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Le prince des mers et autres contes [Livre d'histoires] de Silver_lugia



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Informations

» Auteur : Silver_lugia - Voir le profil
» Créé le 04/10/2009 à 12:05
» Dernière mise à jour le 28/12/2009 à 15:34

» Mots-clés :   Absence de poké balls   One-shot   Présence de transformations ou de change

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Feu de Joie
Feu de Joie était assis et contemplait l'eau. Une cascade, venant de l'Extérieur, tombait en gerbes d'écume dans l'eau, formant des ronds qui s'étendaient en disparaissant. L'endroit était calme et apaisant et le jeune évoli aimait contempler ce spectacle pour oublier ses soucis. Derrière lui, deux jolies petites femelles sortirent des fourrés. Eau Vive, sa soeur, regarda Feu de Joie.

« Tu ne t'entraînes pas avec Brasier Ardent aujourd'hui ?
- Non, je n'aime pas ça, et Père est parti en expédition pour la journée, alors il ne pourra pas m'y forcer.
- Tu ne deviendras jamais un pyroli digne de ce nom si tu ne t'entraînes pas, objecta son autre soeur, Verte Feuille.
- Tu sais bien que ce n'est pas ce que je veux devenir... soupira Feu de Joie.
- Tu veux devenir un aquali, comme Eau Vive, compléta sa soeur. Je sais. Mais tu n'as pas vraiment le choix. Tant qu'à devenir un pyroli, essaie d'en être un dont la Tribu puisse être fière.
- Verte Feuille, laisse-le un peu tranquille ! la réprimanda Eau Vive. Feu de Joie, tu veux me regarder m'entraîner ?
- Avec plaisir », acquiesça celui-ci.

Eau Vive entra dans le lac. Un frisson lui parcourut d'abord les membres, mais elle continua d'avancer, faisant fi de la température de l'eau. Lorsqu'elle fut immergée jusqu'aux épaules, elle effectua de petits mouvements avec les pattes, pour s'échauffer. Puis elle avança en faisant onduler ses épaules et ses pattes arrières, se dirigeant avec sa queue. Elle avait une grâce inouïe. Feu de Joie retenait son souffle, émerveillé. Enfin, Eau Vive sortit de l'eau et s'ébroua, trempant de minuscules perles aquatiques et scintillantes la fourrure de ses frères et soeurs.

« Tu as fait des progrès ! s'écria Feu de joie.
- Merci... rougit sa soeur. Mais il fait encore que je perfectionne ma technique, ce n'est pas encore parfait.
- La perfection ? s'écria Verte Feuille. Arrête de raconter des bêtises, tu l'as déjà atteinte depuis longtemps ! Le soleil est à son zénith, il va être l'heure de manger. Mère doit déjà nous attendre. Tu viens, Feu de joie ?
- Allez-y. Je vous rejoins.
- Mère ne vas pas apprécier... grimaça Verte Feuille avant de disparaître dans les fourrés.
- À tout à l'heure, Feu de Joie ! » lança Eau Vive par-dessus son épaule avant d'emboîter le pas à sa soeur.

Feu de Joie soupira et se rassit. Le soleil à son zénith, perçant un ciel sans nuages, faisait scintiller l'eau et colorait l'écume qui s'échappait de la cascade. Le spectacle était magnifique. Feu de Joie poussa un nouveau soupir et partit à la suite de ses soeurs.
Feu de Joie était issu d'une fratrie de quatre évolis, deux mâles et deux femelles. Lui et Brasier Ardent, les deux mâles, avaient été destinés par Oracle, le plus vieux mentali de la tribu, à devenir des pyrolis. Eau Vive allait devenir une magnifique aquali tandis que Verte Feuille évoluerait en phyllali. Leur mère était une aquali et leur père un voltali. Père, bien qu'il ne soit pas un pyroli, aimait entraîner ses deux fils. C'était un membre important de la Tribu, respecté de tous, et il passait beaucoup de temps à la chasse et à la cueillette. Mère, elle, était d'un tempérament sévère. Elle était de mauvaise humeur depuis qu'elle avait dû emménager dans la grotte et espérait que ses enfants évolueraient vite pour pouvoir retourner vivre derrière la cascade, c'est pourquoi elle insistait pour que ses enfants s'entraînent tous les jours.
Feu de Joie s'engouffra dans les fougères. Elles lui fouettèrent les flancs mais il n'y prêta pas attention. Il traversa la forêt pour déboucher devant les grottes. Devant l'entrée de la sienne l'attendait, l'air sévère, sa mère.

