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» Auteur : Red-Moon - Voir le profil
» Créé le 15/06/2011 à 14:04
» Dernière mise à jour le 12/07/2014 à 17:14

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Prologue
Allongé sur le long divan, il rêvassait, comme il en avait pris l'habitude. Les après-midi se succédaient avec une volupté dont il n'avait alors pas conscience. Pour lui, tout était normal. Il aurait pu faire cela toute la journée : rester là, à rêver ou à sombrer dans le sommeil. Une douce langueur l'envahissait, et l'empêchait de bouger ne serait-ce qu'un sourcil. C'était bon, mais pourquoi l'après-midi ? Il aurait pu dormir là le matin, ou y demeurer toute la nuit. Le divan n'aurait pas bougé, il l'aurait attendu, il l'aurait accueilli à bras ouvert, comme un vieil ami dont on ne peut pas se séparer. Alors, pourquoi seulement l'après-midi ? Pour rien au monde il n'aurait changé ce moment de la journée. L'après-midi, le soleil le réchauffait. Les rayons passaient par la baie vitrée et la vue vertigineuse, au dehors, prêtait aux rêves les plus incroyables. Non, pour rien au monde il n'aurait changé cela. Le bruit des petits tubes en verre, tout proche, lui paraissait pourtant si lointain, lorsque la torpeur le gagnait. Il aimait ce concert, plus doux qu'un Chinchidou, la musique des récipients, le bruit des liquides manipulés, le son du papier sortant doucement de l'imprimante. Un Mélorik n'aurait pas fait mieux ! Certes, pour une oreille extérieure, cet orchestre de chambre improvisé n'aurait aucune harmonie, mais pour lui, c'était un quotidien exquis.

Ce jour là, il sembla à Absol que son maître était particulièrement animé. Erick était un chercheur, un scientifique, un savant… Absol ne faisait pas de différence entre tous ces mots. Ce qu'il voyait, lui, c'est que son maître passait ses après-midi à travailler d'arrache pied, et qu'il n'en avait jamais vu le résultat. Sur quoi travaillait-il déjà ? Absol ne le savait même pas. Il avait vaguement entendu parler de « projet sans précédent », « un miracle qui permettrait enfin aux humains et aux pokémon de vivre dans une harmonie parfaite », « une recherche qu'il faut financer à tout prix, vous ne pouvez pas refuser ! ». Il disait encore « Ce sera un pas tellement grand pour l'humanité et le monde Pokemon, que le voyage sur la Lune paraîtra insignifiant ». Des Acrobaties et du Blabla-dodo à endormir un Kyogre, se disait Absol. D'ailleurs, les financeurs d'Erick eux-mêmes avaient cessé de se déplacer, pour voir comment évoluaient leur affaire : tout stagnait depuis des années !
Les financeurs d'Erick, c'était de drôles de bonhommes aux accoutrements excentriques. Dans la région d'Unys, on les appelait Team… Team Ectoplasma, quelque chose dans le genre. Ils ressemblaient à des chevaliers, mais ils n'en avaient pas l'attitude, du moins selon ce que c'était imaginé Absol. Ils ne venaient pas en majestueux Galopa, à la crinière ardente, mais en voitures rutilantes. Ils ne dégainaient pas leur épée et ne prononçaient pas des poèmes, comme de preux gentilhomme, mais entraient sans manières dans l'appartement d'Erick, posaient leurs pieds sur la table et chassaient Absol de son endroit fétiche. En ouvrant une attache case entièrement équipée de technologie de pointe, ils demandaient d'un ton dédaigneux :

- Qu'allez vous nous sortir comme excuse cette fois, Monsieur Erick Frobisher ?
- Les recherches avancent, je vous l'assure ! Répondait le maître.
- Bien ! Pouvons-nous voir le résultat ? À moins que vous ne puissiez nous présenter vos recherches actuellement, parce que l'expérience ne doit pas être dérangée, parce que vous avez perdu quelques papiers, parce qu'un Farfuret sauvage vous a cambriolé ?
- Non non non ! Je peux vous présenter l'avancement, c'est que… Le chercheur hésitait à poursuivre. Il n'eut pas le temps de formuler une nouvelle phrase, que les autres se levaient déjà, excédés.
- C'est grâce à nous que vous avez cet appartement et ce matériel ! Nous vous avons offert des conditions idéales, personne n'a jamais étudié dans un environnement aussi luxueux que le vôtre, Monsieur Frobisher, ne l'oubliez pas ! La prochaine fois, nous reviendrons avec le Seigneur N lui-même, et si votre projet n'est toujours pas achevé d'ici là, nous vous ruinerons, vous et votre réputation, jusqu'à la moelle, soyez en certain. Puis ils ajoutèrent, avant de claquer la porte : à dans deux mois, Monsieur Frobisher.

Son maître s'était assis sur le long divan. Il ne prit pas la peine de nettoyer la table basse des traces de boue et de gravier qu'avaient laissé les chevaliers. Il fixait le vide, les bras entre les jambes. Absol vint à ses côtés pour le consoler. Il n'y arriverait pas, la détresse de son maitre était trop forte à présent, mais il savait que sa présence le calmait. Il régnait, entre le chercheur et son pokémon, un lien irrationnel, une confiance et un apaisement mutuel. Absol comprenait qu'ils étaient au pied du mur, car jamais son maître n'aurait terminé son expérience avec succès dans les délais impartis. Dans deux mois, tous deux se retrouveraient à la rue.

Le maître avait continué ses recherches. Il avait conscience de son échec inéluctable, mais sa nature était ainsi faite qu'il devait poursuivre son travail. Les chevaliers n'étaient pas reparus, le Seigneur N non plus. Il avait lu dans les journaux qu'une jeune personne, devenue Maître Pokemon, avait largement contribué à démembrer le réseau de la Team Plasma. Ses financeurs avaient cessé leurs activités, pourtant, les fonds nécessaires arrivaient toujours chaque mois. Pendant six mois, Erick avait travaillé d'arrache-pied, jusqu'à ce fameux jour où, tout animé, il avait sorti Absol de son rêve et, les yeux pétillants, lui avait montré le tube en verre à travers lequel luisait un liquide transparent.

- Tu vois ça, Absol ? Dit-il. C'est le fruit de longues années de recherches ! J'ai enfin pu obtenir le mélange adéquat, la bonne quantité de molécules, le dosage parfait ! Il seule goutte suffit pour que je me transforme en pokémon. Tu imagines ? Moi, un pokémon !

Absol était enthousiasmé par la joie de son maître, mais l'idée de voir Erick se transformer en pokémon sous ses yeux ne l'enchantait guère. Pourquoi les humains n'étaient-ils donc jamais heureux de ce qu'ils avaient ? La nature leur donnait des cheveux bruns, ils voulaient être blonds, on les faisait naître à Unys, ils auraient préféré Jotho et maintenant, son maître voulait devenir un pokémon, quelle idée ! Décidément, s'en était trop. Absol avait partagé bien des choses avec son maître mais là, il allait trop loin. Il se leva et tendit ses deux pattes avant vers le chercheur. Trop tard, celui-ci s'était déjà emparé d'une pipette et laissait tomber une unique goutte sur sa langue.

À partir de cet instant, la vie d'Absol et de son maître bascula.