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Les Esprits Pokémon - Premier Tome de LesEspritsPokémon



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» Auteur : LesEspritsPokémon - Voir le profil
» Créé le 30/10/2011 à 21:55
» Dernière mise à jour le 30/10/2011 à 23:47

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Chapitre 2 : Mehdi (Dragibus)
« Benji ! C'est moi, ouvre !
- Qui ça « moi » ?
- Allez, arrête, ouvre s'te plaît !
- Non. Laisse-moi, j'ai envie d'être seul. »

Le jeune homme qui tambourinait depuis un moment à la porte soupira, haussa les épaules d'un air résigné et fit demi-tour. Voilà plusieurs heures que son ami s'était enfermé dans la minuscule cabine qu'ils partageaient pour la durée du voyage et il n'arrivait pas à l'en faire sortir. Il avait bien essayé divers prétextes :
- La vue depuis le pont supérieur est superbe ! Tu devrais venir voir ça !
- Y a deux transats libres et côte à côte à la piscine, je t'en réserve un ?
- Arf, j'ai oublié mes lunettes de soleil sur la table de chevet... Ouvre, s'il te plaît !

Tout ce qu'il avait obtenu, c'était une main qui lui avait balancé sans ménagement ses lunettes par la porte rapidement entrebâillée et tout aussi vite refermée.

Mehdi longea la coursive en sens inverse et retourna s'allonger sur le drap de bain encore humide qu'il avait étalé au bord du bassin.

Le paquebot, l'Étoile d'Unys, était superbe. A cette heure-ci, en soirée, la piscine était vide et l'eau salée miroitait sous les derniers rayons du soleil. C'était le moment qu'il préférait, quand la chaleur redevenait supportable et que les piaillements des gosses s'étaient éteints.

Le voyage sur le paquebot de luxe vers Sinnoh, vers le Tournoi Pokélympique auquel Benji et lui allaient participer, ne durait que peu de temps et il comptait bien en profiter pour décompresser un peu. Le boulot avait été stressant cette dernière semaine.

Il était l'adjoint du conservateur au Musée de Maillard. Le titre était bien plus pompeux que la fonction ! En réalité, il devait faire le sale boulot, celui dont le Conservateur en titre ne voulait pas se charger... Mais il ne faisait pas le difficile, loin de là !

Après avoir brillamment passé son bac scientifique l'année passée, il avait démarré un cursus d'archéologie et archéosciences dans une fac prestigieuse d'Unys. Son travail à mi-temps au Musée lui permettait donc d'être en contact avec les fossiles tout en payant une partie de ses études.

L'arrivée de nouvelles pièces en début de semaine l'avait obligé à bosser tous les soirs jusqu'à point d'heure : ouverture des caisses, vérification du listing des objets, inscription dans l'inventaire informatique, étiquetage de chaque pièce... Sans parler de l'étude qui avait suivi : taille, aspect, couleur des fossiles...

C'est pourquoi il avait économisé et opté pour le voyage par mer plutôt que par les airs, histoire de s'offrir un peu de farniente au soleil avant la pression des combats.

Il essayait de reprendre la lecture de son « roman de plage » - le prétendu best-seller de l'été, un truc d'aventures rocambolesques où les rebondissements s'enchaînaient à toute allure et sans grande cohérence, et qui lui changeait des revues scientifiques qu'il avait l'habitude de lire - mais il s'aperçut bien vite que c'était le même paragraphe qu'il avait sous les yeux depuis un moment. Son esprit était ailleurs, préoccupé par le comportement de Benjamin.

Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Pourquoi s'était-il enfermé à double tour dans sa cabine depuis le matin ? Ils ne s'étaient pourtant pas disputés... Mehdi cherchait à se rappeler leur dernière conversation. C'était hier soir, après l'embarquement, sur l'une des terrasses du pont inférieur. Ils avaient siroté un petit cocktail aux fruits frais avant d'aller se coucher et avait papoté de tout et de rien en profitant de la fraîcheur du soir.

