La Rose Solitaire de Ikaros XIII

Lyra était un Roserade à première vue tout à fait ordinaire. D'un peu moins d'un mètre de haut, elle reposait sur d'élégantes jambes fines et pointues, offrant tout juste assez de stabilité pour qu'elle ne perdît pas l'équilibre. Ses jambes étaient d'un vert clair, comme des petits pois, et sa peau d'une douceur et d'une fraîcheur indescriptibles. Ses jambes se rejoignaient sur un abdomen musclé, soutenant un buste imposant, d'un vert gazon plus prononcé que le précédent. Ses bras étaient à nouveau plus clairs, tout aussi fins que ses jambes d'ailleurs, et parfaitement articulés. Ils se terminaient chacun par une rose épanouie, aux pétales rouges sur le bras droit, bleus sur le bras gauche. Sur son cou, elle portait un collier jaune comme le maïs, auquel était attaché une longue cape verte qui lui descendait jusqu'au chevilles. Sa tête était formée d'une grande rose blanche ; son visage néanmoins était vert, recouvert d'une feuille qui lui masquait élégamment le visage à la manière d'un loup. Ses deux yeux étaient d'un rouge vif et pénétrant, synonyme à la fois de grâce et de dangerosité.

On observait sur les pétales blancs qui recouvraient sa tête quelques taches rougeâtres, déjà à moitié effacées. Sa cape avait était entaillée verticalement sur son côté gauche, probablement par une griffe. Sur son visage, aucun sourire. Plutôt un signe de colère, de douleur même. A force de nuits sans sommeil, des cernes s'étaient gravées sous ses yeux. Hélas, cette nuit ne dérogerait pas à la règle.

Lyra s'était reculée, loin des tumultes de la ville, loin de l'horrible humanité, loin de tout autre Pokémon même, au cœur d'une forêt de mélèzes, qui commençaient à perdre leurs aiguilles sous le souffle insistant de l'automne. C'était une nuit de nouvelle lune : la lumière de l'astre nocturne ne l'incommoderait donc pas ce soir. Toutes les conditions semblaient réunies pour qu'elle puisse dormir paisiblement. Et pourtant…

***
Lyra avait fermé ses paupières. Elle sentait sa respiration ralentir, son corps se détendre. Le calme environnant aidant, elle s'endormit assez facilement. Elle sombra progressivement dans un sommeil d'abord paisible et apaisant, mais fut bientôt tourmentée par d'horribles cauchemars. Ce n'était là pas le pur fruit d'une imagination quelque peu trop extravagante, non, mais plutôt la résurgence toujours aussi douloureuse de souvenirs ancrés profondément quelque part dans sa mémoire, bien malgré elle d'ailleurs.

Chaque nuit, elle revivait en rêve la même scène : elle se retrouvait enfermée dans une cage de fer rouillé. Elle n'était encore qu'un petit Rozbouton. Sa mère, un Roselia d'une élégance remarquable, et son père, un Roserade plutôt robuste, étaient eux aussi enfermés dans des cages semblables, juste à côté d'elle, le corps couvert d'ecchymoses. Un peu plus loin étaient entreposées d'autres cages, renfermant d'autres Pokémon : un Roucoups, un Rattatac, un Rapasdepic et un Scarabrute. Eux aussi étaient dans un piteux état. Toutes les cages étaient posées devant une petite maison forestière, perdue dans les bois. Deux fusils et plusieurs pièges étaient entreposés non loin, près d'un 4x4 vert kaki. Le soleil se couchait doucement, lorsque l'un des braconniers qui les avaient attrapés sortit de la maison. Lyra sentait la peur qui l'envahissait petit à petit ; ses parents la regardèrent un instant, puis tentèrent ensemble de lancer une attaque Feuillemagik afin de protéger leur fille. Les feuilles multicolores jaillirent des leurs paumes en forme de roses, s'envolèrent en direction de l'humain, mais s'abattirent à mi-chemin sur le sol. Les parents de Lyra étaient à bout de forces, si bien qu'ils n'avaient même pas la force de poursuivre leur attaque.

- Alors comme ça on essaie de sauver son petit ? fit le braconnier d'un ton moqueur.

L'homme sortit une Pokéball de sa poche. Il la jeta en l'air et un Spectrum en sortit.

- Spectrum, attaque Léchouille ! ordonna-t-il.

Le Pokémon obtempéra et Lyra vit ses parents s'écrouler tour à tour après avoir été frappés par la langue de cet horrible fantôme. Elle aurait bien aimé prendre leur défense, mais elle n'était pas de taille face à un tel adversaire.

- Voilà qui t'apprendra, vermine ! s'exclama l'homme.

Le chasseur retourna à l'intérieur. La nuit fut longue pour Lyra, qui n'arrivait pas à fermer un œil. Ses parents gisaient inconscients à côté d'elle, et elle n'avait rien pu faire pour les protéger. Elle fondit en larmes, et pleura jusqu'au matin. A l'aube, les deux braconniers sortirent de leur demeure, le premier accompagné du Spectrum, l'autre d'un Granbull. Ils commencèrent à ranger les cages une à une dans leur véhicule. Soudain, alors qu'il ne restait plus que Lyra et ses parents, une sirène se mit à retentir. Le son se rapprochait de la maison des braconniers. L'un d'eux laissa échapper un juron.

- Les flics ! Tirons-nous vite de là !

Lyra ne comprenait pas ce qu'ils se disaient, mais elle remarqua leur panique. Ils virent les trois cages restantes.

- Laisse tomber le petit, il ne nous rapportera pas grand-chose. Prend les deux autres à la place, lança le propriétaire du Granbull à son complice.

Les deux hommes embarquèrent les parents de Lyra sous ses yeux. Ils montèrent dans le 4x4. Juste avant leur départ, le Granbull fonça avec son attaque Coup D'Boule sur la cage de Lyra, qui se renversa et s'ouvrit sous le choc. Le Granbull rejoignit son maître. La voiture s'éloignait rapidement. Lyra tenta de suivre ses parents, mais elle ne courait pas assez vite. Elle restait seule, figée, et pleurait. Elle vit ensuite quelques motos passer en peloton, avec gyrophares et sirènes, partant à la poursuite du 4x4. Lyra s'écroulait, abattue par la douleur que lui causait la perte de ses parents.

***
C'était toujours à ce moment-là que Lyra se réveillait, haletante et transie. A partir de cet instant, elle n'arrivait plus à dormir, mais se remettait à pleurer pendant de longues heures…