Allumer le feu !
Je n'étais pas particulièrement réticent à ce que notre relation change – surtout en bien ! –, mais si elle s'améliorait, jamais je ne pourrais en prendre les devants ou prendre l'initiative car tout cela était nouveau pour moi et, à moins que ce ne fût également le cas de Tanya, je ne me voyais pas faire autrement que la suivre sur la voie qu'elle souhaitait nous voir emprunter. Je ne savais pas non plus ce qu'elle attendait précisément de moi, ce qu'elle pouvait bien apprécier chez moi, donc encore moins par où commencer. Tanya dut le lire dans mon regard, ou bien le comprit-elle d'une autre façon – peut-être cette fameuse intuition féminine, qui sait ? – car elle se décida finalement à faire le premier pas ou, plutôt, le premier baiser. Le contact de ses lèvres sur les miennes alluma une étincelle si éclatante dans ses yeux depuis trop longtemps éteints que je regrettai de ne pas avoir fait le premier pas moi-même. Comme pour me rattraper, je répondis avec fougue à son baiser passionné. Une véritable flamme naquit alors dans ses yeux au coin desquels perlaient quelques larmes.
Au fur et à mesure que nos baisers gagnaient en assurance, je sentis avec bonheur les mains de Tanya se réchauffer au creux des miennes, comme si l'amour que nous nous portions nous réchauffait tel un véritable feu de bois imperméable à la pluie et au vent glacial. N'y tenant plus, je finis par caresser le visage de la jeune femme d'une main et constatai, étonné, qu'elle avait les joues en feu. Une lueur amusée apparut dans les yeux de Tanya qui prit mon visage entre ses mains avant d'en parcourir chaque centimètre carré puis de les descendre fébrilement vers mon blouson de cuir qu'elle ouvrit d'un geste sec. Elle dirigea ensuite ses mains tremblantes vers mon jean dont elle ôta la ceinture et ouvrit la braguette au maximum. Elle nous fit alors rouler dans l'herbe pour que je me retrouvasse au-dessus d'elle. La respiration haletante, nous reprîmes nos baisers de plus belle puis, lorsque je trouvai en moi la force d'ouvrir la combinaison de motard de la jeune femme, je le fis. Je compris alors avec un frisson pourquoi elle avait si froid ; la combinaison et ses sous-vêtements étaient tout ce qu'elle portait. Dérouté par cette prise de conscience, je ne sus comment réagir et me contentai d'embrasser Tanya. Celle-ci termina elle-même de se déshabiller avant de dénuder mon bas-ventre. Elle me serra ensuite avec force contre elle, m'obligeant à m'allonger sur elle et à m'unir à elle. Le contraste entre la nuit glaciale qui nous entourait et la chaleur de son corps eut raison de mes dernières réticences et je me laissai guider par mon instinct pour notre plus grand bonheur.
Lorsque nous eûmes terminé, la pluie avait cessé depuis longtemps et, après m'être allongé à côté de la jeune femme pour reprendre mon souffle, la brise nocturne – toujours glaciale – n'avait plus rien de désagréable ; elle me parut même infiniment délicieuse. Tanya s'allongea sur moi et, croisant les mains sur mon torse avant de poser la tête sur elles, elle plongea son regard dans le mien. Je caressai tendrement son beau visage, goûtant avec bonheur le contact de nos deux corps enfiévrés. Nous nous endormîmes ainsi, allongés l'un sur l'autre.
Lorsque je m'éveillai, le soleil se levait à peine. En me redressant, je remarquai avec inquiétude que Tanya n'était pas à mes côtés. Elle était assise au bord du lac, les jambes dans l'eau ; ses cheveux avaient retrouvé leur couleur originelle. Sa nudité complète me fit rougir ; je réussis toutefois à prendre mon courage à deux mains pour aller m'asseoir en tailleur à côté d'elle. Après un long moment passé à contempler l'étendue d'eau devant nous, je finis par briser le silence :
« Tu as bien dormi ? »
La jeune femme acquiesça. Intrigué par son mutisme, je finis par tourner la tête vers elle. Elle fit de même et m'embrassa sur la bouche, un sourire espiègle fendant son visage. Des crissements de pneus vinrent interrompre ce moment de pur bonheur ; malgré la distance qui nous séparait de la route et de la source de ce bruit, je réussis à distinguer des motos de police suivies de près par des voitures de police.
