2. Passager clandestin.
• Sévy •
Ouf, il s'était endormi, nous pouvions l'emmener tranquillement vers les Pokémon Island. J'avais eu très peur que la berceuse de mon Pokémon ne soit pas efficace sur les habitants de la planète Terre. Je nous en voulais un peu, à mon amie et à moi d'avoir agi de cette façon là, d'avoir utilisé la manière forte. A cause de l'expression horrifiée d'Eliott, qui restait gravée dans ma tête. Mais, si vous réfléchissez bien, il n'y avait pas vraiment autre chose à faire. Qu'auriez-vous préféré ? Que nous nous dirigions tranquillement vers lui et nous exclamions en chœur : « Bonjour, nous sommes des entraîneuses de Maîtres Pokémon ! Nous vivons dans un monde parallèle et nous sommes venus te chercher pour que tu deviennes le futur Maître. Mais bien sûr, on ne veut pas te brusquer ! Alors, tu viens ? ». Il aurait pris ses jambes à son cou, et la mission aurait été un échec total.
« Eliott Johnson. Treize ans et demi. Futur Maître. Entraîneuses : Agents M. et S. »
C'était marqué sur la fiche pleine de plis que je tenais dans mes mains. Mon amie Mély, et moi, depuis notre plus jeune âge, avions nous même été initiées dans le but d'entraîner Eliott.
Ce dernier venait tout juste de s'endormir. Je le laissais respirer un peu et dégageait mon étreinte, en restant sur mes gardes néanmoins. Qui sait combien de temps la berceuse ferait effet ? Je fis rentrer ma Spinda dans sa Pokéball, un sourire en guise de remerciement. Puis ce fut au tour de ma Dracaufeu de jouer. Cette dernière ne faisait d'ordinaire pas partie de mon équipe, c'était la mère de Katara, ma chétive Reptincel. Néanmoins, j'avais eu besoin d'elle cette nuit là pour traverser le portail. Je saisis une autre Pokéball, tandis que Mély tendait toujours le collier devant elle.
-Il va falloir se dépêcher, fit-elle en me regardant. J'ai peur que le portail se referme.
Dans un éclair rouge, ma dragonne apparût dans la pièce, sans faire trop de bruit. Elle était si grande, si imposante, dans cette toute petite chambre. La Dracaufeu n'aimait pas les espaces confinés. Elle se pencha dans ma direction, me fit signe de charger Eliott sur son dos, comme pour dire : « Qu'on en finisse et vite ! ». Je lui tapotais la tête rapidement. Une fois le blondinet sur le dos du dragon, Mély embarqua, et je grimpais sur le cou de la Dracaufeu. Je saisis les rênes que je lui avais auparavant accrochées, et qu'elle avait l'air de ne pas trop apprécier. Il était temps de décoller.
-Hop hop, murmurais-je.
C'était une sorte de mot de passe. Cela peut paraître ridicule, mais c'est plutôt pratique, si jamais quelqu'un décide de s'enfuir sur le dos de mon dragon. Cette dernière ne prenait son envol que lorsque l'on disait « Hop hop ». Un peu comme « Yah », pour les chevaux. Alors, la Dracaufeu pris appui sur ses quatre pattes et déploya ses ailes, qui allèrent cogner contre une étagère, et firent tomber quelques livres poussiéreux au sol. Puis elle fonça vers le portail et nous plongeâmes à l'intérieur.
Ah, les portails. Ces passages sont si vastes, étrangement relaxants. En fait, ils ressemblent à des tunnels où des tonnes d'eau tourbillonnent autour de nous. La traversée d'un passage va de cinq à dix minutes. Cela dépend de l'endroit qu'il faut rejoindre exactement. En l'occurrence, nous rejoignons l'une des chambres d'un centre Pokémon. J'étais perdue dans les méandres de mes pensées, bien accrochée aux rênes, lorsque j'entendis Mély pousser un cri d'exclamation.
-Mais qu'est-ce que tu fais là, toi ?
J'eus un coup au cœur. Que se passait-il ? Je posais cette question à Mély, qui me répondit par un signe de tête en direction de la queue de mon dragon. Une fillette blonde s'y agrippait de toutes ses forces.
Je ne pouvais pas le croire. La mission se serait déroulée sans encombre, si nous n'avions pas embarquée cette petite fille ! Nous avions pour ordre de ramener Eliott. Pas sa sœur, ou sa cousine, ou je ne sais quoi en prime. J'interrogeais Mély du regard.
-Qu'est-ce qu'on fait ? questionnai-je.
-Et bien, ce qui est sûr, c'est qu'on ne va pas la larguer dans le tunnel. Donc soit on la garde avec nous, soit on retourne la déposer chez elle.
Je contemplais le visage terrifié de la petite fille. Elle était vraiment adorable, avec ses yeux bleus, et ses longs cheveux blonds. C'était le portrait craché d'Eliott, en fille.
