Voyages d'un capitaine vers les flots de junkolusa

La capitaine laissa la barre à Pierre et lui demanda de mettre le cap vers Poivressel. Pendant que Pierre et l'équipage profitaient de l'air chaud amené par le vent du sud, Mara descendit du pont de commandement pour se diriger vers l'arrière du navire et sa cabine.
Elle franchit la porte qu'elle verrouilla derrière elle. Elle jeta ses vêtements sur son lit repliable avant de se changer. Dans la douche de luxe, elle remercia son intelligence d'avoir volé un yacht de milliardaire et non une épave.

Une fois sèche, Mara sortit du sac le petit journal et la masterball qu'elle mit à sa ceinture. Elle s'installa à son bureau et étudia les documents. Elle regarda le mur du fond ou était accroché une immense carte, préférant l'ancienne méthode à un G.P.S. qui pouvait être piraté ou suivi à la trace par un satellite.
Le journal appartenait à un capitaine ayant vécu il y à des siècles dont le nom était illisible. Mara feuilleta le document qui racontait le périple de ce marin. Son navire avait sombré corps et biens, seul un matelot s'était sauvé en chaloupe, emportant avec lui le journal de bord.

Beaucoup de passages ne concernaient que des cargaisons, mais le récit du dernier voyage l'intéressait au plus haut point, même si le papier avait mal supporté les affres du temps.
-Voyons cela de plus près.
Mara s'énerva. Ce texte mal écrit était en ancien Anglais. Cette première difficulté se résolut grâce à ses yeux d'aigle et à sa maîtrise de nombreuses langues anciennes et étrangers. Le texte était parfois entrecoupé de mots écrits dans une autre langue, germanique ou nordique.

« 7 novembre 1685.

Récit du capitaine V_n der D___, commandant du _l___s __a__.

Il se trouve que j'avais raison. En me renseignant auprès des autochtones, j'ai découvert qu'uns de leurs mythes parlaient d'un monstre abyssal, le grand plongeur. Cette créature pourrait bien être celui que je cherche depuis tant d'années. Le mythe des profondeurs serait peut être bien une réalité.

Le détenteur de la plume d'argent pourra avoir droit de rencontre auprès du maître des abysses. Le grand gardien des profondeurs oubliées du monde n'apparaît que lorsqu'un courageux capitaine, s'il n'est totalement inconscient, s'avance muni du trésor. Pour ce faire, invoque le tourbillon de la faille ou dort le seigneur du fond des mers. »

Mara soupira. Après trois heures d'efforts, elle n'avait déchiffré que quelques lignes et encore, en occultant certains passages ne concernant que la vie à bord. En tournant les pages, elle découvrit que la quatrième de couverture cachait une carte. Elle décida de s'intéresser à ce nouvel élément du puzzle car le premier possesseur de ce journal s'intéressait probablement à la même chose qu'elle.
La jeune femme fut attirée par une des pages. Une série de gravures terminaient l'ouvrage. Sur la première, un fier navire en bois s'élançait, voiles au vent. Le nom avait été gommé sur l'illustration et la légende indiquait seulement : « Le _______ ____ quitte son port d'attache »

Les deux suivantes montraient un homme de haute stature entouré de marins. Le nom du capitaine et celui de son navire avait manifestement été effacé partout. La quatrième image montrait ce même homme en tenue d'explorateur autour d'un vieux temple décoré de fresques. Mara regarda la cinquième image intitulée : « Le gardien, mythe ou réalité ? »
La gravure représentait un navire sombrant au milieu d'une mer démontée. Au milieu des nuages et des éclairs, un coin de ciel bleu entourait une étrange créature. La capitaine prit sa loupe et regarda l'animal. C'était une sorte d'oiseau blanc au ventre bleu foncé. Des pointes de la même couleur surgissaient de son épine dorsale et deux étranges triangles bleutés couvraient ses yeux.

Mara se retenait de sauter de joie. Celle ci venait de reconnaître son but ultime, la légende qu'elle poursuivait depuis huit longues années. Elle avait enfin les preuves de l'existence du gardien des abysses, Lugia.
Elle bailla à s'en décrocher la mâchoire et alla se coucher. Le lendemain, elle continua sa traduction.

« Pour qu'elle soit efficace, la plume d'argent doit être infusée de la magie des trois. Leur pouvoir réside dans les trois temples cachés. Seul une personne digne de trouver les trésors peut rencontrer le gardien des abysses. Si les trois ont fui, seul une prière sincère et n'attentant pas au gardien pourra permettre au détenteur de la plume de rencontrer le gardien.»

Mara s'intéressa à la photo et remarqua qu'un des bas reliefs représentait vaguement Lugia. La légende indiquait seulement : « 23 novembre 1685. Découverte du temple de la fureur rougeoyante ». Il semblerait que ce lieu était abandonné puisqu'il a été fouillé de fond en comble et que le légendaire Sulfura ne se montra pas.
La pirate regarda la carte qu'elle avait découverte et représentant trois îles positionnées en triangle. Le centre de ce triangle était marqué d'un symbole représentant une aile. Par un magnifique coup de chance, des coordonnées indiquaient la localisation des îles.

Mara leva les yeux sur la carte et vit que ces coordonnées se situaient en plein milieu des terres. Surprise, elle vérifia de nouveau avant de se frapper la tête. Au XVIIè siècle, les coordonnées étaient indiquées par rapport au port d'attache du navire et pas par rapport à Oliville, point de référence international actuel. Le problème était simple, pour connaître ce port, il faut justement avoir le nom du navire.
Elle frappa du poing pour se soulager. Son rêve était hors de portée à cause de deux problèmes. Il lui fallait la plume d'argent et le nom du navire.

Elle fut sortie de sa rêverie par un coup frappé à sa porte. Mara rangea le journal sous une latte de sa cabine et ressortit. Pierre l'attendait et rougissait comme toujours devant elle. Mara leva les bras pour s'étirer et demanda d'une voix morne ce qu'il voulait.
-J'ai trouvé ceci. C'est une vieille publicité que j'ai récupéré l'autre jour à Tortuga. Elle devrait t'intéresser.
Mara regarda la brochure et la lut à voix basse.
-« Exposition à Poivressel du 20 mars 2036 au 30 mai 2036, exclusivement au musée océanographique Poupe. Thème sur les mythes marins. »

Elle regarda les différents mythes dont l'étude était proposée.
-Voyons voir … le Kraken serait il un Octillery géant ? Les fossiles vivants, le mythe Kyogre et … Quoi ! La légende de Lugia. Présentation exclusive de l'Aile d'argent.
Mara lisait qu'elle pourrait obtenir plus facilement la plume de cristal soi-disant perdue jadis par Lugia en personne, seule preuve tangible de l'existence du gardien.

Pierre la fixa. Elle était littéralement absorbée par le prospectus. Il l'appela doucement.
-Capitaine ? Capitaine ?
Voyant qu'elle ne réagissait pas, il passa sa main devant les yeux de la fille aux cheveux noirs. Celle ci sortit finalement de sa rêverie.
-Pierre. Garde le cap vers Poivressel. Demain nous irons visiter l'exposition en repérage et le soir, la plume sera à moi.
-Ton rêve se réalisera. Mais les autres aimeraient se remplir les poches.
-Une fois que j'aurai rencontré Lugia, ils seront récompensés. Le texte que j'ai transcrit parlait également du plus grand trésor de tous les temps.