Battre le sang dans nos veines ; Monter le son des guitares
Les battements de mon cœur. Je n'entendais plus qu'eux. Parce qu'il s'agissait peut-être des derniers. Je me focalisai sur eux pour les calmer. Peine perdue : j'étais complètement tétanisé. J'étais sur le point de m'évanouir tellement la situation me paraissait critique. Ma seule consolation fut que Tanya ne soit pas mêlée à tout ça.
Tanya...
Mes pensées s'envolèrent vers elle pendant quelques secondes qui me parurent durer une éternité. Pourquoi avait-elle voulu partager tant de choses avec moi ? Qui était-elle réellement pour être si... spéciale ? Les battements saccadés de mon cœur me rappelèrent ceux de cette soirée où nous avions réellement fait connaissance. Nous avions parlé de tant de choses... et si peu, à la fois : nous n'avions pas abordé nos passés distincts... ou presque pas. Et nous avions décidé de continuer notre avenir ensemble jusqu'à... jusqu'à quoi, quel événement, précisément ? Jusqu'à ce que tout son argent soit épuisé ? Cette pensée me fit sourire ; je mis alors enfin le doigt sur ce qui me taraudait depuis le début sans que je veuille le voir. Tanya m'avait laissé utiliser sa fortune sans rien demander en échange. Jamais. Pourquoi ?
Je me rappelai alors ses sourires de plus en plus brillants au fil des jours passés ensemble, ses yeux pétillants de vie à notre rencontre... et après. Voulait-elle me remercier pour... ça ou bien... ou bien cherchait-elle toujours à s'excuser pour ce qu'elle avait fait à la devanture de ma boutique ? Il est vrai qu'elle avait bien essayé de faire quelque chose pour m'aider à la refaire mais... j'avais malgré tout refusé l'aide qu'elle m'offrait. Aujourd'hui, peut-être l'aurais-je acceptée mais... tous ces moments passés ensemble me semblaient si loin à présent... Elle partie, j'avais l'impression que mon cœur battait au ralenti, que la vie perdait de ses couleurs ; que m'arrivait-il donc ?
Je pris une longue inspiration puis expirai, calmement. J'eus l'impression, pendant quelques instants, de pouvoir parvenir à devenir lucide à mon habitude ; jusqu'à ce que j'entende ceci, en fait :
« Plus qu'une minute ! »
Alors que mon cœur recommençait à battre la chamade, je me souvins de tous ces soirs que nous avions passés ensemble, elle et moi. Avant d'aller nous coucher chacun de notre côté, nous allions dans le salon pour nous asseoir sur le canapé, si proches l'un de l'autre que j'en eus subitement des frissons. Et nous écoutions de la musique. Des chansons qui apaisaient incroyablement le corps et l'âme. Mais bizarrement, impossible de me remémorer un seul des titres, une seule parole, un seul accord de ces chansons. Comment cela pouvait-il se faire ? J'avais l'impression d'avoir mis le doigt sur quelque chose... mais je n'avais pas l'occasion de savoir quoi. À moins que...
Un fol espoir s'immisça en moi ; les écouteurs que je portais... étaient reliés à une sorte de... MP3, non ? Se pouvait-il alors qu'il y ait... ces chansons ? Les mains tremblantes, je saisis l'objet en question, le manipulai et trouvai un dossier intitulé Chansons. Pourquoi ne voulais-je pas l'ouvrir ? Pourquoi rester planté là, immobile, comme un imbécile ? Prenant mon courage à deux mains, j'appuyai sur un bouton qui ouvrit le dossier qui contenait... des chansons d'amour.
« Que... qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que... »
Je fis défiler la liste de chansons, avec le maigre espoir qu'il y en ait au moins une qui ne traitât pas d'amour... mais il fallait me rendre à l'évidence : toutes ces chansons en traitaient plus ou moins explicitement. Incrédule, j'en écoutais une où une guitare électrique commençait un solo tel une plainte déchirante. J'éteignis le petit appareil. Le ciel se fit plus noir encore. Un orage éclata. Avec un bruit assourdissant. Idéal pour masquer le bruit d'une moto qui démarre. Si j'en avais une.
« Vous l'aurez voulu ! Allez-y, allez le trouver ! »