Pénitence.
« Aidez-moi ! Je vous en supplie, aidez-moi... »
Le corps inerte flottait dans les airs. Une étrange aura l'entourait. Au-dessus, une auréole de fumée blanche venait de se dessiner. La carapace, couleur or, brillait de mille feux sous le soleil. De nombreux dresseurs et curieux s'étaient regroupés autour de ce corps. Un homme, élégamment habillé, se tenait près de celui-ci. Il avait une fière posture, montrant sans modestie la créature flottante. La foule était en extase, jamais ils n'avaient vu un tel être ! Était-ce bien un Pokémon ? Certains en doutaient mais d'autres semblaient complètement pendu aux lèvres du gentleman qui racontait, non sans mentir un peu, comment il avait obtenu cette « chose ». Oui, ce n'était pour lui rien de plus qu'une bête de foire qui lui rapportait gros. Après avoir suffisamment escroqué son monde, l'homme partit avec la créature, la rappelant dans sa Poké Ball.
« Hé hé, tu es complètement inutile en combat mais tu me fais rapporter gros ! »
L'homme était assis sur une chaise, lançant dans les airs la Poké Ball contenant le Pokémon inanimée. Oui, elle lui rapportait beaucoup mais, cette bête l'intriguait. Il arrêta son petit jeu, prenant un air sérieux en fixant la Poké Ball. Finalement, il la posa sur la table, s'étira puis alla se coucher.
« Pourquoi ne m'aidez-vous pas ? Ne suis-je pas votre ami ? Je vous en supplie, aidez-moi !! »
Le jour venait de se lever, une nouvelle journée commençait. L'homme se leva, baîllant aux corneilles. Il se gratta la tête, puis se dirigea vers la salle de bain. Après quelques minutes, il alla à sa cuisine, passant devant la table où était posée sa Poké Ball. D'ailleurs, il ne put s'empêcher de s'arrêter devant celle-ci, pensant à la créature qui somnolait à l'intérieur. Il était vraiment intrigué. Après cette courte pause, il reprit ce qu'il était en train de faire. Il enfila ensuite sa veste de gentleman, s'empara de la Poké Ball, et quitta son petit appartement pour se rendre à son « travail ». Oui, il considérait ça comme un véritable boulot. Il sortit la bête de sa Poké Ball, attirant toujours plus de foule. Il aimait l'argent et il ne le cachait pas ! Et puis de nos jours, qui n'était pas attiré par la richesse ?
Aujourd'hui, tout se passa comme hier, à une exception près : une femme d'une quarantaine d'année était venue le voir, criant que ce Pokémon était maudit et que s'il ne s'en débarrassait pas, il allait mourir comme tous les autres. Les gens avaient pris peur sur le coup et la foule s'était dissipée mais les affaires avaient repris très vite.
Le Pokémon inerte intriguait. Une part de mystère planait autour de lui. Comment ce Pokémon était arrivé sur cette Terre ? Même cet homme ne le savait pas. Ce Pokémon ne lui appartenait pas vraiment... Il avait trouvé sa Poké Ball dans une ruelle sombre, abandonnée. Recherchant la gloire d'un dresseur de Pokémon, il s'était rué dessus sans savoir que celui-ci était inutile. Mais il s'était bien consolé : s'il ne pouvait pas avoir la gloire, il aurait la fortune.
Les gens autour du Pokémon se posaient mille questions. L'homme passait dans les rangs, faisant l'aumône. Les âmes charitables et les assoiffés de connaissance donnaient quelques pièces. Au début, il avait trouvé cela horrible et honteux mais avec le temps, il avait fini par prendre l'habitude de présenter son haut-de-forme pour accueillir les pièces des passants. Autour du Pokémon, tout était mouvementé. Des cris de stupeur, d'admiration, de surprise... A la fin de la journée, l'homme rentra et fit ses comptes, la Poké Ball posée sur la table.
« Eh bien, ce fut une bonne journée aujourd'hui ! Demain, j'espère que ce sera pareil ! Si ça continue comme ça, je vais devenir riche ! Hahaha ! »
Il posa ses feuilles et son crayon puis prit la Ball dans ses mains, la regardant tout en se balançant sur la chaise. Depuis combien de temps était-elle en sa possession ? Un mois, peut-être deux... Et que savait-il de ce Pokémon ? Rien. Il soupira, posa la Poké Ball puis passa sa main sur son visage. Il ne pouvait décrocher ses yeux de la sphère rouge et blanche. Il voulait en savoir plus. Enfin, il se leva, s'étirant de tout son long et alla se coucher.
