Chapitre 1 : Les larmes d'une raichu.
Il faisait nuit. Recroquevillée sur moi-même, je dormais paisiblement, sans me soucier des bruits étranges de la forêt. La lune était pleine, elle éclairait la petite grotte où nous nous trouvions d'une lueur blafarde. Nuage, notre guérisseuse, disait que ça portait malheur de se faire éclairer par la pleine lune…
Soudain, un bruit anormal me réveilla en sursaut. Les autres pensionnaires de la caverne ne cillèrent même pas. J'essayais d'identifier le bruit…des pas : c'était des bruits de pas ! Visiblement, il y avait plusieurs pokémon, qui se déplaçait assez vite. Le bruit s'intensifiait au fur et à mesure. Une sueur froide se mit à couler le long de mon dos. Ça ne pouvait pas être quelqu'un de la tribu, nous ne sortions jamais la nuit, c'était formellement défendu.
Les pas se rapprochaient de notre grotte. Méfiante, je sortis le couteau d'os que m'avait offert mon père pour mes trois ans. Avec d'infinies précautions, je mis un pied hors de la grotte, puis l'autre et me suis mise à courir à toute allure, essayant de rester cachée derrière les fourrées pour ne pas me faire remarquer, comme si je chassais. Je distinguais à présent des silhouettes. Je m'apprêtais à donner l'alerte lorsque j'ai reconnu Menthe, un masko, une sacré langue de vipère, Nénuphar, une aquali aux grands yeux vert d'eau et mon père, un lucario robuste du nom de Crâne. Ils portaient chacun des baies et se dirigeait vers la pouponnière, la caverne à coté de celle des jeunes. Je ne sait pas pourquoi il faisaient ça, mais en tout cas il avaient désobéis et cela m'étonnait de la part de vétérans aguerris comme eux. Mais finalement, cela ressemblait plutôt à une mission, car notre chef, Arc-en-ciel, une jolie gardevoir, les attendait et ne semblait pas être surprise de les voir arriver. Je tendis l'oreille et j'arrivai à peu près à comprendre ce qu'ils se disaient :
« Alors, commença Arc-en-ciel, qu'avez-vous réussi à rapporter ?
Il déposèrent devant elle leur prises, il y en avait très peu. Et oui, les temps étaient durs pour nous. Depuis plusieurs semaines, la famine avait sévi et la tribu trouvait à peine de quoi se nourrir. Cela se voyait d'ailleurs à notre maigreur frappante, à nos côtes saillant sous notre pelage miteux et à notre regard plein de douleur. Il y avait déjà eu des morts, beaucoup trop de morts, dont Flocon, un givrali que j'admirais…Mais bon, il était trop tard à présent, on ne pouvais plus les ramener. « Il ne nous reste plus qu'a nous accrocher à ce qu'il nous reste et à nous battre » avait dit notre chef à la dernière réunion de la tribu (que j'avais écouté en cachette, les jeunes ne sont pas censés assister aux réunions, les adultes y parlent de choses trop sérieuses) et elle avait bien raison. Elle aussi avait frôlé la mort il y a quinze jours, heureusement que Nuage était là.
-Je vois, continua-t-elle en voyant le minuscule tas de nourriture à ses pieds, bon, c'est déjà mieux que rien.
-Nous avons fait tout ce que nous pouvions, lui dit mon père.
Menthe et Nénuphar approuvèrent ses paroles.
- Je le sais bien, répondit notre chef, c'est pour cela que je vous ai envoyé vous et pas d'autres.
-De toutes façons, envoyer qui d'autre?! Il ne reste que nous plus deux autres qui sont clouées à leurs grottes et qui vont bientôt crever! Lança Menthe. Ses mots tombèrent comme des coups de couteau.
Arc-en-ciel allait se mettre à pleurer si il redisait quelque chose du genre. Sa voix vacillait, on sentait qu'elle n'avait pas du tout apprécié la remarque du masko. Quelle cruauté, et quel culot de dire des trucs pareille à un supérieur qui fait tout pour que sa tribu aille le mieux possible en ces temps de crise !
-O-oui mais nous avons des jeunes! Et je compte commencer bientôt leur enseignement. Ils sont encore un peu petits, mais nous avons besoins d'eux.
J'ai souri. Ce qu'elle disait était grave, mais j'allais bientôt devenir jeune guerrière ! Je me sentais importante, tout d'un coup !
- Ça ne suffira pas, grommela Menthe.
Heureusement, Arc-en-ciel n'avait rien entendue, ou alors elle l'ignorait.
