La recherche d'un rival de Moriarty

Il faisait nuit. Sun se tournait et se retournait dans son lit, se remémorant les paroles de l'éminent professeur Sapin, à son laboratoire :

«  Quinze, je dis bien quinze, oui, quinze les enfants ! Quinze beaux pokémon pour vous d'ici la semaine prochaine. Notre belle région n'ayant pas de pokémon lui étant propres, je me suis contenté d'en acheter – et au prix fort ! aux autres régions du pays, allant même jusqu'à Unys ! Voici donc : Bulbizarre, Salamèche, Carapuce, Germignon, Héricendre, Kaïminus, Arcko, Poussifeu, Gobou, Tortipouss, Ouisticram, Tiplouf, Vipélierre, Gruikui et Moustillon. Faites bien attention à celui que vous choisirez, car il sera votre premier compagnon, unique ami dans le rude monde des pokémon. Je vous laisse les admirer tout le temps qu'il le faudra, et ne vous donne qu'un conseil : choisissez celui avec lequel vous serez en symbiose. Et si vous n'en trouvez pas, prenez-en un au hasard et faites comme si vous l'aviez choisi car vous étiez en symbiose. »

Il avait administré aux adolescents un clin d'oeil, et chacun était resté à contempler et prendre des notes pour la semaine suivante. Sun avait immédiatement été attiré, comme par une force étrange, vers les neufs premiers, qu'il trouvait superbes. Il avait trouvé les trois suivants jolis, mais manquant d'un charisme certain. Les trois derniers n'avaient reçu de sa part que le jugement de bizarre, que Sun avait prétexté pour ne pas utiliser le terme si barbare de '' moche ''.
Et pourtant, il se retournait encore et encore sous sa couette. Il devait aller prendre son pokémon le lendemain et n'avait toujours pas choisi. Il tenta de se rappeller. Il transpirait... Il ôta finalement ses draps et sa couette, et marcha en cercle parfait dans sa chambre tout en entamant un problème de réflexion intense.
Soudain, tout lui revenait : Salamèche ! Bien sûr, il venait de se remémorer l'adorable visage de ce gracieux pokémon. Il avait l'air rusé, fier, attachant... Tout ce que Sun attendait d'un pokémon, ce Salamèche l'avait, et à la seule pensée d'une éventuelle balade à ses côtés, il se sentit le plus heureux des hommes. Ce serait avec l'évolution de Salamèche qu'il battrait Moriarty, Eyragon et Brynne ! Rempli de cette fougue nouvelle, dormir lui était impossible, il alluma donc la télévision sur la chaîne locale.

« C'est un nouvel attentat terroriste de la Team Magic. Une fois de plus, un immeuble a explosé à Espité. On estime le nombre actuel de morts à deux cent. La Team Magic veut en effet faire pression sur le gouvernement et leur projet marche. Le peuple se plaint de l'insécurité de Simmeroh et du manque d'efficacité de ses forces de l'ordre, étant donné l'arrivé tardive de la police, ainsi que de celle du champion d'arène. Simmeroh pleure actuellement sa population, et la situation impose des sacrifices et soulève une grande question : '' S'ils veulent la ligue de Simmeroh, pourquoi ne pas leur donner ? '' Moriarty et Brynne ne se sont pas prononcés à ce sujet... »

Sun éteignit immédiatement la télévision. Un sujet si sordide ne l'aiderait sûrement pas à dormir. La Team Magic était plus vieille que la ligue de Simmeroh, et avait toujours été en rivalité avec elle pour le pouvoir. Si la ligue Arrogante avait du mal à l'arrêter, lui, il le ferait, avec son Salamèche...
Il s'imaginait, avec son Salamèche, parcourant un long chemin herbeux, et battant le chef de la Team Magic qu'il se représentait comme une étoile... Il le suppliait alors à genoux de l'épargner, et Sun répondait '' Je suis Sun, du Bourg-Venteux, et jamais je ne protégerai les mécréants tels que toi ''.
Quoiqu'il en fût, il s'endormit. De longs rêves agités, puis un calme profond, les heures coulaient, jusqu'à son réveil.
Il s'étira, bailla, et, d'un geste forcé, regarda son réveil. Après avoir écarquillé des yeux, il s'habilla en un temps record, ne mangea rien, sortit et courut vers le laboratoire du professeur Sapin : il était en retard, ce qui était impardonnable.
Il entra, et eût à peine le temps de reprendre sa respiration pour parler intelligiblement au professeur. Aucun autre enfant n'était dans la pièce :
«  Professeur, le pokémon... je veux un... un Salamèche !
-Tu es en retard. fit froidement remarquer le scientifique.
-je suis désolé, fit-il maladroitement, mais... Salamèche, je...
-Salamèche a déjà été pris.
-Bulbizarre alors ? Ou Carapuce !
-En fait...
-J'ai compris ! Germignon ? Héricendre ? Kaïminus ?
-Eh bien...
-Arcko alors ? Ou Poussifeu ? Ou Gobou ?
-Je...
-Tortipouss ? Ouisticram ? Tiplouf ?
-Vas-tu m'écouter à la fin ?
-J'ai compris, il ne me reste que les trois derniers, tant pis, j'accepterai un des trois, lequel ?
-Aucun ! s'écria le professeur. Il n'en reste aucun ! Les quinze ont été pris ! »

