Chapitre 3
Melodelfe : Deux ans, Trois mois, et deux jours après l'explosion de la Pierre Bénie
"Bon, j'attends que ces deux humains se couchent, et j'irai dormir moi-aussi..."
"Quand je pense que les autres doivent, à cette heure-ci, commencer à s'éveiller... C'est dur d'être un gardien... Dire qu'avant la destruction de la pierre bénie, les évolués avaient pour seule obligation supplémentaire d'être les premiers à défendre le peuple en cas d'attaques, puisqu'ils étaient plus forts..."
"Ce n'est plus du tout le cas à présent... Maintenant, nous devons vivre coupés du reste de nos semblables... Combien étions-nous d'évolués, lors de l'explosion? Au moins vingt, si ce n'est plus... Et aujourd'hui, trois."
"Si seulement nous avions su ce qui nous attendait, lorsque nous avons décidé d'utiliser tous ensembles la technique du hasard, devant ces trois profanes qui avaient volé notre pierre bénie... Il a fallu que la technique du hasard, alors qu'elle aurait pu se transformer en un simple jet d'eau, ou en foudre, ou même en la poudre-qui-endort, se mue en une explosion, qui a eu raison d'eux, mais de nous-aussi."
"La pierre bénie nous a déjà sauvés une fois. Mais pourquoi nous avoir sauvé, il y a déjà si longtemps, pour nous abandonner maintenant? Notre histoire sur la terre aura été décidément bien triste."
"À moins qu'elle ne nous sauve à nouveau. Oh, cet espoir si fin, je n'arrive pas à le déloger de mon esprit... Et pourquoi pas...?"
"C'est amusant, les humains quand-même. Ces deux-là on l'air d'être ici pour une mission précise et plutôt longue, vu tout leur équipement, et ils ne s'aiment pas. Enfin, je devrais plutôt dire, le mec ne répond jamais à la fille, et la fille fait tout pour embêter le mec. Je sais pas combien de temps ils vont rester là, mais ils vont pas rigoler des masses..."
"Je ne sais pas vraiment ce qu'ils font. Ils sont restés à explorer le Mont toute la journée, et ils ont du en faire un peu moins d'un quart. Le mec tenait la carte de l'ancien humain, et la fille, je crois bien qu'elle dessinait un nouveau plan, vu qu'elle mesurait les distances des différentes galeries... Ça me semble bizarre, moi, un plan pour mon Mont, puisque je le connais par coeur..."
"Ah, le type part sous leur maison en toile. La fille regarde les étoiles. Elle a l'air un peu triste. Je pense qu'elle ne doit pas comprendre pourquoi le mec ne veut pas lui parler, alors elle fait exprès de l'embêter pour le dérider... De vrais gamins, ces humains..."
"Tiens? On dirait de la musique. Oui, elle sort de la boîte bizarre, près de la fille. C'est joli. Je vais m'approcher pour mieux entendre..."
"Non!"
"Elle m'a vu! Je fuis, vite. Si jamais elle m'attrape... Non! Roy, Marth, je ne vous abandonnerai pas! Je dois courir, de toutes mes forces, pour ne pas faillir à mon devoir de gardien..."
"Ouf, me voilà en sûreté. J'avais tort de m'inquiéter. La fille ne m'a pas poursuivi... Tout ça pour de la musique... Quel inconscient je fais. C'est là une des principales causes de notre déclin, depuis la perte de la pierre bénie: les humains et leur satanées balles..."
-----
Clara : Deuxième Jour de la Mission Sélénite
"Quelle journée... Se balader là-dedans avec un plan aussi nul... En tous cas, mes estimations étaient exacts: on a fait aujourd'hui un cinquième du Mont. Peut-être même un peu plus. À ce rythme-là, on devrait pouvoir se lancer, dans quatre jours, pour une exploration plus en détails... Avec un vrai plan."
"Môssieur Franck a été nerveux toute la journée... S'il continue comme ça, je vais lui coller des patchs nicotine en douce, moi, ça va pas traîner..."