« Feu de Joie ! lui cria-t-elle. Le soleil est déjà à son zénith depuis longtemps ! Tu pourrais faire un peu attention. Arrête d'être sans cesse dans la lune, d'accord ?
- Pardon, Mère... murmura Feu de Joie, la tête basse.
- S'il m'était poussé une plume à chacune de tes excuses, je volerais depuis longtemps ! Allez, va manger ! Enfin, s'il reste du rattata. Les autres ne t'ont pas attendu. »

Feu de Joie, tête baissée, entra dans la caverne. La fraîcheur qui y régnait lui fit tout de suite du bien. Verte Feuille et Brasier Ardent avaient fini de manger et s'étiraient, repus. Brasier Ardent se roula en boule en Verte Feuille sortit, allant probablement s'entraîner dans la forêt. Eau Vive, elle, était penchée sur ce qui avait été un rattata.

« Tiens, Feu de Joie, je t'ai laissé une part !
- Oh, merci... murmura l'intéressé. Tu n'aurais pas dû.
- Mais si ! Je ne veux pas que mon frère ait des crampes à l'estomac toute la journée ! »

Eau Vive était décidément très gentille avec son frère. Il avait de la chance de l'avoir. Il s'installa à côté d'elle et entama goulûment sa part de rattata.

« Tu chais, reprit Eau Vive, la bouche pleine, j'ai entendu dire que les chacheurs avaient repéré toute une cohonie de fouinettes et de fouinars. On va che régaler ! »

Feu de Joie éclata de rire. Sa soeur était décidément un ventre à pattes.

Le Coin de Paradis, niché dans une cuvette, était divisé en cinq secteurs. Une pinède trop dense pour être franchissable marquait et cachait la limite du territoire des évolis. On ne pouvait pas la contourner car elle était entourée de falaises de part et d'autre. La seule façon d'accéder au Coin de Paradis était un tunnel, dont l'entrée était masquée par un buisson. Le Coin de Paradis était donc bien protégé. À l'entrée se trouvaient les Grottes. Dans toute la paroi d'une des deux falaises avaient été creusées, on ne savait comment, des grottes, fraîches en été et chaudes en hiver. C'est là que vivaient les évolis et leurs parents. Le sol, entre les deux falaises, était tapissé d'herbe et de mousse, ce qui en faisait un terrain de jeu et d'entraînement idéal. À l'opposé de la pinède, une bonne trentaine de mètres plus loin, était plantée une autre forêt, longée sur un côté par un épais "chemin" de fougères. Une moitié était le territoire de phyllalis. Les noctalis, mentalis et voltalis s'en partageaient le reste. Passé la forêt, on débouchait devant un lac, alimenté par une cascade. Derrière cette cascade se trouvait une gigantesque grotte. Ici nichaient les aqualis. Dans l'une des falaises figurait une fissure. C'était en fait l'entrée de la Caverne Enneigée, domaine des givralis. Ceux-ci l'entretenaient avec leurs pouvoirs pour la conserver hivernale toute l'année. Entre la falaise du fond - celle où se trouvait la cascade - et celle de gauche, il y avait un petit espace. L'herbe montait en pente et permettait de sortir de la cuvette. On se trouvait alors sur le cratère d'un vieux volcan, éteint depuis des années, recouvert par la végétation, mais où une chaleur torride régnait encore. On y trouvait également des sources chaudes, très relaxantes. Un mur de buissons délimitait les frontières du Coin de Paradis. Il devait son nom à ses incroyablement diverses conditions naturelles, où chacun pouvait trouver sa place.
Une légende racontait que jadis, les évolis étaient nomades. Ils avaient un jour découvert l'entrée du Coin de Paradis, qu'ils avaient prise alors pour un terrier de Fouinar où passer la nuit. Puis ils avaient découvert les Grottes, la Forêt, le Lac, la grande caverne dont ils firent la Caverne Enneigée, et le volcan éteint. Ils s'y étaient tant plus qu'ils avaient décidé de s'établir ici et de ne plus jamais en repartir. Une autre disait que Dame Nature avait doté le monde d'un territoire adapté par espèce de pokémon, et que les évolis vivaient dans le Coin de Paradis depuis la nuit des temps. Nul ne savait laquelle de ces légendes était vraie, ni même si l'une d'entre elles était vraie. Ils étaient juste heureux de vivre ici et s'en contentaient. Les contes n'avaient jamais été qu'un moyen de combler le savoir.
Feu de Joie, après avoir fait une sieste, sortit de la grotte. Il faisait vraiment chaud. Il décida de passer par la Forêt. Il devait aller s'entraîner sur le territoire des pyrolis. En général, il évitait la Forêt - trop obscure à son goût - et se contentait de la longer en empruntant les fougères. Mais il faisait vraiment chaud aujourd'hui, et il devait faire bon sous le couvert des arbres. Alors qu'il s'apprêtait à pénétrer dans l'imposante forêt, une voix familière retentit derrière lui.