Je rompis notre union – non sans quelque regret – pour dire :
« On ferait peut-être mieux d'y aller. »
Pour seule réponse, la jeune femme enfila rapidement ses sous-vêtements avant de passer sa combinaison. Nous courûmes ensuite jusqu'à notre moto.
« Bon, trouvons d'abord une auberge pour nous ravitailler, puis nous irons… à la capitale, décidai-je.
– À la capitale ?
– Oui, pour alerter l'opinion publique du problème que nous avons découvert à travers les médias.
– Alors allons-y. »
Nous mîmes nos casques puis je fis passer la moto par le trou dans le feuillage qui nous camouflait de possibles automobilistes avant de la monter. Tanya prit place derrière moi, m'entourant amoureusement la taille. Un village se dressait non loin de là ; après nous y être rendus pour y prendre un petit déjeuner, je décidai d'abandonner la moto et d'aller acheter dans la concession voisine un autre véhicule histoire de brouiller les pistes. Alors que nous discutions du prix modèle le plus rapide de la collection avec le concessionnaire, je me demandai soudain où se trouvaient les policiers que j'avais aperçu un peu plus tôt. J'eus ma réponse en voyant des mouvements furtifs à la périphérie de mon regard : ils allaient donner l'assaut à la concession !
Après une brève hésitation, j'arrachai les clés des mains du concessionnaire avant de m'asseoir au siège conducteur de la voiture tandis que Tanya prenait place à ma droite. Je mis le contact sous les yeux ébahis du concessionnaire immobile tandis que les policiers pénétraient dans la salle. Je fonçai vers les vitres du magasin en priant pour qu'elles ne soient pas trop solides ; elles ne l'étaient pas. Je pris ensuite la direction de la capitale en évitant le plus possible les barrages de police, leur fonçant dessus sans hésiter si je ne pouvais faire autrement. La voiture que nous avions empruntée se prêtait heureusement très bien à ce genre de carambolage.
Lorsque la capitale fut en vue, le réservoir était presque vide. Tandis que je dirigeais la voiture vers le siège de la plus importante chaîne des média du monde, j'expliquai rapidement mon plan à Tanya :
« Voilà comment nous allons faire : dès que j'aurais arrêté la voiture devant la porte du bâtiment, nous nous précipiterons à l'intérieur, chercherons l'ascenseur qui nous mènera jusqu'au directeur de la chaîne – en soutirant l'information à l'un des employés – et nous lui exposerons la réalité à laquelle étaient confrontés les Pokémon stockés via le système informatique. D'accord ?
– Oui… quelque chose me trouble dans tout ça, quand même…
– Quoi donc ?
– Il y a… enfin, je ne sais pas combien il y avait de Pokémon cloîtrés entre ces quatre murs mais… il aurait dû y en avoir bien plus, tu ne crois pas ?
– J'y ai également réfléchi. Et j'ai compris lorsque mes yeux se sont posés sur un écran où on pouvait voir des milliers de Pokéball bien rangées sur des étagères.
– On aurait dû les délivrer eux aussi.
– Je n'ai pas trouvé le moyen de le faire.
– Mais si ce que tu dis est vrai, pourquoi les Pokémon que nous avons délivrés n'étaient-ils pas non plus dans des Pokéball ?
– …c'est une bonne question. Mais peu importe ce qui les différencie des autres, ils n'étaient pas plus enviables que ceux enfermés dans leur Pokéball. »
Le bâtiment était en vue.
« Prête à changer la face de ce monde ?
– Plus que jamais. »