Elle.
Le ferry arrive au port de Carmin-sur-mer en début d'après-midi. Kaiminus à l'abri dans sa Pokéball, nous descendons sur le quai. David jette son sac sur son épaule. Nous prenons le chemin d'un petit village près de la mer. Il nous faudra quelques heures de marche pour l'atteindre. Je médite sur mon combat d'hier. Mon dresseur est songeur et ne pipe pas mot. Alors, je m'éloigne, histoire de chasser, et de combattre. Je fonce à travers le broussailles, courant après les Rattata, combattant les Sabelette.
Une heure et demie plus tard, nous sommes presque arrivés. Cependant, je suis sûr que quelque chose ne va pas. Je ne saurais dire pourquoi, mais il y a quelque chose de pas net dans le coin. Je dresse les oreilles et avance vers un amas rocheux. Des cris de détresse semblent parvenir à moi. Je file ventre à terre vers mon meilleur ami, afin de le prévenir de ma découverte.
«Houlà, tout doux mon vieux! Qu'est-ce que t'as?
J'aboie comme un forcené, convaincu qu'on passe à côté de quelque chose d'important.
-Désolé, je n'ai pas le temps de jouer maintenant.
Je me fige, interdit. Jouer? Comment peut-il croire que je veuille jouer dans un moment pareil? J'étais pourtant persuadé que nous nous connaissions très bien... Ah! Mais oui, j'ai oublié où nous allions. Tant pis! Ce n'est que partie remise. Patience.
Nous arrivons bientôt dans ce fichu village. A chaque pas, je me renfrogne un peu plus. David marche jusqu'à une maison plutôt belle, avec ses fenêtres fleuries, son jardin bien entretenu et ses murs beiges. Il appuie sur le bouton de la sonnette. Je me prépare. L'explosion ne ve pas tarder. Je recule de quelques pas (vous comprendrez vite pourquoi) et me couche, les pattes avant sur les oreilles. Soudain, la porte s'ouvre toute grande et une véritable furie se jette dans les bras de mon dresseur qui, sous le choc, recule lui aussi (la première fois que c'est arrivé, j'étais juste derrière lui, et ma patte avant droite garde un souvenir cuisant de son écrabouillement...). Elle pousse de véritables cris de joie. Et puis, ils s'embrassent et ça s'arrête. Tiens, ça va être pour moi...
-Où est Malosse?
-Derrière moi. Il boude je crois.
La jeune femme se penche vers moi. Je la regarde sans une once d'affection. Elle me caresse la tête en me murmurant des gouzi-gouzi débiles et incompréhensibles. David ne nous quitte pas des yeux. Elle se décide à me prendre dans ses bras et me serre. Il faut dire qu'elle m'aime bien. Moi je ne la supporte pas. Mon dresseur vole à mon secours.
-C'est bon Laura, tu l'étouffes.
Elle me lâche enfin. Je renifle mon pelage. Bêrk! Il empeste le parfum. Eau de Roselia, je crois. Je me mets sur le dos et me roule dans la poussière pour dissiper cette excécrable odeur. Elle ne l'a pas remarqué. David si. Elle nous précède à l'intérieur. Mon ami me jette un regard oblique et me murmure un reproche.
-Jaloux, va!
Je souffle d'un air dédaigneux et le suit dans la maison. Comme d'habitude, elle est bien entretenue. Les murs tapissés de couleurs pastelles sont décorés de tableaux et de photos de Pokémon et d'humains. Le parquet impeccablement ciré est recouvert par endroit de tapis moelleux bleus, jaunes ou roses. Nous nous rendons au salon. Le canapé confortable en cuir noir est occupé par la seconde personne que je craignais de rencontrer : le Persian de Laura. Ce dernier m'aperçois, se lève et se dirige vers moi. Il se frotte à moi en ronronnant. Non pas qu'il soit désagréable. Il est sympathique, au contraire, mais un brin trop collant.
-Comment vas-tu, mon pote?
-Moyennement bien. Et je ne suis pas ton pote.
Rabroué, il s'asseoit et m'observe.
-Toujours aussi sympa.
-Et toi, t'es toujours aussi chiant.
Il hausse les épaules et retourne se lover sur le sofa, aux côtés des amoureux enlacés. Gouarg! Rien qu'en pensant à ce mot, je suis pris de nausées. Je me couche sur le tapis et me met à somnoler. David montre à Laura mon ami Kaiminus. Le pauvre... Il va lui aussi avoir droit à sa part de mots idiots...
-Qui c'est le plus mignon des Pokémon eau? Hein, c'est qui? Oui, c'est toi...
Tiens, qu'est-ce que je disais... Persian m'observe. Ca m'agace. Je déteste qu'on fasse ça, surtout quand je dors. Je lui tourne le dos, bien décidé à dormir un peu.
Deux ou trois heures plus tard, je me réveille, prêt à repartir en mission. Et mon dresseur a intérêt à l'être aussi. J'ai la Flammèche facile quand je suis énervé... Je me redresse et regarde autour de moi. Personne. Mon coéquipier s'avance vers moi. Je souris d'un air moqueur.
-Alors, t'as fait la connaissance du monstre?
-T'exagères, elle est plutôt gentille...
Je lève les yeux au ciel. Suis-je donc le seul à la voir telle qu'elle est?
-Où sont-ils?
-Au jardin. Ils boivent un cocktail.
Nous nous dirigeons ensemble vers la porte arrière. Effectivement, tous deux sont en tête-à-tête, assis dans le salon de jardin de la jeune femme, sirotant des boissons fraîches. Persian est couché à côté de sa dresseuse. David sourit en me voyant arriver.
-Tiens, voilà monsieur Mauvais Caractère.
Je saute sur ses genoux et mords dans le col de sa chemise. Je le tire fermement. Il me repousse, mais j'aboie, histoire de lui faire comprendre que ce n'est plus le moment de roucouler. Il a l'air de comprendre.
-Tu as trouvé quelque chose d'important?
Enfin! Je me fige, une patte en l'air, prêt à courir. Il se lève, caresse doucement l'épaule de Laura et s'excuse.
-Désolé mon ange, le devoir m'appelle.
Bon, ça vient oui? Elle lui prend la main.
-Je comprends. Merci d'être passé.
Il lui sourit.
-On se revoit bientôt.
Nous retraversons côte à côte le jardin puis la maison. Mon dresseur jette de fréquents regards en arrière. Moi pas un seul. Kaiminus ne sait pas s'il doit être content pour moi ou triste pour David. J'entends alors quelqu'un nous courir après.
-David!!
Il se retourne et la prends dans ses bras. Pitié, ça se finira donc jamais?
-Laura, qu'est-ce que...?
-Je viens avec toi. »
Ces derniers mots me glacent d'horreur.