« Feu de joie ! »
Il se retourna et aperçut Eau Vive, qui se précipitait vers lui.

« Toi aussi, tu vas à la Cérémonie de la Décision ?
- Que... Quelle Cérémonie ? Attend... Tu veux dire que les petits de Branche Moussue et Flocon de Neige ont éclos ? »

Eau Vive eut une moue étonnée.

« Tu ne savais pas ? Mais toute la Tribu ne parle que de ça !
- Non, je n'étais au courant de rien... murmura Feu de Joie.
- Eh bien, tu le sais à présent. Alors, tu veux y aller avec moi ?
- Avec joie ! »

Les deux évolis s'enfoncèrent dans la forêt. Un mélange de sérieux et d'excitation y régnait. Plusieurs pokémons se dirigeaient vers la Clairière. En chemin, les frères et soeurs croisèrent Graine de Foudre, une amie d'Eau Vive qui avait récemment évolué. Énergique et spontanée, la jeune voltali ne tenait pas en place.

« Eau Vive ! Feu de Joie ! Vous allez à la Cérémonie, vous aussi ?
- Oui, acquiesça Feu de Joie.
- J'ai hâte de voir les petits de Flocon de Neige et Branche Moussue ! renchérit sa soeur.
- Et moi donc ! » s'écria la jeune voltali.

La coutume exigeait en effet que les petits ne soient montrés à personne d'autre qu'aux parents et à Oracle avant la Cérémonie. C'était seulement à ce moment que les petits étaient montrés au reste de la Tribu. C'était une étape intimidante mais très importante dans la vie des jeunes évolis. C'était en effet pendant cette cérémonie qu'Oracle annonçait la destinée des petits. Même les parents n'étaient pas autorisés à le savoir avant le reste de la Tribu. C'était en général un instant très émouvant que celui où la mère apprenait les futures évolutions de ses petits et leur donnait leurs noms.

