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L'Ombre du Mal de Red-Moon



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» Auteur : Red-Moon - Voir le profil
» Créé le 18/01/2012 à 22:17
» Dernière mise à jour le 10/04/2012 à 14:19

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Chapitre 2: Unis comme les doigts d'une main
- Haku, attends moi !

Les deux garçon courraient à travers la vallée. Ils étaient beaux, grands et minces. Le premier avait attaché ses longs cheveux brins. Son visage, orné d'un petit bouc, avait toute la dureté que ses os saillants lui procuraient. Néanmoins, il savait rire. D'ailleurs, en ce moment, il riait à pleine dents et le gibier qu'il tenait fermement pouvait en être la cause.

- Alors mon frère, dit-il en tournant la tête, je suis trop rapide pour toi ?
- Laisse le moi, c'est moi qui ait abattu ce fan !

Et le brun de courir de plus belle, poursuivi par l'autre garçon. Si ces deux là étaient des frères, rien ne le démontrait dans leur physique. En effet, le second garçon possédait un visage aux courbes douces et gracieuses, qui ne s'apparentaient nullement à la dureté des visages carrés. Imberbe, ses oreilles étaient un peu décollées et légèrement pointues sur le dessus. Il avait des cheveux courts, mais très fins et d'une blancheur anormale. Parfois, ils reflétaient une couleur bleue, jaune ou violette, en fonction de son environnement. Aujourd'hui, ses cheveux étaient blancs, rien de plus. Les deux frères étaient de taille et de poids semblables. Aussi, ils faisaient toujours tout ensemble. À présent, ils descendaient la vallée, comme si la victoire reviendrait à celui qui courrait le plus vite. Ils entrèrent bientôt dans le village, firent peur aux Ponytas et renversèrent des charrettes de foin.

- Tu ne m'auras jamais !
- Tu crois ça ?

Alors, Yume accéléra, mais cela ne fut pas suffisant. À quelques centaines de mètres du village, ils atteignirent une ferme. Haku se précipita sur un tas de paille, à l'entrée de la grange, puis exhiba fièrement le Vivaldaim qu'il tenait, en lâchant un cri vainqueur.

- J'ai réussi ! Encore une victoire sur toi, Yume !

Le garçon aux cheveux blancs s'arrêta sur le chemin. Cela ne servait plus à rien de poursuivre, puisque son frère avait apporté le dîner avant lui.

- C'est moi qui l'ai eu, ce fan... Fit-il pour lui-même.

...


Le soir même, la petite famille se retrouvait autour de la table. Elle n'était composée que de trois personnes et d'un petit Caninos. Haku et Yume, étaient assis face à face. Leur père présidait la table. C'était un vieil homme qui n'avait jamais eu la moindre prétention. Une barbe grise ornait son visage aux formes carrées. Ses rides aussi étaient carrées, ce qui accentuait la dureté de son expression. Il possédait de grandes mains, que le travail à la ferme avait endurcies, depuis dés années. Tous les jours, il portait la même chemise marron, dont les bords du col se rejoignaient en V sur sa poitrine, comme un kimono. Quelquefois, il en changeait pour une bleue marine, quand l'autre était trop sale. Ses cheveux gris étaient tenus par un bandeau. Comme ceux de Yume, il reflétaient parfois le bleu, le jaune ou le violet.

Tous les trois étaient à genoux au milieu de la pièce et mangeaient leur riz et la viande sur la table basse carrée. La ferme dans laquelle ils vivaient n'était pas digne d'un château, mais elle n'avait rien non plus d'une pauvre chaumière. La bâtisse répondait aux exigences architecturales de leur époque. Il s'agissait d'un endroit tout à fait traditionnel. Les murs en étaient quasiment absents, remplacés par d'imposantes portes coulissantes aux carreaux semi opaques, mais dont la fragilité résistait peu aux moussons. Tout autour de la maison courait une terrasse en bois. Le toit tombait largement sur les côtés pour épargner l'intérieur de l'étouffant soleil, occasionnant un agréable ténèbre au sein de la maison, seulement éclairée par des bougies et des lampions de papier. Enfin, à l'arrière se trouvait un jardin. Il ne s'agissait pas de s'y reposer, quoique les après-midi puissent y être agréables. Lorsque le père voulait se régénérer, il ouvrait la porte coulissante et s'essayait devant le petit bassin. Néanmoins, il n'avait pas beaucoup les moyens de s'arrêter. Il y avait trop de travail à la ferme pour songer à un moment de détente. Le vieil homme était aidé par ses fils qui, souvent, allaient chercher le gibier ou s'occupaient des Ecremeuh.


...


Les deux frères passaient presque tout leur temps ensemble. Lorsqu'ils allaient chasser, il le faisaient à deux. Quand on leur demandait d'aller chercher les légumes au potager, ils les cueillaient à deux. Quand enfin on leur ordonna de labourer les champs, ils étaient encore à deux. Ce fut une fraternité fusionnelle et exemplaire. L'un terminait les phrases de l'autre, si bien qu'on aurait cru que leur fusion irait jusque dans leurs opinions. Pourtant, cela n'était pas le cas. Haku et Yume aimaient parler entre eux et ils argumentaient régulièrement sur leur points de vue. Ces discussions se terminaient bien souvent en disputes, mais jamais il ne s'en dégageaient de mauvais sentiments. Cependant, leur père avait fini par leur interdire ce genre d'échanges lors des repas, car les discussions se transformaient en injures et en guerre de nourriture. Un jour que les deux garçons étaient assis l'un à côté de l'autre, l'échange d'opinion fit de nouveau son apparition, comme quelque chose de naturel.