Ils avaient parlé de leur club de sport respectif à Méanville – foot pour Mehdi et basket pour Benji -, des résultats décevants de la saison qui venait de s'achever, des problèmes avec l'entraîneur pour l'un, et des tensions entre joueurs pour l'autre.

Mehdi se tâtait : il se demandait s'il ne valait pas mieux pour lui arrêter le foot, car concilier le sport, la fac et les aller-retour vers le Musée de Maillard devenait un vrai casse-tête. Benji avait argumenté que lui-même ne renoncerait pour rien au monde au basket. Que la pratique d'un sport, outre le fait de maintenir en forme physique, aidait à décompresser et à libérer l'esprit.

Il avait prononcé les derniers mots d'une façon bizarre, lentement et en appuyant sur chaque syllabe.
Puis son regard s'était perdu dans la contemplation de l'horizon vide, les yeux plissés par le reflet du soleil rasant sur l'eau.
Sur le coup, Mehdi n'avait pas cherché à comprendre plus avant, mais maintenant qu'il y repensait, l'attitude de son ami lui paraissait étrange...

Son estomac émit soudain un grognement significatif.
Après un dernier plongeon dans la piscine, il tenterait encore une fois de convaincre Benji de prendre son premier repas de la journée.

Il referma son bouquin et déplia son mètre quatre-vingt-deux. Les deux bras tendus en arc au-dessus de sa tête, il vola littéralement dans le bassin et émergea une quinzaine de mètres plus loin. Ses mouvements de crawl étaient fluides et puissants. Quasiment aucune projection d'eau.

Au bout d'une dizaine de longueurs, il ressortit en prenant appui des deux mains sur le rebord et en se hissant souplement hors de la piscine.

Une mère et son adolescente de fille qui passaient à ce moment-là le long des transats se poussèrent du coude et se jetèrent un coup d'œil complice.
Le corps mince et musclé de Mehdi était luisant de l'eau qui s'écoulait en petites rigoles sur le carrelage. Son teint mat de métis mettait en valeur le vert particulier de ses yeux, une couleur inhabituelle tirant légèrement sur le bleu.

Il se sécha rapidement, frottant énergiquement sa tignasse brune avec sa serviette. Pas besoin de peigne, les boucles se mettraient en place d'elles-mêmes. Et de toute manière, c'était pas son genre de passer une heure devant la glace à tenter de les discipliner à grands renforts de gel fixation ultra.
Il était plutôt nature, dans son look comme dans sa personnalité.

Mehdi retourna à la cabine, sur le pont inférieur, et tambourina une nouvelle fois à la porte, bien décidé à faire le forcing pour que son ami lui ouvrît enfin.
Mais à sa grande surprise, c'est un Benji détendu et souriant qui apparaît devant lui :
« Pas la peine de faire autant de boucan, je suis pas sourd ! Où t'étais passé ? Ça fait une plombe que je t'attends ! Je meurs de faim, moi !... »
Mehdi resta un instant sans voix devant tant de mauvaise foi et s'apprêta à répliquer vertement quand il remarqua le grand sourire espiègle qui fendait largement le visage de son ami. Tous deux éclatèrent de rire et décidèrent de se rendre au self.

« Notre arrivée à Verchamps est prévue pour quand ? demanda Benji la bouche à moitié pleine.
- Demain matin à 7h15. Et ensuite, direction Unionpolis à dos de Pokémon. Donc, réveil à 6 heures, p'tit déj' et bagages. T'as intérêt à pas flemmarder au lit comme tu l'as fait aujourd'hui !
- J'ai pas flemmardé : je méditais...
Mehdi haussa un sourcil dubitatif en direction de son ami, tout en continuant à piocher dans son assiette de poisson sauce Sinnoh garni de pommes vapeur et haricots frais.
- ... Humpf... Et on peut connaître le résultat de ta trèèèèès longue méditation ?
- C'est... personnel... Désolé, vieux....
- Pas de souci... Tu sais que si t'as envie de parler, de problèmes persos ou d'autre chose, je suis là, hein !
- Oui je sais que je peux compter sur toi. Tu seras le premier à qui je me confierai. Quand le moment sera venu. Quand je serai prêt. »
Le regard de Benji se fit à nouveau vague, perdu dans un endroit inaccessible à Mehdi. Celui-ci en fut un peu frustré, mais n'insista pas. C'était ça aussi l'amitié : savoir se montrer discret quand l'autre le souhaitait.