La Clairière était bondée. Bien que la Cérémonie ne fût prévue que pour l'instant où le soleil disparaîtrait derrière les arbres, chacun avait voulu arriver en avance pour avoir une bonne place. Au centre de la Clairière se trouvait un gros rocher plat et légèrement surélevé. C'était sur ce rocher que se déroulaient les cérémonies. Une grotte était aménagée sous le rocher. C'était là que devaient se préparer Oracle, les parents et les petits. Tout autour du rocher étaient disposées des prêtresses aspirantes. Ces femelles mentalis espéraient prendre la relève d'Oracle le jour où il prendrait sa retraite. La tradition voulait que le prêtre soit un mâle une génération sur deux. Oracle étant un mâle, son successeur serait donc une femelle.
Les prêtresses, à l'aide de leurs pouvoirs psychiques, créaient un champ de force autour du rocher, de manière à en dégager l'espace autour.

« Évolis, laissez passer ! » cria Eau Vive.

Les évolis, plus petits que leurs évolutions, avaient en effet le droit de se trouver au premier rang. Feu de Joie et sa soeur laissèrent Graine de Foudre retrouver d'autres voltalis et empruntèrent le chemin que formait la foule en s'écartant. Verte Feuille et Brasier Ardent étaient déjà là. Ils allèrent les rejoindre.
La Clairière se remplit encore puis, lorsque le soleil disparut derrière les arbres, la Cérémonie commença. De sous la pierre sortit Oracle. Les premiers à l'apercevoir furent les évolis, qui l'acclamèrent aussitôt. Toute la foule se mit alors à l'acclamer, même si elle ne le voyait pas. À sa suite sortirent Branche Moussue, suivie de ses cinq petits et de Flocon de Neige, qui fermait la marche. Une lueur de fierté brillait dans le regard des parents. Les petits, eux, voulurent s'enfuir lorsqu'ils virent toute la foule devant eux, mais Flocon de Neige leur barra la route. Le givrali poussa gentiment un évoli du museau. Tout intimidé, celui-ci monta tout de même sur le rocher à la suite de sa mère et d'Oracle. Les autres lui emboîtèrent alors le pas. Oracle se plaça face à la foule.

« Pokémons ! Nous sommes ici pour célébrer la naissance de cinq petits, et leur attribuer un destin et un nom. Que la Cérémonie de la décision commence. »

Dispersées un peu partout dans la Clairière, des prêtresses amplifiaient la voix d'Oracle afin que tout le monde entende bien. Oracle fit signe à une petite femelle de s'approcher.

« Cette petite, annonça-t-il, possède en elle la sagesse et le courage. Elle fera une parfaite mentali. »

Toute la foule acclama la petite. Branche Moussue avait les larmes aux yeux. Chaque mère rêvait de compter un mentali parmi ses enfants.

« Branche Moussue, reprit Oracle. Cette petite ne peut rester sans nom plus longtemps. Il est temps pour toi de lui en choisir un. Que décides-tu ? »

Branche Moussue, d'un pas incertain, s'approcha de sa fille et prit une grande inspiration. Une fois qu'un nom était décidé, il était trop tard pour en changer. Branche Moussue regarda sa petite, puis la foule, et lui déclara :

« Elle se nommera Cristal Pur. »

Des acclamations retentirent dans la foule. Branche Moussue pleurait de joie et d'émotion. Cristal Pur ne comprenait pas bien ce qu'il se passait, mais ne semblait pas avoir peur. Puis Oracle appela un jeune mâle à ses côtés. Celui-ci bondit sur ses pattes et s'empressa de rejoindre le vieux mentali, tout sourire. Quelques pokémons rirent, dans la foule. Même Branche Moussue ne put s'empêcher de sourire.

« Ce petit, déclara Oracle, est fougueux et déterminé. Des qualités parfaites pour devenir un voltali. Branche Moussue, quel nom choisis-tu pour l'accompagner et le réconforter toute sa vie durant ?
- Mon petit se nommera Nuage d'Orage. » annonça Branche Moussue.

La foule l'acclama. Nuage d'Orage, ravi par l'attention qu'on lui portait, secoua les oreilles en avant, comme pour saluer son public. Feu de Joie éclata de rire. Ce petit lui rappelait Graine de Foudre. Oracle appela une petite femelle, qui avança timidement, une patte après l'autre, vers le vieux mentali.

