Chapitre 4: La légende du Feu
Son cœur battait la chamade. Il marchait entre les maisons d'un pas lent. Son esprit rejoua la scène plusieurs fois. En lui-même, il était à la fois fasciné et terrifié. Si la peur ne s'en était pas mêlée, se disait-il, il serait resté là-bas et aurait certainement recommencé l'expérience. À cette pensée, il sanglota. Il amena sa main devant ses yeux. Le halo rougeâtre avait disparu. Il remarqua toutefois une marque sur sa paume : quelque chose d'ancré en lui, comme une tâche de naissance, mais qu'il n'avait jamais vu auparavant. La tâche se constituait de millions de petits canaux rouges foncés. Ils s'entrelaçaient, tels les tourbillons d'une emprunte de doigt.
Le garçon aux cheveux blancs violets reprit ses esprits lorsqu'il perçut le ronronnement d'un pas lourd et fatigué. Un vieux monsieur s'avançait lentement, un peu courbé et muni d'une canne. Son visage exprimait la mélancolie. Ses yeux, parfois cachés par de longues mèches grises, apparaissaient comme froids et ténébreux. L'homme portait une chemise sombre à manche longue et au col en V, par dessus de laquelle il avait mis un grand châle en laine bleu ciel, usé par le temps. L'homme s'arrêta au niveau du garçon, le dévisagea, puis s'apprêtait à poursuivre sa route, lorsqu'il aperçut l'ombre de la jeune main.
- Qu'est-ce que cela, sur ta main, mon garçon ?
- Oh, n'y faites pas attention, ce n'est qu'une égratignure. J'ai couru dans la forêt et je me suis fait mal plusieurs fois. Ce n'est rien, je vous assure, ça partira dans quelques jours.
- Moi, je crois que ça ne partira jamais. Montre moi cela, je te prie.
Le vieil homme saisit avec tendresse la main marquée du garçon. Il l'examina avec un grand intérêt, penchant la tête pour mieux observer. Le garçon retira vivement sa main et se remit en route.
- Veuillez m'excuser, fit Yume. Beaucoup de travail m'attend.
- Une minute, jeune homme ! Viens avec moi s'il te plait.
Yume suivait l'homme avec hésitation. Leur voyage ne fut pas long, il dura quelques minutes à peine. L'homme ouvrit la porte de sa petite demeure, presque au centre du village. Ils se déchaussèrent, puis entrèrent. L'homme ordonna au garçon de s'installer pendant qu'il préparait du thé.
À genoux sur un confortable coussin, Yume observait la petite pièce au milieu de laquelle il se trouvait. Elle était entourée de cloisons fines aux carreaux demi opaques. Les murs derrière lui étaient parsemés de rangements et débordait de papiers en tout genre. Dans un coin se consumait une bougie, près de matériaux pour écrire. Une feuille calligraphiée, posée sur le sol, racontait une prière. À sa droite, le garçon aperçut l'ombre d'un couloir, qui devait desservir plusieurs autres salles. Devant lui se dressait une autre porte coulissante, derrière laquelle devait se trouver la cuisine. Il distinguait une ombre, versant l'eau chaude dans deux tasses. Bientôt, le vieil homme revint. Il posa sur la petite table carrée un plateau muni de deux tasses de thé ainsi que quelques gâteaux de riz.
- Comment t'appelles-tu ? Questionna l'homme.
- Je m'appelle Yume, monsieur.
- Yume... Tu as un nom prédestiné, mon jeune garçon. Connais tu le mythe de la Création ?
- Bien entendu. Le Dieu créateur de l'univers et de toute la vie qu'il abrite est un Pokemon à l'arche brillante et toute puissante. On dit qu'il y a cinq cent ans, il est venu sur terre afin de protéger une civilisation toute entière de la sècheresse. En cela, c'est un dieu bienveillant, n'est-ce pas ?
- Ne vas pas trop vite en besogne. Savais-tu qu'à l'origine de notre Terre, il y eut non pas un mais deux dieux ? Celui dont tu parles avait la charge de protéger les Pokemon, tandis que l'autre veillait sur les hommes.
- Êtes vous sûr de ce que vous avancez ? Rétorqua Yume, totalement incrédule.
- J'en suis absolument certain. Dans le cas contraire, je ne t'aurais pas fait venir.
- Qu'est-il arrivé à ce dieu pour que personne n'en ait jamais entendu parler ?
- Ah... Fit le vieil homme en baissant la tête. Ce dieu n'a jamais été accepté. Il finit par disparaître, rongé par l'avidité de ce qu'il avait créé.
- Il disparut... Alors pour quelles raisons m'en parlez vous ?
Le vieil homme prit une inspiration.
- Car en réalité, le dieu des hommes ne s'est pas totalement évaporé.
Yume ouvrit grand les yeux, de plus en plus curieux. Le vieux monsieur reprit :
- Le dieu des hommes se déchira en deux partie. L'une d'elles incarna la bonté de l'humanité, tous ses sentiments positifs. Elle eut pitié pour le monde et désira le laisser en paix. L'autre moitié, quant à elle, porta la rancœur des hommes. Elle incarna toutes leurs envies les plus malsaines et se chargea de leurs pêchés. Elle n'eut de cesse de vouloir se venger des hommes et ne vécut que pour la souffrance.