Cette nuit fut dure. Il n'arrêtait pas de faire le même cauchemar : il déambulait dans une rue sombre, la vue brouillée. Une silhouette se dessinait au loin puis après... Il avait cette sensation d'écartèlement, que son corps se brisait intérieurement dans une souffrance inexprimable. S'ensuivit le noir absolu. Il y avait aussi cette voix mystérieuse qui ne cessait de répéter : « Aidez-moi... »
Quand il se réveilla le lendemain, il fut comme traumatisé. Il alla d'un bond vérifier si sa porte d'entrée était bien verrouillée, suant à grosses gouttes. Sous ses yeux, de grandes cernes noires s'étaient dessinées. Il semblait paniqué, sombrant peu à peu dans la folie. Il s'approcha de la table où était posée la Poké Ball. Il la saisit et s'enferma dans sa chambre. Assis sur le lit, la tête cachée entre ses genoux, il se marmonnait des paroles à lui-même. Les volets étaient restés fermés et la Poké Ball avait été posée sur le lit. L'homme releva sa tête, révélant un visage déformé par la folie. Il fit sortir le Pokémon, ne cessant pas de l'observer. Le corps inerte de la bête flottait dans les airs, une auréole de fumée blanche se dessinant au-dessus de celui-ci. L'homme prit violemment le Pokémon, se mit à le secouer tout aussi sauvagement. Il n'était plus dans son état normal, c'était chose sûre. Un rire sadique retenti dans tout l'appartement suivit de cris et de coup contre les murs. L'homme frappait désormais la pauvre créature sans défense contre les parois de sa chambre, criant des choses incompréhensibles.
Soudain, il se calma et observa le Pokémon : celui-ci n'avait aucune écorchure, sa carapace était aussi dure que le métal le plus résistant. L'homme fit alors ce qui le démangeait depuis qu'il avait le Pokémon en sa possession. Il retourna la bête et regarda dans le trou béant de la carapace du Pokémon. A l'intérieur, il n'y avait rien, le vide infini. Pourtant... Des cris stridents lui secouèrent les tympans. Il lâcha le Pokémon et se mit à tenir sa tête dans ses mains. Les cris persistaient. Il se mit à crier à son tour, de douleur. Il se frappa plusieurs fois la tête contre le mur, s'arrachait les cheveux.
Cette douleur était insoutenable. Le corps du Pokémon était toujours aussi immobile mais la fumée auparavant d'un blanc des plus purs venait de devenir aussi sombre que le charbon. L'homme sentit que son corps se brisait de l'intérieur. Il avait déjà ressenti ça et cela n'amplifiait que plus sa panique. Il courait dans tous les sens, criant toujours plus fort. Puis, ses côtes sortirent violemment de son torse, mettant un terme à ses souffrances. Une immense flaque de sang dégoulinait du corps désormais sans vie. Le Pokémon était entaché du sang de cet homme qui l'avait réduit à l'esclavage. Une voix tremblante eut peine à se faire entendre :
« Pourquoi ne m'avez-vous pas aidé ? N'étais-je pas votre ami ? Aidez-moi... »
Deux jours plus tard, averti par les odeurs nauséabondes qui se dégageaient de l'appartement, le corps de l'homme fut découvert ainsi que celui du Pokémon immobile. Les causes du décès étaient inconnues et les médecins légistes peinaient à les trouver. Le Pokémon fut envoyé dans un refuge, attendant la venue de quelqu'un qui voudrait bien de lui. Cela ne tarda pas et déjà devant la grille se tenait une petite fille qui semblait fortement attirée par l'étrange être. Celle-ci sourit, demandant à ses parents de choisir celui-ci.
Cela devait faire un mois, peut-être deux, que le Pokémon était en la possession de la petite fille. Elle jouait avec lui, souriait. Elle s'en occupait avec tendresse sans rien attendre en retour. Elle aimait son Pokémon.
« Mon petit Pokémon, je te promets que nous serons toujours ensemble ! »
Elle le prit dans ses bras, le faisant tournoyer dans les airs. Accidentellement, elle posa ses yeux sur le trou béant de la carapace du Pokémon. Intriguée, elle observa avec plus d'attention. C'est alors que tout recommença : les cris, la douleur et la sentence. La fumée ténébreuse entourait le petit corps de la fillette. Le sang dégoulinait sur la carapace du Pokémon.
« Pourquoi ? Pourquoi est-ce que personne ne m'aide ? AIDEZ-MOI ! »
« Rapport du professeur A. sur le Pokémon Munja: Ce Pokémon rare est en fait la partie corrompue de l'âme du Ningale. Lorsque celui-ci évolue, l'âme se divise en deux parties. La partie corrompue par des sentiments de haine, de colère ou de vengeance est alors enfermée dans un nouveau corps, créant ainsi Munja. L'âme en peine de ce Pokémon cherche alors la rédemption au milieu des ténèbres.
Les observations démontrent que l'âme emprisonnée du Munja cherche à rejoindre son autre partie, demandant de l'aide à ses possesseurs. Ces appels au secours sont imperceptibles, seules des machines développées permettent cette affirmation.
L'orifice béant se trouvant sur le dos de la carapace du Pokémon est celui qui permet d'enfermer l'âme corrompue lors de l'évolution. Plus l'âme est salie par les péchés, plus l'orifice est grand. Il est impossible à l'âme enfermée de ressortir par celui-ci. Il est à noter aussi que celui qui posera son regard sur cette ouverture endurera une souffrance des plus atroces, la douleur infligée dépendant de la souffrance endurée par l'âme du Munja elle-même, et sera dépossédée de son âme. Celle-ci rejoindrait l'âme en peine du Munja dans les ténèbres.
Selon une vieille légende, la carapace de Munja contiendrait les Enfers, les âmes des victimes du Pokémon errant sans but dans les profondeurs du Tartare. Sauver l'âme d'un Munja est impossible, celui-ci étant voué à subir les pires souffrances tout au long de son existence. »