au bout de trois jours ? Non, j'exige le remboursement.
-je vous répète que c'est impossible. Peut être qu'il s'agit d'un défaut de série, je vous propose le modèle supérieur pour le même prix. C'est pour quelle utilisation ?
-Travaux de force et de manutention.
-Très bien, dit le réceptionniste en ouvrant le carton.
Il en extirpa le corps inanimé d'un Machoc, le balançant négligemment sur son épaule et jeta un œil sur le pied droit.
-En effet, il s'agit d'une série défectueuse. Vous n'êtes pas le premier à nous faire part de ce souci. Venez avec moi, je vais vous emmener choisir votre produit de rechange parmi notre gamme de Machopeur ou de Makuhita et ce pour le même prix.
-Voilà un arrangement qui me convient, je vous suis.
-Merci monsieur ! Répondit l'employé en replaçant le corps dans le carton.
Un autre employé passa près de l'accueil, le réceptionniste l'interpela.
-Hé, machin ! Occupe-toi de ça ! Mets le aux rebus, je dois m'occuper de monsieur.
***
Alexandre commençait à trépigner.
-On y va, Papy ?
L'intéressé plongea son regard dépité dans celui du petit garçon avant de se diriger vers la sortie.