« Cette petite est sensible et délicate. Elle apportera de la douceur au clan des noctalis. Branche Moussue, que décides-tu quant à son nom ?
- Ma fille portera le nom de Lune Chatoyante. »

La foule acclama la nouvelle nommée, qui courut se réfugier derrière sa mère.

« Là, là, c'est tout... lui chuchota-t-elle. Tout va bien, tout va bien... »

Le spectacle était touchant. Puis Oracle appela un mâle, plus petit que les autres, à venir le rejoindre. Levant haut la queue, se tenant droit, celui-ci vint fièrement se poster à côté d'Oracle et attendit, l'air solennel.

« Ce petit possède un sang-froid et une dignité qui feront de lui un parfait givrali. »

Flocon de Neige, son père, avait de la fierté dans les yeux.

« Mon petit, annonça Branche Moussue, se nommera Cristal Gelé. »

La foule acclama Cristal Gelé, qui ferma les yeux de contentement.
Enfin, Oracle appela la femelle qu'il restait. Elle vint se poster à côté du vieux mentali en bondissant.

« Cette petite possède en elle un feu que rien ne saurait éteindre. Les pyrolis seront fiers de l'avoir à leurs côtés. Branche Moussue, comment se nommera ta fille ?
- Ma petite, annonça la mère, portera le nom de Chaude Lueur. »


Trois jours avaient passé depuis la Cérémonie. Branche Moussue, Flocon de Neige et leurs petits vivaient dans la grotte voisine de celle de la famille de Feu de Joie. Chaude Lueur assistait toujours aux entraînements de Feu de Joie et Brasier Ardent. Elle motivait Feu de Joie, qui ne voulait décevoir un si petit être, à peine sorti de l'oeuf. Branche Moussue restait en général avec elle : Le Coin de Paradis était grand, et Chaude Lueur encore toute petite. Il ne fallait pas qu'elle se perde.
Ce matin-là, Feu de Joie s'était levé très tôt. En même temps que le soleil, cette immense boule de feu qui frôle la Terre et lui apporte un peu de sa chaleur. Il était allé, très tôt, sur la Colline Ardente - ainsi nommait-on le territoire des pyrolis - et s'entraînait, s'entraînait sans relâche. Car il avait décidé d'être un pyroli dans le Tribu puisse être fière. Il en avait assez des sarcasmes de Verte Feuille, de la compassion d'Eau Vive, de l'indifférence de Brasier Ardent. La Cérémonie lui avait fait comprendre une chose : On ne choisit pas son destin. Il faut alors aller de l'avant, sans aucun regard en arrière, sous peine de ne plus pouvoir faire un pas. Oui, Feu de Joie ne voulait pas être un feu de tristesse.
Et, sans relâche, ce matin-là, Feu de Joie s'entraînait. Sur la Colline, sa colline, car l'aube lui appartenait, il dominait le Coin de Paradis et s'entraînait. Un, deux. Un, deux. Un, il expirait. Deux, il expirait. Un, deux, un deux. Alors qu'il courrait, la chaleur du soleil dans son dos lui brûlant le pelage, l'air glacé de la matinée lui brûlait les poumons, mais il continuait, encore et encore. Un jour, il la sentirait. Sa flamme intérieure.
Une odeur de brûlé l'interrompit. Une fumée âcre s'échappait de la Forêt. Une lumière vive, comme irréelle, se détachait d'entre les arbres.