-Tu crois qu'elle représente un danger pour la mission ? interrogeais-je avec un soupçon de compassion dans la voix.
Mély avait l'air bien embarrassée. Mais apparemment, elle devait penser la même chose que moi au sujet de la petite fille, parce que je l'entendis déclarer :
-OK, on la prend avec nous.
Puis elle la fit grimper sur le dos du dragon, et la blondinette se précipita vers Eliott.
-Ne t'en fait pas, il va bientôt se réveiller, expliquais-je.
Je n'étais pas franchement rassurée à l'idée d'embarquer cette petite, mais je me serais sentie coupable de la séparer de son grand-frère/cousin/autre. Nous arrivâmes vers le bout du tunnel. Alors la progression fût plus ardue, comme si nous avancions au ralenti. Typique des sorties d'un monde à un autre. Ma Dracaufeu poussa de toutes ses forces sur ses ailes, et enfin, dans un ultime élan, nous parvînmes de l'autre côté.
L'atterrissage ne se fit pas vraiment en douceur. La dragonne stoppa net sa course, et tous les passagers volèrent au travers de la pièce dans laquelle nous étions arrivés. Quand je me relevai, je vis Mély se frotter la tête, Eliott toujours endormi, la petite fille à ses côtés en train de se tapoter l'arrière train parce qu'elle avait apparemment atterri dessus, et la Dracaufeu, fière d'avoir provoqué un tel désordre. Je lui assenais un regard lourd de reproches et la fit aussitôt rentrer dans sa Pokéball.
Comme prévu, nous étions dans la chambre du Centre Pokémon que nous avions quitté une journée auparavant, pour atteindre le monde des humains. Cette chambre était vraiment toute simple, décorée avec goût. Bref, une chambre d'hôtel, quoi. Nous étions environ au troisième étage. Pas de risque qu'Eliott décide de s'enfuir par la fenêtre. A moins qu'il soit suicidaire. Tandis que Mély s'occupait d'allonger Eliott sur le lit, je me dirigeais vers la petite fille qui s'était tapie dans un coin de la pièce. Je lui adressais un joyeux bonjour, espérant la rassurer un peu.
-B…Bonjour, murmura-t-elle timidement.
Puis elle se mit à s'affoler :
-Vous lui avez fait quoi à mon grand-frère ? Il va bien ? Et on est où là ? Est-ce que y'a des Barbie ici ?
-Ola, ola, ola. Doucement, une question à la fois, d'accord ? fis-je, avec calme. Pour commencer, ton grand-frère fait simplement dodo, pour l'instant. Il va très bien, et il se réveillera dans peu de temps. Ici, nous sommes dans…disons, dans un autre monde (elle pâlit), et, bien sûr, il y a des Barbie, ici aussi.
J'agrémentais mes paroles d'un sourire, mais je ne pense pas que cela aie changé grand-chose. Mély vint à mon aide. Elle s'accroupit comme moi pour être à la hauteur de la petite fille.
-Tu sais, très bientôt, ton grand frère va se réveiller, chuchota Mély. Et là, on vous expliquera vraiment tout, d'accord ?
-D…d'accord.
-Comment t'appelles-tu ma belle ? interrogeai-je.
-Mila, et j'ai cinq ans.
Ca devait être une manie, chez les petits, de donner leur âge en même temps que leur prénom, parce que ce n'était pas la première fois que j'entendais ça.
-Et bien Mila, tu aimes les chamallows ?
Mila acquiesça. C'était moi qui avais parlé. Voyez-vous, Mozart, ma Spinda qui m'a tout à l'heure aidée à endormir Eliott, a une passion pour ces bonbons moelleux, et en cache toujours dans sa fourrure toute douce. Je fis alors sortir Mozart de sa Pokéball (pour la seconde fois de la journée). Le petit panda alla directement se blottir contre la fillette, qui se mit à glousser.
-Il faut que tu cherches les chamallows dans sa fourrure, fit Mély avec entrain.
Puis nous la laissâmes s'amuser avec mon Pokémon.
Eliott était toujours étendu sur le lit. La fillette poursuivait inlassablement son petit jeu, tandis que Mély et moi attendions nerveusement le réveil d'Eliott. J'observais incessamment ses paupières recouvertes par endroit par quelques mèches blondes, et attendais le moment où elles s'ouvriraient sur ses prunelles bleues. J'imaginais ces dernières affolées, fixées sur nous, lorsqu'Eliott poussa un gémissement. Mély et moi nous rapprochâmes. Ses paupières vibraient légèrement, signe qu'il n'allait pas tarder à s'éveiller. Le stress monta d'un seul coup. J'échangeais un regard entendu avec mon amie : il fallait que l'on garde notre sang froid pour expliquer la situation au futur maître.