Trou noir.
Je m'éveille. J'ai très mal au crâne. Je suis dans une cellule aux parois de verre. Je cherche à me lever, mais je n'en ai pas la force. Du coup, je me pose des questions. Qu'est-ce que je fais ici? Et puis, en premier lieu, qui suis-je? Je ne me souviens de rien. Suis-je ici depuis longtemps? Qui sont mes amis? Mon dresseur? Suis-je un sauvage? Je tourne lentement la tête vers les autres parois. D'autres Pokémon sont enfermés. Il y a un Akwakwak à ma droite et un Massko à ma gauche. Ce dernier semble endormi. Je tente d'entrer en contact avec mon voisin de droite. Je me lève très lentement, pas très sûr de mes mouvements. Je m'approche de la paroi. Le Pokémon aquatique m'a vu. Il me dévisage un instant.
«Enfin réveillé? J'avais fini par te croire mort!
-Où sommes-nous?
-Dans un centre d'expérimentation. Nous sommes des cobayes.
-Ah bon? Et qui nous utilise?
-Je n'en sais fichtrement rien, mon gars!
-Tu as déjà subi des expériences, toi?
-Plutôt deux fois qu'une!
-Ca fait mal?
Il éclate de rire.
-Ca dépend. Parfois non, c'est de la routine. Prise de sang, évaluation de puissance...
-Et d'autres fois?
-D'autres fois si. Les tests de résistance par exemple. Ou les prélèvements d'ADN.
Il me désigne de sa griffe une longue cicatrice argentée le long de son bras.
-Je ne me souviens pas avoir souffert, mis à part ce mal de crâne atroce...
-C'est normal, c'est parce que...
Je n'entends pas la fin de sa phrase. J'ai l'impression que ma tête va exploser. Je m'affale au sol, pris de convulsions. Des images hachées, brèves et confuses défilent dans mon esprit.
Une forêt défile... je suis sur mon territoire... Dans un village, je vois un homme et une femme enlacés... Puis un oeuf et un feu de camp... Tout s'arrête. On me fait avaler un liquide étrange. J'ai moins mal. Un homme à blouse blanche et épaisses lunettes me tient la gueule ouverte. Il me relâche, m'observe un instant puis referme la cage. Je me relève lentement. Bon sang, qu'est ce que c'était? Cet homme? Cette femme? Cet oeuf? Ces lieux divers?
-Ca va?
Je me tourne vers Akwakwak. Il semble anxieux.
-Oui, merci. J'ai eu une crise.
-J'ai alerté les scientifiques. Ca arrive parfois après des expériences que des effets secondaires se produisent, ils ont l'habitude.
-Sans doute...
-Le truc qui cloche chez toi, c'est que tu viens d'arriver...
-Tu rigoles?
-Non. Pourquoi?
-Je ne me souviens de rien.
-Vraiment?
-Non. Rien de rien.
Il semble perplexe. J'essaye de fouiller ma mémoire, à la recherche d'images. Mais c'est comme essayer d'attraper de la fumée avec les pattes.
-Qui suis-je?
-Ben, t'es un Demolosse, mais ici, t'es connu sous le nom de matricule F235.
-Ah?
-Moi, je suis le matricule E235. Et le Massko de l'autre côté, c'est P225.
-Tu en sais des choses!
-Depuis le temps que je suis là... J'écoute tout ce que disent les humains. Notre matricule nous est attribué suivant quatre critères : la première lettre de notre premier type, notre stade d'évolution sur une échelle de 3, notre niveau sur une échelle de 5 et le numéro du labo.
-C'est fou ce qu'ils inventent. Pourquoi ne nous appellent-ils pas par notre nom?
-Disons que la plupart d'entre nous arrivent ici... enfin... illégalement. Des Pokémon volés à leurs dresseurs. D'autres sont des sauvages. J'avais un dresseur, mais à force d'expériences subies et de temps passé, je ne m'en souviens plus bien. Massko, lui, était sauvage.
Je regarde le Pokémon plante. Il n'a toujours pas fait le moindre mouvement.
-Pourquoi est-il comme ça?
-Ils l'ont bourré de calmants. Il a fait une violente crise d'aggressivité après un test récent. Du coup, il bouge presque moins qu'un Parecool sous sédatifs...
Je me couche au centre de ma prison, les yeux fixés vers la porte coulissante.
-Ne cherche pas un moyen de fuir. C'est des vitres incassables. En plus, tu serais intercepté vite fait.
Je souris et émet un bref aboiement de rire, par pure ironie.
-Fuir, oui, c'est bien beau, mais pour aller où?
-N'importe où, mais loin d'ici, mon pote!
-Ca ne m'avait même pas effleuré l'esprit...
Mon voisin s'approche et vient s'asseoir dos à la vitre séparant nos cellules respectives.
-Dis, Akwakwak, t'as déjà essayé de fuir?
Il y a un silence. J'attends. Je n'ai rien de mieux à faire. J'ai tout mon temps.
-Une fois, oui. On a tenté une évasion groupée. J'étais avec Flobio, mon meilleur ami, Roigada, Coxy et Ortide.
-Et?
-Je suis le seul survivant.
Un nouveau silence, glacé, s'installe.
-Je suis désolé.
-Tu ne pouvais pas savoir.
Nous attendons encore un moment.
-Quelle heure est-il?
-Aucune idée. De toute façon, Demolosse, ici tu vas apprendre à dormir quand tu es fatigué, et toujours que d'un oeil.
-Je vais dormir. Je suis épuisé.
-Pas de problème. Je te réveillerais en ca de danger. »
Je ferme les yeux et attends le sommeil. Je m'ennuie et ne sais pas où j'en suis. C'est bizarre. Je n'ai aucun souvenir à visiter pour patienter... Le sommeil...