Sun était abattu, et était sur le point de fondre en larmes, bien qu'il se retenait courageusement. Il se releva finalement, la tête haute :

«  Professeur, écoutez-moi ! Cette distribution compte énormément pour moi ! Je dois absolument avoir ce pokémon, professeur. Plus qu'un bénéfice personnel, c'est à tout Simmeroh que cela profiterait ! Si j'ai bien une vocation dans ma vie, c'est celle d'être dresseur ! Regardez, Brynne, Moriarty, ils ont forcément dû commencer comme moi, devant un professeur à quémander leur premier pokémon. Bien sûr, je n'ai la carrure d'aucun des deux, mais je vous assure, professeur, que je battrai la ligue de Simmeroh, et que je deviendrai maître. Si je n'obtiens pas mon premier pokémon de vous, alors j'irais le chercher autour du bourg. Et s'il n'y en a pas autour du bourg, je parcourrai tout Simmeroh, le pays et même le continent s'il le faut ! Vous ne connaissez pas, professeur, l'étendue de ma détermination ! Et s'il n'y a plus de pokémon en ce monde, professeur, je me combattrai moi-même contre les autres dresseurs, à la seule force de mon corps, jusqu'à ce que mon cœur ou mes poumons éclatent et que mon cerveau refuse de m'obéir ! C'est cela que Moriarty apprend aux jeunes de Simmeroh ! Un dresseur ne recule devant rien ! »

Le scientifique, ébahi par les propos de Sun, se montra dans toute sa splendeur. Il avait un teint cireux, des cheveux noirs et de fines lunettes carrés, un nez menu et un corps extraordinairement élancé. Il souriait de toutes ses dents et affichait une expression de plein bonheur.

« En effet Sun, tu m'as convaincu. Tu portes en toi ce que des génération de dresseurs exceptionnels ont cultivé. Je consens à te donner un pokémon. Cependant, ce ne sera pas ce que j'ai de meilleur. Un pokémon que j'ai attrapé il y a une semaine à vrai dire, un peu dépressif. Mais tes modèles ont su dresser des pokémon bien plus redoutables en caractère que celui-ci. De plus, bien entraîné, ce ne sera ni plus ni moins qu'une perle. Et je sais que tu en seras capable, Sun de Simmeroh. »

Il traversa le laboratoire d'un pas joyeux et boiteux. Sun respirait de longues bouffées d'air, son cœur battant à la chamade. Il était heureux mais avait peur. Que représentait un pokémon tel que celui-ci pour un dresseur tel que lui ? Il devait avoir foi en lui, savoir l'apprivoiser, trouver un pacte mutuel de confiance.
Le professeur Sapin venait de lui faire un des plus beaux compliments que l'on puisse espérer. À lui, oui à lui seul, Sun du Bourg-Venteux, il avait dit qu'il avait les capacités de dépasser les anciens maîtres de Simmeroh.
Plus qu'heureux, Sun était fou de joie. Il jeta un coup d'oeil autour du laboratoire, et le trouva assez sale, d'une organisation qu'il aurait qualifié, à défaut de terme plus enjoliveur, de rustique, et des détails amusants sur la vie du scientifique pouvaient être déduits de l' ameublement.
Il regarda un certificat de doctorat en matière de pokémon à son ordre, puis il jeta son regard vers la droite et aperçut un cadre dans lequel était une lettre :

« Cher professeur Sapin, c'est avec grand plaisir que je vous remets les données informatiques permettant de faire passer le pokédex en mode national, avec le plaisir et l'espoir qu'il s'en serviront pour parcourir le pays et ainsi donner à Simmeroh un espoir nouveau. Je prévois d'en faire une amélioration contenant les pokémon d'Unys. En ce moment, une version de test a été envoyée à Spruce Keteeleria, chercheur de cette région que je sais honnête.
Amicalement,
-Professeur Chen »