« Au secours ! cria-t-on. Au feu ! Au feu ! »

Le Lac était là, quelques mètres plus bas. Feu de Joie scruta la cascade, se brûlant les yeux dans le reflet du soleil. Les aqualis devaient avoir entendu le cri. Mais personne ne sortit, paniqué, porter secours aux habitants de la forêt. Il était tôt, et la cascade faisait un bruit infernal. Non, ils ne devaient pas avoir entendu.
Feu de Joie, paniqué, descendit la pente à toute allure. Manquant de trébucher, il s'élança vers la cascade, bondit sur le rocher qui permettait de passer derrière la cascade, et s'élança dans la grotte. Les aqualis dormaient, roulés en boules çà et là. Le rideau d'eau donnait à la lumière sur le sol des formes ondulantes. Magnifique. Mais Feu de Joie n'avait pas le temps de s'émerveiller. Pas aujourd'hui.

« Au feu ! cria-t-il. Il y a le feu dans la forêt ! Réveillez-vous, vite ! »

Rivière Ondulante s'éveilla la première. La panique passa un instant dans son regard, aussitôt remplacée par la détermination.

« Que s'est-il passé ? demanda-t-elle à Feu de Joie - il crut lire du reproche dans sa voix - tandis que les autres s'éveillaient.
- Je ne sais pas, je... bredouilla-t-il, j'étais sur la Colline quand j'ai senti la fumée, et entendu quelqu'un crier au secours.
- Dépêchons-nous ! » cria Rivière Ondulante aux autres aqualis.

Et, sans même prendre le temps d'emprunter le chemin rocheux, et bondit à travers la cascade, aussitôt suivie des autres, maintenant parfaitement réveillés. Feu de Joie les suivit, sans pour autant emprunter la cascade, et courut de toutes ses forces jusqu'à la Forêt, devant les aqualis qui sortaient de l'eau, sans prêter attention à lui. Feu de Joie courrait de toutes ses forces, ses pattes martelaient le sol, ses poumons le brûlaient, mais il ne s'arrêtait pas. C'est alors qu'il la sentit. Sa flamme intérieure.
Feu de Joie stoppa net. Les aqualis le dépassèrent, sans se soucier de lui. Il avait senti sa flamme intérieure. Cela signifiait qu'il était prêt à évoluer. À rentrer dans le clan des pyrolis. Mais le bruit sec d'un arbre qui tombe le ramena à la réalité. Le feu ravageait la forêt. Des aqualis, postés de part et d'autre de la forêt, envoyaient des gerbes d'eau lutter contre le feu. Celui-ci s'éteignait aussitôt et, les aqualis étant nombreux, l'incendie ne fut bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Mais il avait laissé des traces. Des marques noires apparaissaient partout sur les arbres calcinés. Le chemin de fougère n'était plus que terre et cendres. Les plantes n'étaient plus. Et Feuille d'Automne, une phyllali, était morte.

Toute la Tribu était rassemblée dans la clairière, épargnée par l'incendie, qui n'avait heureusement pas eu le temps de l'atteindre. Oracle était perché sur le Rocher, où reposait le corps calciné de Feuille d'Automne et annonçait :

« La Tribu déplore aujourd'hui la mort de Feuille d'Automne. Ses feuilles ont été touchées par l'incendie et elle n'y a pas survécu. Esprit de Feuille d'Automne, où que tu sois, sache que nous regrettons ta perte. »

Tout le monde baissa la tête, comme c'en était la coutume.

« Comme l'exigent les traditions, nous enterrerons son corps sous l'endroit où elle vivait, afin que son esprit accompagne toujours ses compagnons. À présent, Arc-en-Ciel, j'aimerais que tu lèves et viennes me rejoindre. »

La foule s'écarta et laissa passer un évoli. Arc-en-Ciel était le plus vieux évoli de la Tribu. Lors d'une attaque de raichus dans le Coin de Paradis, il en avait accidentellement tué un. Traumatisé, il avait scellé son esprit et toute évolution lui était désormais impossible. Il tirait son nom des couleurs de ses évolutions, qui rappelaient celles de l'arc-en-ciel.