Le vieil homme se leva, puis sortit de ses rangements un parchemin. Il le tendit à Yume. Le papier racontait l'histoire de ce dieu déchiré. Suite à leur séparation, ses deux parties restèrent à l'état de brumes, flottant dans un infini décharné. Elles finirent par se reconstituer en prenant la forme de dragons. La légende disait que les entités n'écouteraient plus les hommes pour l'éternité. Néanmoins, il subsistait un pont entre les dragons et l'humanité. Il était écrit que lorsque l'homme serait prêt à léguer toute sa foi en son dieu, alors un messager humain verrait le jour, doté des pouvoirs divins.
Un large sourire illumina le visage du vieux. Le garçon aux cheveux blancs releva la tête et dévisagea son hôte, comme un ahuri.
- Vous ne croyez pas sérieusement que...
- Je le crois en effet.
- Cela ne peut pas être moi, je ne suis pas ce messager ! Regardez moi enfin, je n'ai aucune prétention, juste des rêves plein la tête et une simple vie de fermier !
Puis, Yume repensa à l'étang.
- Comment pouvez vous l'affirmer ?
- Quoi donc ?
- Mais que je suis le messager, voyons ! Je ne suis pas doté des pouvoirs d'un dieu ! Mentit-il.
- J'en sais plus que tu ne le penses, mon garçon.
Le cœur de Yume se mit à battre. Le vieux l'avait certainement vu, à l'étang. D'un autre côté, sa marche était lente et il avait une canne, tandis que lui, avait couru. Cela n'était pas possible. Yume réfléchit encore, mais il ne trouva pas de réponse. Enfin, il demanda au vieil homme de s'expliquer.
- Ta main, répondit ce dernier. Ce n'est pas une simple égratignure, comme tu le disais. Il s'agit de la marque de celui qu'on appelle Reshiram. Le dieu s'est invité en toi, mon garçon, c'est un honneur infini qu'il te fait !
- Reshiram, vous dites ? C'est le nom du dieu ?
- On peut dire cela, ria le vieux. Reshiram est une partie du dieu.
- Laquelle ? La bonne ou la mauvaise ?
- Aucune des deux parties n'est mauvaise, mais à laquelle tu appartiens, c'est à toi de le décider...
Il ne laissa pas longtemps à Yume pour réfléchir. Il reprit la parole :
- Si tu le souhaites, je peux t'aider à maîtriser tes nouveaux pouvoirs.
- Je... Je ne pense pas que cela sera nécessaire.
- Très bien, c'est à toi d'en juger. Je te propose un rendez-vous dans la plaine. Il faut marcher un peu, certes, mais nous serons suffisamment éloignés de toute habitation pour ne pas être vus. Quand tu te sentiras prêt, viens m'y rejoindre à partir de sept heures le matin.
Yume voulut montrer sa désapprobation, mais l'autre ne lui laissa à aucun moment l'occasion de parler. Il lui ouvrit juste la porte et lui souhaita bonne chance.
...
Le soir même, en prenant son repas, Yume réfléchissait à la proposition que le vieil homme lui avait faite. Il résolut toutefois que l'épisode de l'étang ne fut qu'un accident. Pourquoi une divinité l'aurait-elle choisi lui, alors que des millions d'autres hommes avaient certainement plus de foi ? Il s'endormit. Il n'irait pas dans la plaine le lendemain. Après tout, se disait-il, le vieux ne lui avait pas demandé son avis, à lui, tant pis s'il se déplaçait pour rien.
Une semaine passa.
Le jeune garçon exécutait les différents travaux de la ferme avec ardeur, toujours assisté par des villageois au bon cœur. Il s'excusait toujours de ne pas leur fournir de salaires, ce à quoi les habitants répondaient :
- Laisse donc, notre récompense est déjà de t'avoir !
Plus les jours s'écoulaient, plus les cheveux blancs du garçon se paraient de couleurs bleutées. Il se demandait si, après tout ce temps, le vieux l'attendrait toujours, dans la pleine. Il constata, en revanche, qu'au fur et à mesure des matins, sa main lui faisait mal. Au début, il pensa que ce fut à force de pousser la charrue ou de faire d'autres travaux épuisants. Ses aides lui conseillèrent de se reposer, mais malgré cela, la douleur continua, voire empira. Un mois passa et la douleur fut atroce. Le garçon craignait qu'une maladie ne le ronge de l'intérieur, lorsqu'il se souvint des paroles du vieil homme, concernant sa marque. Elle ne partirait jamais, avait-il dit. De plus, elle recelait d'incroyables pouvoirs. Au fond de lui, Yume se sentait coupable. Si la divinité l'avait bel et bien choisi, il était en train de l'ignorer, de la rejeter, comme l'avaient fait tous les autres hommes avant lui. Par ailleurs, la douleur dans sa main pouvait être un message divin. Reshiram l'avait choisi, lui. Cela signifiait qu'un pont entre les humains et leur dieu pouvait être construit. Or, par son manque évident de foi, le pont ne serait jamais réalité !
Un mois et demi après sa visite chez le vieil homme, Yume entreprit de descendre dans la plaine. Il se demandait si le vieux y serait toujours. À six heures du matin, le jeune garçon se prépara et partit.
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Note:
Voici ce qui m'a inspiré pour écrire ce chapitre.
Toujours Eragon, pour la rencontre avec Ryushi Komomura, le professeur de Yume. Un peu aussi pour la légende, quoique la grande partie soit inventée en rapport avec le Yin Yang.
Pokemon Film 12 et l'évocation de la venue d'Arceus sur terre pour aider cette civilisation à survivre de la sècheresse.