Au bout d'un moment, il brisa le silence devenu gênant avec un autre sujet de conversation :
« Je t'ai pas raconté ce qui est arrivé à ma soeur ?
- Laquelle ?
- Leïla, la plus jeune.
- Celle qui veut devenir manager de Pokémon Musical ?
- Voui. L'autre soir, elle était à un entraînement au Music Hall, justement, et un spectateur l'a abordée après la représentation. Un mec qu'elle ne connaissait pas du tout. Il a commencé par la féliciter pour sa prestation et, de fil en aiguille, ils en sont venus à parler de son futur métier, de la crise, de l'avenir des jeunes...
- Et ?...
- Et alors... il a fini par lui demander si elle serait intéressée par un camp de jeunes...
- Comment ça « un camp de jeunes » ?
- Ben... d'après ce qu'elle a compris, ce serait une sorte de colo' écolo'...
- Mais bon sang ! Tu vas t'expliquer ?! C'est énervant cette manie que tu as de ne pas aller au bout de tes phrases !

Mehdi fixa son ami avec des yeux ronds :
- Hey ! Pas la peine de hausser le ton comme ça ! Je te trouve drôlement lunatique ces derniers temps : soit t'ouvres pas la bouche pendant des heures, soit tu te mets en colère pour des broutilles... C'est la perspective du tournoi qui te rend nerveux comme ça ?
- Non, non... c'est pas ça. Excuse-moi vieux, je suis un peu perturbé en ce moment... Laisse tomber... Tu parlais d'un camp écolo ?...
- … Ah oui ! Donc le mec propose à ma petite sœur de partir 15 jours au Mont Foré avec sac à dos et toile de tente. Deux semaines sans ordi, sans téléphone, sans contacts extérieurs, à vivre dans la plus grande simplicité, histoire de se ressourcer, de renouer le contact avec la nature, loin de la pollution et de l'agitation des grandes villes...
- Mouais, je vois le genre... « Redécouvrez les joies de la vie en pleine nature dans notre village sans eau, sans électricité et sans chiottes : inconfort garanti ! Mille pokédollars la semaine ! »
- Non non, c'est gratos. Entièrement pris en charge par une sorte d'organisme écolo, qui milite en faveur de l'avenir des jeunes, pour leur bien-être et tout et tout... Leur slogan, c'est « Une vie meilleure » et le logo un arbre avec des racines qui s'enfoncent dans le sol.
- Comment tu sais ça ?
- Le type a donné une plaquette publicitaire à ma soeur.

Comme Benji restait un moment silencieux, Mehdi se dit qu'il était une fois de plus reparti dans ses délires méditatifs. Mais le jeune policier reprit la parole d'un ton autrement plus sérieux, une barre soucieuse plissant son front :
- J'espère bien que ta soeur n'est pas partie faire ce pseudo camp de vacances ?
- Non, bien sûr ! Ça ne l'intéressait pas spécialement et de toute façon, mes parents s'y seraient opposés : ils n'auraient jamais permis qu'elle parte seule quinze jours avec des gens qu'on ne connaît pas.
- Ils ont bien fait, parce que ce truc, ça pue !
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Dernièrement, on a reçu une plainte sur un sujet similaire au commissariat : un jeune garçon a été abordé par un mec zarbi, complètement illuminé, qui lui a parlé de la nature qu'on était en train de détruire, des éoliennes qui gâchaient le paysage, des Baies génétiquement modifiées qu'on nous servait dans nos assiettes, bref, tout un laïus sur les vertus d'un monde complètement écolo. Au final, le type l'a presque forcé à le suivre, soi-disant dans une sorte de village-nature. Le gamin a eu peur et s'est sauvé à toutes jambes. Ses parents sont passés au poste, mais vu qu'il n'y avait eu aucun véritable délit, on n'a pas pu faire grand chose à part enregistrer leur plainte...

