IV- Le protecteur déchu
« La souffrance... Quoi de plus beau sentiment que celui-ci? Il vous prend aux tripes pour ne plus jamais vous lâcher. Il ne fait plus qu'un avec vous, il se remarque dans vos actes. Il est maitre de vos pensées, il vous ronge jusqu'à que vous crouliez sous son poids. La souffrance... C'est vraiment le plus beau des sentiments. »
Le Créateur voulait que son monde soit beau, qu'il soit grand et que rien ne vienne perturber son merveilleux équilibre. C'est au moment où le Temps et l'Espace commencèrent à donner vie à ce monde que l'oeuf des Ténèbres naquit. Créé pour protéger le monde de toutes imperfections, le Créateur en était fier.
La créature qui somnolait à l'intérieur ne tarda pas à apparaître: majestueuse, elle se dressa dans le ciel, son corps couvert d'or reluisant aux lumières de ce monde. Ses ailes aussi noires que la nuit encerclèrent la terre de son Créateur, la protégeant de tous maléfices.
Mais l'arrivée de cette créature provoqua de grand changement. Observant le monde avec attention, il fut effrayé de l'attitude de certains de ces êtres qui foulaient cette terre. Pensant que c'était un maléfice, il se fit juge de leurs actes et les condamna à la peine irréversible: la mort. Nommée ainsi « La Grande Faucheuse », la créature continua de bannir le mal de ce monde.
Le mal s'accentuait toujours plus et bientôt, elle ne put plus rien faire. Ses ailes essayaient tant bien que mal d'annihiler toutes ces horreurs. Les monstruosités du monde affectèrent son corps et son esprit. Jusqu'à la folie.
C'était une souffrance indescriptible qu'elle ressentait à longueur de journée. La haine et la peine prenaient peu à peu le contrôle de son esprit. Mais elle luttait. Elle luttait jusqu'à que ses deux confrères ne lui jettent le coup de grâce. L'esprit du Temps et de l'Espace s'étaient lancés dans une bataille qui ne faisait qu'accroître la haine et la souffrance de ce monde, engendrant ainsi le monstre que représente aujourd'hui le Protecteur déchu.
Ce monstre couvert d'or entra alors dans une rage folle, détruisant tout sur son passage. Il infligea la désolation, la mort et la souffrance à ce monde maléfique. Il fit vivre à cette terre ce que lui-même ressentait à cet instant.
Quand l'être du Temps et de l'Espace cessèrent les hostilités, tout avait disparu. Le Créateur, horrifié par ce spectacle funeste, les envoya dans une dimension parallèle à la sienne afin qu'ils se repentissent. Le monstre qui apporta le néant fut banni à jamais. Il était désormais devenu l'entité de la haine, de la peine et de la souffrance, lui qui auparavant protégeait ce monde désormais saccagé.
Il avançait maintenant dans un monde vide. Il n'y avait aucune trace de vie, a part lui. Pendant des siècles, il resta là, dans ce néant omniprésent. Il observait de sa prison invisible le monde du Créateur. Il avait repris des couleurs, la vie avait fleuri à nouveau.
Mais plus il l'observait, plus sa haine grandissait. Lui qui avait toujours fait son travail, pourquoi se retrouvait-il ici, maintenant? N'avait-il pas anéanti le maléfice lorsque celui-ci se présentait?
Il trouva une grande force dans sa souffrance, une force qui lui permit de faire de grande chose. Il concentra sa haine et sa peine à la construction d'un monde nouveau. Un monde parfait.
C'est ainsi que le Monde Distorsion fut créé. Un monde régi par une seule et unique règle: ne jamais tomber dans la décadence qu'a subie le monde inversé, le monde du Créateur.
Afin de faire pénitence avec les démons de son passé, le monstre du néant se dota d'une apparence nouvelle propre à sa dimension. Il y resta longtemps enfermé, jusqu'à que sa puissance lui permette de revenir dans le monde du Créateur. Fière d'avoir bafoué le Créateur lui-même et son bannissement sans retour, il se mit à hanter les cimetières en quête d'âmes errantes ou corrompues qui lui permettrait d'amplifier l'étendue monstrueuse de ses pouvoirs.
Entité de la mort, il apporte la souffrance. Protecteur déchu par la monstruosité d'une terre à la beauté utopique, il erre entre deux mondes: celui des morts et des vivants. Mais personne ne sait lequel est celui des vivants ni lequel est celui des morts.