"Ce qui est vraiment étrange, c'est que le Mont soit si désert... Je suppose que la plupart des espèces doit hiberner... J'aurais imaginé des nosferaptis, des parasects, enfin, un peu de vie quoi... Quant aux melofees, rien. À part le mélodelfe entraperçu près de la rivière souterraine. Ça finit vraiment par être flippant. Un silence de mort. Quelques bruits parfois, des petits morceaux de roche qui se détachent de leur paroi, les glouglous lointains de la rivière, les grognements de Môssieur Franck. Et sinon, toujours le bruit de nos pas, de nos respirations."
"Bon, j'ai fait exprès de me planter 2-3 fois sur la route à prendre, ce qui a exaspéré mon cher coéquipier. Je pense que je vais changer de stratégie, demain. Finie, la gaffeuse. On va employer un nouveau système..."
"Je t'aurai, Môssieur Franck."
"Toi et ton regard assassin, et surtout, ta cicatrice... (Mais comment il a bien pu se faire ça?)"
"Commence à faire froid, ce soir. Déjà que le Mont Sélénite est d'une tristesse pitoyable, on dirait qu'il contamine aussi les alentours... Bon, OK, c'est l'hiver, mais là, c'est à en pleurer... Non-seulement, les arbres ont perdu leur feuille, mais en plus, ils sont tellement rabougris, repliés sur eux-mêmes avec leur branches cassées, qu'on dirait qu'ils sont déjà morts. Quant au sol, c'est bien simple: cailloux, cailloux, et cailloux. C'est tout sec, et c'est fissuré par endroit. Pour un peu, on se croirait sur la lune.
"Oh!"
"Un melodelfe! Qu'il est beau! Il se rapproche doucement du campement... Il ne doit pas vouloir se faire repérer... C'est raté, mon petit. Qu'est-ce qu'il peut bien vouloir? Ah, tiens, il a vu que je le regardais... Hola! Parti sans demander son reste! Ça doit être les ronflements de Môssieur Franck, il y a bien de quoi effrayer un troupeau de tyrannocifs, alors imaginez pour un petit melodelfe solitaire..."
"C'est pas tout ça, mais je ferais bien d'aller me coucher. J'éteins la radio... Ah, ça fait du bien de se sentir propre! Même si pour se laver, on doit passer par le gant de toilettes et le baquet d'eau chaude... En plein hiver, rappelons-le. Bien-sûr, les campings équipés d'eau chaude, y'en n'a jamais où il faut... D'accord, j'avoue, c'est pas dans mes habitudes de me plaindre des conditions de mes missions... Mais c'est comme ça, je suis frileuse. Voilà, c'est dit. Je prendrais bien 25 Môssieurs Franck avec moi dans cette mission, contre une bonne douche brûlante chaque soir..."
"Quoique, p't'être pas quand-même."
"Je me demande comment vont mes corayons... J'espère que mes amis, que j'ai, malgré moi, planté là-bas, se débrouilleront bien... Surtout, se méfier des jeunes enfants: ça sait à peine lancer quelques picanons que ça fonce sur tous les dangers possibles... Ah, la plongée sous-marine, avec mon akwakwak, ça me manque... Tous sur notre bateau, au beau milieu de la mer des siphons... Avec, parfois, la nuit, par temps clair, la lueur du phare d'Oliville qui se joint aux étoiles... Et notre colonie de corayons, qui grandit et se multiplie tranquillement depuis qu'on se relaie pour écarter la plupart des gros dangers qui les menacent... On nous a dit que dès que la centaine d'individus d'au moins plus de deux ans atteinte, la mission serait finie, on estimerait le nombre de corayons suffisant pour qu'ils puissent reprendre leur vie en se suffisant à eux-mêmes pour leur auto-protection... Ça ne faisait que deux mois que j'y étais, et ils étaient à une soixantaine lors de mon départ... Snif."