En tournant encore à droite, il aperçut une autre lettre. Les caractères étaient minuscules mais le sceau bleu représentant un ''S'' était facilement reconnaissable. C'était en effet, d'après ce que Sun avait appris, un sceau qui pouvait être uniquement utilisé par son seul possesseur, le maître de la ligue de Simmeroh. Il s'approcha un peu plus de la lettre encadrée et fut surpris d'y voir la signature de Moriarty. Avait-il un jour été maître de la ligue de Simmeroh ?
Il s'approcha plutôt de la table, où un album était mis en évidence. Il le feuilleta et compris qu'il montrait de très belles photographies des connaissances du professeur par ordre alphabétique. Il chercha à ''B'' mais, dans un geste trop brusque, se retrouva à ''L''. Il continua de feuilleter, et fut amèrement déçu lorsque la photographie de Moriarty était invisible, car une étrange marque ronde et marron claire la recouvrait.

Illustration.

«  Je ne savais pas que tu aimais fouiller en cachette. Et, oh, c'est une tasse de café que j'ai posé dessus sans y faire attention. »

Sun rougit. Le professeur lui adressait un sourire éclatant. Il tenait désormais dans la main une des ces sphères bicolores qu'il avait vu lors de la ligue Arrogante.

« C'est une pokéball. Elle sert à attraper les pokémon et à les transporter plus facilement bien qu'en général, un pokémon préfère l'air libre. Ouvre-la, celle-ci t'appartient. »

Sun la prit, et actionna le bouton blanc situé au milieu. La ball s'ouvrit, et un flux d'énergie en sortit, qui se transforma ensuite en un pokémon.
C'était un très beau pokémon. Il était bleu turquoise, bien que son ventre fut jaune. Ses pieds et des bras étaient petits et frêles, mais sa tête était solide. Sa mâchoire inférieure était jaune et de sa bouche dépassait deux dents. Ses oreilles, dorés lui donnaient un air royal, et sa crinière, elle, était gris argenté.

« Il s'agit de Draby. fit le professeur. Draby, le pokémon dragon.
-Draby. fit le pokémon.
-Autant te prévenir, il ne dit que son nom, mais il te comprend. Le mieux serait de voir d'emblée les attaques qu'il connaît. Écoute bien et retiens. Coup de boule ! »

Draby s'élança tête baissé contre le mur, et le heurta de plein fouet.

« Morsure ! »

Une fois de plus, il courut et finit par mordre la table fermement.

« Maintenant, la meilleure, flammèche ! »

Il inspira profondément, puis de ses naseaux sortirent une petite flamme.Cette attaque plut énormément à Sun.
« Merci professeur, je ne sais pas comment vous remercier... Peut-être... Peut-être que je pourrais récolter des donnés sur les pokémon avec cet appareil ? Le pokédex ?
-Désolé, tous mes pokédex ont changé de main. Il faut que j'en commande d'avantage, mais d'ici là, tu seras loin. Voilà ce que je te propose en échange. Prouve-moi que j'ai raison, que j'ai raison de t'avoir donné ce pokémon et d'avoir vu en toi là où personne ne voulait, et bats-la ligue Arrogante !
-Je vous le promets, professeur. »

À bien des égards, le professeur Sapin était un homme intelligent, extraordinaire, mas avant tout, il était humain, et c'est cette qualité qui plaisait le plus à Sun. Il sortit du laboratoire et s'installa sur un banc, sortit sa pokéball et envoya Draby pour lui parler.

«  Draby, tu es mon premier pokémon. Je vais donc te dire ce que j'attends de toi et des prochains qui composeront mon équipe. Tu devras m'être loyal en toutes circonstances et par dessus tout m'obéir. Pour tout ce qu'un dresseur fera de mieux que nous, tu ne te lamenteras pas, tu le copieras. Tu développeras des attaques toutes plus puissantes les unes que les autres. Nous battrons Brynne et je serai même de la ligue pokémon. Tu seras donc le Draby le plus avancé au monde, et si tu restes constant dans tes efforts, sans doute seras-tu mon meilleur pokémon, et donc le meilleur pokémon du monde. Voilà ce que j'attends de toi Draby, mais pour l'instant, je te considère comme mon ami, et mon égal. Draby, je... Draby ! Je suis en train de te parler ! »

Draby n'avait prêté aucune attention à ses paroles, et s'était contenté de grimper jusqu'au banc pour sauter puis tomber. Regardant Sun en face, il finit par s'asseoir sur ses genoux, et pointa, le regard larmoyant, le ciel avec sa tête et ses petits bras qu'il agitait.