-Bon, il y a des choses plus urgentes, Lumière vous attends, prenez la nourriture et allez y ! »
Je commençais à comprendre le but de leur mission : Lumière était une raichu qui venait de mettre bas. Mais, malheureusement, avec la famine tout allait mal pour elle. Ses petits (ils étaient trois) avaient besoins de se nourrir, elle aussi d'ailleurs. Mon père, Menthe et Nénuphar devaient sans doute être allé lui chercher de la nourriture. Mais, si ils étaient partit la nuit, c'est que la situation devait être assez grave…
Et ils sont entrés dans la pouponnière. Je ne les entendait et ne les voyait plus.
-Zut, ai-je chuchoté.
Toujours sur mes gardes, je me suis approchée lentement de l'entrée de la grotte. A l'intérieur, il faisait une douce chaleur réconfortante, comme celle que l'on ressent quand on se blottit contre sa mère étant bébé. Une délicieuse odeur de lait chaud flottait dans l'air. Cela me rappelait mon enfance, lorsque je n'était encore qu'une toute jeune riolu, sortant à peine de l'œuf. C'était bien avant la famine, tout allait pour le mieux…Je ne pus m'empêcher de sourire en repensant à cela.
Je tordis le cou pour mieux voir à l'intérieur, quand un gémissement me parvint aux oreilles.
Je ne voyais pas d'où ça venait, ça m'énervait. Alors, j'ai eu une idée : j'ai frotté mes yeux pour qu'ils rougissent, je me suis décoiffée comme si je venait de sortir de mon sommeil. Je me suis avancée dans la caverne et j'ai baillé. J'allais faire comme si leur conversation nocturne m'avait réveillée et ainsi voir ce qui se passait sans me faire gronder ou punir. Crâne était seul, devant l'entrée de la chambre de Lumière.
« Mais qu'est ce que tu fais là, Désastre! S'est écrié mon père.
Et voilà. Vous connaissez mon nom à présent. Je ne vous l'ai pas dit car j'en ai honte. Désastre, Désastre la riolu. C'est comme si je m'appelais Monstre ou Horreur. Pourquoi je m'appelle ainsi ? C'est à cause d'une prophétie débile qu'a annoncée Nuage à ma naissance. Je m'en souviens encore un peu, il était question d'un humain qui nous sauvera (comme si un humain pouvait nous sauver) puis qui nous entraînera vers notre perte (ça, c'était déjà plus probable). Ce n'était pas nos parents qui choisissaient nos prénoms, c'est la guérisseuse, en fonction des événements qui se passent le jour de notre naissance. Par exemple, mon amie Pomme est née un jour d'automne où les pommes abondaient. Et puis moi…enfin vous comprenez…Depuis, j'en veux toujours un peu à Nuage pour ça, même si ce n'est pas entièrement sa faute.
-Vous m'avez réveillée à force de papoter comme ça, ai-je dit d'un ton endormi.
- As-tu entendu de quoi nous parlions, m'a-t-il demandé, inquiet.
-Non, ai-je menti, où sont les autres ?
-Derrière. Nous…nous rendons visite à Lumière.
-Ses petits vont bien ?
Il ne m'a pas répondu.
-Je peux venir la voir moi aussi ?
-Bon…je crois que je n'ai pas trop le choix. Mais pas de bruit, d'accord ?!
Nous sommes entré dans la partie de grotte où logeait Lumière. C'était un endroit sécurisant, avec agrippées aux parois des mur d'étranges plantes luminescentes qui diffusait une lueur tamisée. J'ai compris en voyant le visage de la raichu que c'était elle qui pleurait tout à l'heure : Elle avait les yeux bouffis et le visage trempé de larmes. Mais pourquoi pleurer ainsi ? La nourriture n'était elle pas à son goût ? Non, cela m'étonnerait qu'elle pleure pour ça! Elle tenait quelque chose entre ses pattes…Je me suis approchée pour voir de quoi il s'agissait, doucement, je me suis faufilée entre Menthe, Nénuphar et Arc-en-ciel, qui ne disait rien.Ils fixait le sol, le regard plein de tristesse, ils n'ont même pas réagi en me voyant. J'ai vu ce qu'elle tenait dans ses pattes. C'était un de ses enfants, Ciel, je crois, la plus petite de la portée. Je n'ai pas compris tout de suite, jusqu'à ce que je me rende compte que le corps de Ciel...le petit corps de pichu amaigri par la famine, était froid et sans vie, que ses paupières étaient closes. Encore une victime de la pénurie. Mourir si jeune, c'est horrible! Sous le choc, je me suis mise à pleurer à mon tour.