La décision
Tom était assis sur le bord de la rivière, celle qui parcourait Monche-Ville et qui ressemblait à un petit ruisseau près de la maison de Tom et Marie.
Le garçon jetait des cailloux dans l'eau, le regard creux et vide.
-Tu ne penses pas que tu devrais quand même aller à la Fac ? Demanda le type à côté de lui.
-Non, je ne pense pas, je ne pense plus, je ne sais rien. Je suis dans l'incapacité de faire quoi que ce soit…
-Du calme, Tom.
-C'est dur d'être calme, Félix…
-Je sais, mais que veux-tu que je te dise d'autre ?
-Je sais, excuse-moi… Ca va faire trois jours qu'on a appris que sa mère est morte et j'ai l'impression que Marie va péter un câble. Le jour même elle a pas été travailler, mais après elle a voulu quand même y aller. Je la vois rentrer avec des cernes de malade. J'en peux plus.
-Ecoute, ça passera mon ami, il faut lui laisser le temps… pas le temps de s'habituer, non, on ne s'y habitue jamais à ce genre de choses, mais le temps de digérer le plus gros.
-Oui …. Mais …
Félix regarda alors Tom qui ne disait plus rien, mais qui continuait de jeter des cailloux dans l'eau.
-Oui mais ?
-Oui mais … j'ai peur qu'elle retourne à Kanto, voilà ce dont j'ai peur.
-Tu voudrais la consoler pour toi tout seul, c'est ça ?
-Non, mais je ne veux pas qu'elle se renferme là-bas. Si jamais elle veut aller là-bas, elle voudra y aller seule. Tu te rends compte du temps que je vais passer sans elle ?
-Tu vas pas en mourir. Sois fort Marc-Junior…
-Sois fort, sois fort. T'es gentil Félix, mais tu vis pas ce que je vis et …
-…
-Excuse-moi …
-C'est pas grave.
Il y eut un silence. Tom savait que Félix n'avait pas eu une vie facile. Le père de Thomas avait été un ami intime du rasta et beaucoup de désillusions s'étaient succédés après la mort de Marc. Le garçon se leva :
-Je ferai mieux de rentrer à la maison. Merci d'avoir bien voulu parler avec moi gros …
-T'inquiète je suis là pour ça, répondit Félix.
Lorsque Tom revint à la maison Marie était assise sur le canapé du salon, révisant ses leçons. Tom s'approcha d'elle et s'assit. Elle jeta d'un coup ses cahiers et se mis dans les bras de Tom.
-Faut que j'aie mon bac… Je dois réviser mais j'en peux plus … Les épreuves c'est la semaine prochaine et je serai jamais assez forte pour les faire…
-Chérie, tu y arriveras. Je te le promets…
Et Tom eut raison, lorsque la semaine suivante fut terminée, Marie pourtant très difficile avec elle-même, savait qu'elle avait réussi toutes les épreuves. C'est alors qu'elle dû prendre la décision. Tom et elle mangeaient dans la cuisine. Elle le regarda, puis soudain, lui demande en baissant les yeux :
-J'ai téléphoné à Ivette, il va falloir que j'aille à Kanto.
Aucune réponse … Elle continua :
-Je n'irai plus jamais là-bas et je dois aller à l'enterrement et j'ai des papiers à signer pour léguer mon ancienne maison à nos voisins …
-…
-Tom, s'il te plaît, ne rend pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont.
-Je sais … Excuse-moi. Je ne peux pas t'empêcher d'y aller, alors soit. Vas-y.
-J'ai pris les billets cette après-midi. Je pars demain soir, je resterais là-bas deux mois.
-COMMENT ?
Cette fois, Tom s'était levé tellement la surprise et la douleur était grande.
-Tom, je n'ai pas suffisamment d'argent pour prendre des billets au mois de Juillet, ils sont trop chers à cette époque et je préfère le faire tout de suite, je ne veux pas revenir sur ma décision.
-Mais pourquoi deux mois ?
-Je veux dire au revoir à ma région…
-Tu n'es pas bien avec moi ?
-Bien sûr que si, mon amour, mais … S'il te plaît, je ne suis déjà pas assez forte pour supporter tout ce qui m'arrive, alors ne me met pas de bâtons dans les roues.
-Je suis désolé mais tu fais erreur. Comment veux-tu aller mieux si tu te retrouves toute seule ?
-Je le suis pour toujours, maintenant que ma mère est morte.