« Ton rêve... C'est de voler ?
-Draby. affirma-t-il.
-Dans ce cas, faisons un marché. Je trouverai, quelque soit le moyen, comment te faire voler, et toi, tu m'aideras à battre la ligue Arrogante !
-Draby ! »

Un lien extrêmement fort venait de se tisser entre les deux compagnons. Un lien que rien désormais ne pourrait abîmer. Un lien d'amitié. Aussitôt, Sun repéra un rocher et entraîna Draby à le briser avec l'attaque Coup de boule, à diviser les morceaux avec l'attaque morsure et à faire fondre le reste avec l'attaque flammèche. Il était confiant et savait que s'il honorait son engagement, Draby ferait sans doute de même.
Deux longues heures passèrent, et finalement la roche était calcinée. Tous deux suaient. Draby de l'effort, Sun de l'avoir encouragé à pleins poumons. Il s'apprêta à partir quand il aperçut une affiche accroché sur un mur :

«  -La ligue Arrogante-

Le vingt-et-unième tournoi de la ligue Arrogante se déroulera dans trois mois dans le grand stade de Simmeroh, près du château arrogant. Tous les inscrits devront posséder les huit badges d'arène ou le neuvième, sachant que ce dernier permet d'éviter les qualifications.
Pour les dresseurs mineurs, une nouvelle loi est en vigueur, stipulant qu'après l'obtention des huit badges d'arène ou du neuvième, leur attachement à Simmeroh et au devoir de vainqueur de la ligue sera testé par des professionnels.
Comme la coutume l'oblige, les arènes seront toutes fermées la veille, et un bal d'ouverture sera organisé. »

Le sceau du maître de la ligue clôturait l'affiche. Il devait arriver à bout de huit champions d'arène en trois mois, ou d'un seul. Bien sûr, il n'était pas dupe, et savait bien que si un seul champion était proposé comme alternative à huit autres, ce n'était pas plus qu'un piège grossièrement masqué. En trois mois, il devait venir à bout de huit champions, participer au camp des dresseurs, le tout en se méfiant de la Team Magic, en apprenant à Draby à voler et en attrapant d'autres pokémon. La tâche s'annonçait dure, ce qui l'obligeait à partir sur le champ. Il fit un rapide retour chez lui, expliqua la situation à sa mère qui lui prépara un sac à dos plein de nourritures, de chaussures, d'une carte et autres accessoires inutiles. Il sortit, ensuite, et pressa le pas pour quitter la ville. Cependant, quelque chose attira son regard en passant devant le laboratoire. Le professeur Sapin était dehors, et discutait avec une ombre capée, dont il ne distinguait pas le visage. S'approchant à pas de loup, il était suffisamment proche pour saisir les paroles mais, caché, il ne pouvait pas voir le visage de l'ombre. Il parla et sa voix était grave et masculine :

« Quoi ? Vous n'avez plus votre Draby ?
-Non, je l'ai...
-Suffit ! Qui est désormais en sa possession ?
-Un jeune adolescent d'ici, au Bourg-Venteux. Il s'appelle Sun.
-Sun... D'ici demain, je veux que vous ayez rassemblé toutes les informations le concernant, c'est extrêmement important. Il me faut également une photographie de lui, je ne veux pas que mes doutes soient infondés. Me ferez-vous ça ?
-Pour vous, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, vous le savez... »

Il entendit l'ombre s'éloigner à grands pas. Il attendit de longues minutes pendant lesquelles il réfléchissait. Qui était cet homme ? Qui pouvait bien lui en vouloir. Il n'avait aucun ennemi, et très peu d'amis. Peut-être... peut-être quelqu'un avait-il eu vent de son désir de battre la ligue et Voulait l'en empêcher. Une fois qu'il eu attendu pendant un temps qu'il jugeait raisonnable, il entra dans le laboratoire, et parla au professeur de l'air le plus détaché possible :

« Professeur. Je... Je m'apprête à partir et... Je n'ai pas pu m'empêcher de distinguer que quelqu'un est venu vous rendre visite... Qui... Qui était-ce ? »

Le professeur prit un teint livide.

« Allons Sun, ton imagination doit te jouer des tours, personne, personne n'est venu me rendre visite. Maintenant, si tu veux bien m'excuser, j'ai du travail »

Et il congédia Sun sans plus de manières. Il ne pourrait rien en tirer.