"Enfin, si ces melofees sont vraiment en train de disparaître, je ne vais pas refuser de les aider..."
-----
Franck : Deuxième Jour de cette horrible Mission Sélénite
"Ce vieux truc de compter les wattouats pour dormir, c'est de l'arnaque. Je dois en être à mon douzième troupeau, et j'arrive même pas à fermer les yeux..."
"Miss j't'aime pas a mis la radio. Pas trop fort. Attention touchante. Elle a mis Kanto 2, comme moi. Si c'est une tentative de conciliation, ça ne marchera pas, ma cocotte, je te l'ai déjà dit."
"N'empêche, cette mission va être la plus nulle de toute mon existence. Peut-être même pire que l'observation des capumains, et pourtant, j'en ai soupé, de ceux-là. Deux heures passés, silencieux, immobile, à attendre qu'ils s'intéressent enfin à MA banane... Et alors que j'en vois un qui s'approche et qui commence à baffrer, qui c'est qui a oublié de mettre une pellicule dans l'appareil, alors que ce cliché qui mûrissait depuis deux heures allait enfin pouvoir être récolté? C'est bibi! Et encore, ça, c'était que le premier jour. Après, j'ai pu me délecter de toutes les facettes du climat équatorial, les pluies diluviennes et l'humidité, entre autres. Et le pire, c'est que j'ai quasiment plus vu l'ombre de la queue d'un capumain. Ils devaient avoir décidé de quitter les cimes pour aller vivre sous terre, juste pour me faire chier."
"Enfin, dans la forêt vierge des capumains, au moins, y'avait de la vie. Des migalos venimeux, des arboks cinq fois plus grands que la moyennes, des rafflésias qui s'éclatent à balancer de la poudre-para sur tout ce qui bouge... Bon, OK, c'était pas vraiment de la bonne compagnie, mais au moins, c'était animé, quoi! Alors que ce Mont, c'est à en crever, de son absence de vie..."
"Courage, Franck, plus que vingt jours."
"Ah tiens, plus de musique. Miss J't'aime pas va aller se coucher... Allez hop, faire semblant de dormir."
"Rah, c'est pénible, ces sacs de couchage, on peut pas changer de position sans faire un bruissement d'enfer..."
"AÏE!"
'Mais elle est tarée celle-là? Elle vient de m'écraser la main! Heureusement que j'ai réussi à contenir mon cri... Je suis sûre qu'elle l'a fait exprès! Quoique, non, quand-même. On va mettre ça sur le compte de l'obscurité..."
"Enfin, ça doit être ma troisième mission avec des équipiers qui ont des pokémons, et ma foi, c'est vrai que c'est assez pratique. Son galopa nous éclaire dans le Mont, et il fait chauffer l'eau à une vitesse dingue, même les réchauds du centre sont sur le carreau. Son kangourex garde nos affaires, et ses deux roucarnages nous ont amenés du centre de Safrania jusqu'ici... Mais enfin, je vais pas me convertir maintenant, hein. Si j'ai choisi de suivre des études sans pokémons, c'est pour ne pas avoir les responsabilités qui vont avec. On sait jamais, ça peut devenir incontrôlable, ces bêtes-là. Sans compter que quand ils meurent, bonjour la tristesse. Je suis allé une fois à la Tour Pokémon de Lavanville, c'était affreux, tous ces dresseurs en deuil. En plus des connaissances, de la famille, et des amis, si il faut s'endeuiller pour les pokémons aussi, la vie devient un torrent de larmes..."
"La philosophie nocturne, tout un programme."
"J'ai faim. Mon toubib m'avait dit que chez certains personnes, parfois, on compensait le manque de nicotine avec la nourriture. Ben pour moi, ça doit être le cas. Si je pouvais DORMIR, ça m'arrangerait, merde à la fin! Bon, tentons de nous calmer, hein..."
"Allez, on respire, oui... Les fleurs, les petits roucools... Cuicui... Gouzigouzi, tout ça..."