- Je trouve que l'imaginaire est une chose totalement ridicule, commença Haku.
- Moi, je ne trouve pas. Il est bon, de temps en temps, de se réfugier dans le petit monde qu'on s'est créé. Cela permet de nous reposer un peu, de s'évader des peines que nous inflige le monde réel. Quand père regarde le jardin, derrière la maison, je suis certain qu'il s'évade, dans sa tête. Ça fait du bien, tu sais.
- À quoi bon s'évader ? Au final, on ne se parle qu'à soi-même. En fait, c'est trop facile. Dans l'imaginaire, on est maître de notre monde et personne ne peut nous contre dire, car c'est nous-mêmes qui nous l'imaginons ainsi. Nous fixons nos propres règles et le pire, c'est que nous en sommes contents ! Moi, je préfère de loin le monde réel, où le contact avec les autres existe bel et bien, où on peut avoir des débats et se creuser la tête. Dans la réalité, tout n'est pas aussi facile que dans l'imaginaire, car on est loin de tout maîtriser, mais c'est ça que j'aime.
- Grâce à l'imagination, on peut quand même rêver. Tu n'as pas de rêves, toi ?
- Si bien sûr, comme tout le monde, mais ces rêves ne doivent pas rester de simples brumes dans mon esprit. Si tôt que je rêve, j'entreprends ce qui est nécessaire pour le réaliser. À aucun moment je n'abandonne le combat.
- Je pense, poursuivit Yume, que les rêves ne sont pas faits pour être réalisés.
- Toi et ton imaginaire, jura Haku. Rien ne doit rester du domaine du rêve ni être simplement imaginé ! Tu ne comprends pas que c'est trop facile ! C'est comme si tu baissais les bras devant le moindre obstacle !
- Et une fois que tu l'as réalisé, ton rêve, une fois que tu as réalisé ton rêve le plus fou, le rêve de ta vie, que fais tu ? Bien je te réponds : tu ne fais rien, parce que tu n'as plus rien à réaliser. À ce moment là, tu perds goût à la vie. Je te le dis, mon frère, gardes tes rêves et économise toi, avant d'en arriver à ce point !
- On a toujours quelque chose à faire, regarde à la ferme, il y a toujours une tâche à accomplir et quand on pense avoir tout fait, quelque chose de nouveau survient. Crois moi, la mort me surprendra avant que je sois venu à bout de mes rêves !

C'était ce genre de discours que tenaient les deux frères entre eux. Quand ils étaient petits, ils se disputaient sur des petites choses de la vie. Ils se chamaillaient pour des questions, comme « Le feu est-il si chaud qu'on ne le dit ? », dont ils obtinrent la réponse par l'expérience d'un doigt brûlé. Au fut et à mesure qu'ils grandirent, l'expérience ne suffit plus aux deux garçons. Ils abordèrent des questions plus spirituelles, voire philosophiques. Une fois, ils s'étaient questionnés sur l'infini cinq heures durant. L'infini existe-t-il, a-t-il lieu d'être... Ils discutaient sur tout types de sujets, mais ils discutaient quand ils étaient seuls, car les habitants de la vallée voyaient d'un mauvais œil ces réflexions qu'ils ne comprenaient pas.

Haku et Yume vivaient près d'un village dont les habitants étaient très gentils. À cette époque, rares furent les personnes qui savaient lire et écrire. Les deux frères avaient eu la chance d'apprendre cette érudition aux âges de six et sept ans, grâce à un moine qui, en mission dans la région, s'arrêtait tous les jours à la ferme, en échange de quoi le père lui offrait le couvert. Le religieux leur apprit également les chiffres, l'art de la calligraphie, la lecture des astres et l'art de réfléchir. Il les mit toutefois en garde contre cette dernière aptitude. La réflexion n'est pas donnée à tout le monde, avait-il dit. De plus, en cette période moyenâgeuse, seuls les seigneurs et les religieux étaient dignes de ce qu'on appelait le « savoir ». Pour tous les autres, cette denrée était inconnue. Or, les gens ont peur de ce qui est inconnu.

Oui, Haku et Yume partageaient la même vie et ils l'aimaient ainsi. Ils n'étaient ni riches, ni tout à fait pauvre, mais ils se contentaient de ce qu'ils avaient et ne voulaient changer cela pour rien au monde.










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Note:
Voici ce qui m'a inspiré pour écrire ce chapitre. Il y a du philosophique et du plus fun, mais j'estime qu'il faut de tout pour faire un monde...

Inspiration flagrante (ou pas) d'Éragon. Le garçon qui revient de la forêt avec son gibier en courant joyeusement jusqu'à sa ferme... Ça ne vous rappelle pas le début d'Éragon ? Et la description du père, les traits durs, les mains de fermiers... Ça correspond à l'oncle d'Éragon.

Pour imaginer la ferme, avoir une idée des maisons traditionnelles japonaises, j'avais lu L'éloge de l'ombre, de Tanizaki. Un bouquin génial qui décrit à la perfection ces maisons pleines de charmes.

Un film japonais magnifique, dont je ne me rappelle plus le nom (et j'enrage !). C'est l'histoire de deux frères voulant devenir moines Chaolin. Quand ils deviennent adultes, l'un d'eux a tellement voulu voir le monde extérieur toute sa vie que quand il est plongé dedans, il s'égare et plonge dans le pêché. Si vous pouviez m'aider, Please *suppliant* Je trouvais que ça correspondait assez à l'histoire de mes deux frères à moi.

Jean-Paul Sartre, pour la discussion sur le rêve. Sartre pense comme Haku : que l'imagination est inutile, futile et perte de temps. Perso... On devine où je me situe... ;-)