On ne su jamais à quel moment la gifle partit mais elle fut extrêmement rapide. Marie regarda Tom, la main sur la joue. Tom, les yeux embués de larmes, fit :
-Comment oses-tu dire ça ? Comment oses-tu dire que tu es seule ?
Ils passèrent une des pires nuits de leur vie. Aucun mot ne fut prononcé pendant la soirée. D'ailleurs la journée qui suivit fut tout aussi triste. Marie préparait son sac, Tom la regardait et l'aidait légèrement. Son cœur lui faisait tellement mal. Il semblait ne plus rien y avoir entre eux. Quelqu'un qui ne les connaissait pas aurait très bien pu dire " c'est finit ", bien au contraire, ils s'aimaient toujours autant, seulement ils n'arrivaient pas à se le dire par peur de compliquer la situation ou alors par peur de tout simplement exploser et de partir en sanglots. Mais au moment où ils rentrèrent dans la gare de Roissy et qu'ils posèrent les bagages dans la grande salle de départ, Marie tomba dans les bras de Tom. Ils ne se dirent rien, ils avaient trop de choses à s'avouer et pourtant aucune n'était plus importante que l'autre et ne pouvait être dite en premier. Tom serrait Marie le plus fort qu'il pouvait, elle, voulait retenir ses larmes mais celles-ci tombaient sur le sol comme la pluie. Puis l'avion en direction de Kanto fut affiché. Pour détendre l'atmosphère ainsi que lui-même, Tom fit :
-J'aurais bien dit au revoir à tes Pokémons mais bon, je les reverrai.
Marie le regarda et sourit légèrement :
-Bien sûr…
Ils avancèrent jusqu'au tunnel d'où partait l'avion et que Tom ne pouvait emprunter. Alors d'un coup Marie lâcha ses valises et embrassa Tom le plus fort qu'elle pouvait.
-Ne m'oublie, pas mon amour.
-Pffff, est-ce que t'as déjà oublié de respirer toi ? T'es mon oxygène choupinette, ne l'oublie pas.
Il lui fit un clin d'œil et la serra très fort contre lui. Puis, voyant que l'avion allait bientôt décoller, Marie prit ses bagages et embrassa une dernière fois Tom. Elle partit dans le couloir en lui envoyant une tonne de baiser avec la main. Il lui répondit par un simple sourire. Lorsqu'il ne la vit plus il regarda la baie vitrée d'où il aperçut quelques minutes plus tard un avion décoller.
C'est alors qu'il entendit un bruit par terre, une sorte de " ploc-ploc ". C'étaient ses larmes. Il se mit donc à marcher pour sortir de l'aéroport. Il se sentait tellement bizarre. Il lui manquait quelque chose, il était vide… Puis, d'un coup il compris que ce ne serait pas possible de vivre sans elle, il fallait la revoir, tout de suite. Ce n'était qu'un rêve, il rentrait de cours et il allait la retrouver en train de faire ses pompes et abdos sur le tapis du salon. Alors d'une marche rapide il passa à une sorte de compromis entre le pas et la course, puis il courut littéralement avant de finalement piquer un véritable sprint. Derrière lui l'avion disparaissait dans le ciel, et Tom courait, à en perdre haleine. Dans le RER qui menait à Monche-Ville, il était tel un zombie. Lorsqu'il sortit de la gare, il courut à travers la ville, puis le long du chemin qu'il avait parcouru tant de fois lorsqu'il allait de leur maison vers le centre-ville. Il courait, courait, courait. Il ne se sentait plus respirer. Tel une comète il laissait derrière lui une nuée de larmes qui d'un coup sec venaient percuter le sol chaud et craquelé par la chaleur de l'été.
Il fallait courir, courir, encore courir. Marie était à la maison, tout ceci n'était qu'une vaste plaisanterie.
La porte s'ouvrit.
Le vide.
Une maison sans rien. Plus de trace de Marie. Avait-elle existée ? Et si tout ceci n'était qu'un rêve ? Et si maintenant Tom se réveillait après tant d'années de sommeil ?
Alors il courut vers son bureau et prit le cadre de leurs photos fétiche, en haut de la Tour Eiffel. Et là, sans qu'il l'eut vraiment souhaité, Tom s'effondra sur ses genoux. Il commença à rire. Un rire inhabituel. Puis, il posa la photo et pris sa tête entre ses mains. Puis son rire se transforma progressivement en pleurs, puis les pleurs en cris désespérés.
Mais à qui demander de l'aide, lorsque soi-même on n'est plus rien ?
Tom entra doucement dans le salon, ouvrit le bar et en sortit une bouteille de whisky à peine entamée. Il la vida en une soirée.