« Arc-en-Ciel, reprit Oracle lorsque l'évoli l'eut rejoint. Tu dis avoir vu ce qui s'était passé. Raconte-le nous.
- Vous ne me croiriez peut-être pas, commença Arc-en-Ciel, mais je vous jure que ce que je m'apprête à vous raconter est la pure vérité. Je marchais dans la forêt quand un caillou brûlant, à peu près de la taille d'une patte, est tombé du ciel sur un bouquet de fougère. Le bouquet a pris feu et l'incendie s'est propagé. J'ai appelé au secours et les aqualis sont arrivés.
- Merci, Arc-en-Ciel. J'ai déjà entendu parler d'un tel phénomène. On dit que c'est un morceau de soleil qui se détache et tombe sur notre planète. Quoi qu'il en soit, la forêt mettra du temps à se rétablir. J'espère que cela n'affectera ni votre moral ni votre santé. J'aimerais également remercier les aqualis pour leur rapidité à avoir éteint l'incendie.
- Oracle, intervint un aquali du nom Fleuve Turbulent. Nous n'aurions pu faire si Feu de Joie n'était pas allé nous alerter. Le bruit de la cascade nous masquait les cris d'Arc-en-Ciel. »

Oracle se tourna vers Feu de Joie. Son visage impassible ne laissait deviner aucune de ses émotions.

« Est-ce vrai, Feu de Joie ?
- C'est la vérité, Oracle, répondit l'évoli. Et... » Il marqua une pause. Ce n'était pas le meilleur moment pour annoncer cela. Tant pis. Ce serait fait. « J'ai également ressenti ma flamme intérieure aujourd'hui. Je ne sais pas si l'incendie en est la cause, mais une flamme brûle maintenant en moi. »

La foule retint son souffle. Mère avait les larmes aux yeux, et ses frères et soeurs le regardaient d'un air consterné.

« Non, Feu de Joie, reprit Oracle. Jamais un incendie n'a été la cause de l'apparition d'une flamme intérieure. Ce feu qui brûle en toi et celui de ta force et de ton courage. Évolis et évolutions ! cria-t-il à l'adresse de la foule. La Cérémonie d'évolution aura lieu ce soir au crépuscule ! »

De la foule s'échappèrent des clameurs.

« C'est fantastique, Feu de joie ! s'écria Eau Vive. Tu seras le premier d'entre nous à évoluer !
- Et en plus, l'endroit où tu vivras n'a pas brûlé ! » ajouta Verte Feuille, l'air mauvais.

Le crépuscule se noyait dans l'immensité orangée du lac. Feu de Joie regardait son reflet, sans mot dire. Le reflet d'Eau Vive apparut aux côtés du sien.

« Tu n'as pas l'air heureux, Feu de Joie. Je croyais que tu t'étais résigné à devenir un pyroli !
- Le feu... Le feu a détruit la forêt, aujourd'hui, souffla l'évoli sans lever les yeux de son reflet. Je ne suis plus sûr de vouloir me lier à lui.
- Le feu en lui-même n'est pas mauvais, Feu de Joie, le réconforta sa soeur en frottant sa joue contre la sienne. Tout dépend de la façon dont on l'utilise. Ce feu-ci venait du soleil, de la nature. Jamais un incendie n'a été provoqué par un pyroli.
- Alors Dame Nature nous en veut ? répliqua Feu de Joie, cinglant. Elle veut que nous quittions le Coin de Paradis ? Elle voulait la mort de Feuille d'Automne ?
- Feu de Joie, je n'ai pas dit ça ! s'empourpra Eau Vive. Cet incendie était indépendant de notre volonté à tous. Si Dame Nature a déclenché cet incendie, c'est qu'elle l'a jugé nécessaire. Jamais les pokémons ne seront les esclaves de Dame Nature. La cérémonie va commencer, dépêche-toi. »


Je pose la patte sur la pierre de feu. Ma flamme intérieure me brûle tout entier. Elle s'empare de mon corps et le remodèle. Je me sens bien. Je dis adieu à mon corps d'évoli, à mon passé. Moi, Feu de Joie, suis un pyroli, à présent. Pour le meilleur et pour le pire.

Fin