Ce fut au tour de Mehdi de froncer les sourcils :
- Tu penses qu'un pédophile rôde dans le secteur et essaie d'attirer des gamins avec cette histoire de colonie de vacances ?
- C'est fort possible... En tous cas, dis à ta sœur de se méfier et de ne surtout pas rester seule avec ce type s'il cherche à nouveau à l'approcher. »

Après le repas, les deux compères firent le tour du paquebot, cherchant un divertissement à leur goût. Mais entre la disco rétro, la techno soûlante et le bal à papa, rien ne les attirait. Ils traînassèrent encore un peu autour du bar, mais les consommations étant hors de portée de leur bourse, ils finirent par regagner leur cabine.

Là, chacun d'eux sortit ses Pokémon de leur Ball, histoire de leur faire prendre l'air et de vérifier qu'ils allaient bien.
Le Solaroc de Mehdi se jeta aussitôt sur l'Arcanin de Benjamin et commença à le taquiner de ses rayons. Le grand chien de feu jappa joyeusement et se roula sur le sol pour essayer de se dérober à la torture des chatouilles. Des poils et de minuscules débris rocheux voletèrent en tous sens, des flammèches et des braises s'échappèrent des deux corps entremêlés, menaçant de trouer la literie.
« Solo ! Archi ! Ça suffit ! leur ordonna Benji. Regardez dans quel état vous avez mis la cabine ! Allez hop, chacun dans sa Ball ! »

Pendant ce temps, Mehdi était sorti avec les deux autres Pokémon, plus gros, pour leur permettre de s'ébattre à l'aise. Tandis qu'il astiquait avec un chiffon doux les plaques métalliques de son vieux Steelix, le Ohmassacre de Benji s'amusait à effrayer les passagers qui avait le malheur de passer à proximité.
Une fois tout le monde brossé, lustré et douché, la petite cabine retrouva son calme, les paupières se fermèrent, les respirations se firent plus régulières tandis que le paquebot fendait la mer vers Sinnoh.

Le lendemain matin, les deux compères débarquèrent à Verchamps.
« Combien de temps jusqu'à Unionpolis ? demanda Benjamin.
- Mmm... Une heure, je dirais, si on galope bien. Deux si on flâne.
- Alors c'est parti pour le galop ! s'écria joyeusement Benji. Le dernier arrivé paie la tournée ! »
Et sans attendre son ami, il enfourcha son Arcanin et le talonna vivement, au point qu'ils ne formèrent bientôt plus qu'une silhouette floue au bout de l'horizon.
Mehdi sourit intérieurement et prit le temps de fixer avec soin le harnachement de son Steelix. Inutile de se presser et de risquer bêtement un accident. Il enfourcha à son tour son imposante monture et lui tapota la tête en signe de départ. Le lourd Pokémon s'ébranla et prit rapidement de la vitesse, utilisant à la fois ses six courtes pattes et les mouvements de reptation de son long corps reptilien pour gagner du terrain.

La grande cité de l'union fut bientôt en vue et les deux voyageurs se retrouvèrent devant le Centre Pokémon qui allait les héberger pour la nuit.
« J'ai gagné ! s'écria Benji. Tu me dois un Jus de Baie !
- Pas de souci, je t'offre ça dès que j'ai remporté le Tournoi et la récompense qui va avec, lui répondit Mehdi d'un ton faussement sérieux.
- J'ai hâte d'être à demain, pour voir quels adversaires vont se présenter... Tu crois vraiment qu'on a une chance ?
- Toi, certainement. Mais moi... Je suis là parce que tu m'as demandé de t'accompagner, ne l'oublie pas. Ce qui m'attire surtout, c'est l'ambiance de fête, les gens et les Pokémon des autres régions, les compétitions que je ne connais pas. Gagner, c'est pas ma priorité... Mais comme toi, j'ai hâte d'être à demain... »