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Un long parcours de YumeArashi



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» Auteur : YumeArashi - Voir le profil
» Créé le 04/01/2009 à 16:46
» Dernière mise à jour le 28/02/2010 à 23:52

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Lullaby...
Le lendemain matin, je me réveillai aux aurores, une sorte de joie me chatouillait délicatement l'estomac. Faisant un pied de nez à la latte vengeresse, je descendis sans bruit l'escalier de bois grinçant. Ô cuisine, lieu salvateur ! Je fis chauffer de l'eau dans une casserole que je versai, une fois frémissante, dans une grande tasse. J'y laissai infuser un petit sachet de thé, attrapai un biscuit - « Hum... Un peu trop mou à mon goût. Tant pis. » - qui se sentait visiblement seul dans ce placard froid, et courus dans la salle d'attente pour récupérer un des livres que j'avais laissé traîné sur la table basse la veille. Ayant longuement discuté ce soir la avec la plus âgée des locataires qui éprouvait le besoin de se confier, je m'étais assise à ses côtés afin de l'écouter, interrompant ainsi ma lecture. Nous avions disserté sur l'attachement aux pokémon, enfin, surtout elle. Moi, l'expérience me faisait bien trop défaut aussi je ne pouvais pas être aussi performante que je l'eus voulu. Le sommeil finit par me la ravir et je dus la porter avec mon père jusqu'à sa chambre. Ce genre « d'aventures » nous amusait beaucoup.

Le manuel était donc là, mais pas seul. Il se trouvait entre les mains d'un beau jeune homme, aux longs cheveux bruns ondulés, assis nonchalamment dans l'un des vieux canapés vermillon du salon. Il devait avoir environ mon âge, sans doute un peu plus. Il adopta prestement une attitude moins « négligée », si l'on put dire, lorsqu'il orienta ses grands yeux noisette vers moi. Mon aplomb naturel ne m'aurait quitté si la tenue que je portais avait été convenable. Apparemment, de mémoire de pantalon, aucun pyjama ne s'était, un jour, transformé seul en un ensemble Jean/T-shirt. Le mien ne fit donc pas exception. Quant au garçon en face de moi, il semblait plutôt amusé. Pour ma part, je me sentais extrêmement mal à l'aise... Gênée presque.

« Bonjour » dit-il doucement.

Quelle voix mélodieuse...

« Euh... Et flûte ! »

Je fis machine arrière et remontai en quatrième vitesse au grenier. La porte de ma chambre close, je me laissai choir dans mes draps, encore défaits, roulés en boule, et haussai un sourcil. Au prix d'efforts colossaux, je me traînai jusqu'au miroir rond accroché au dessus de la plante verte à moitié fanée et inspectai mon reflet. « Tu es complètement timbrée, ma pauvre Marine... C'est affligeant. » Je me mis à rire de moi même et entrepris de m'habiller. J'étais de corvée pommes de terre ce matin, plus tôt je commençais, plus tôt je finissais... J'enfilai des vêtements présentables, me coiffai un brin avant de rejoindre de nouveau le rez-de-chaussée où, d'après les battements d'ailes caractéristiques du gros dragon orange, mon père devait être en ce moment.

« Marine ! Nous avons un nouveau pensionnaire ! Je te présente Lionel. Il est venu chercher un œuf de pokémon afin de bien débuter son voyage initiatique. Il va rester un peu, déclara Phil lorsque je fus assise à ses côtés.
- Marine, enchantée, fis-je fièrement. Je ne doutais pas que cela eût pu décontenancer le jeune homme, qui m'avait vue de si mauvais poil quelques secondes auparavant.
- Lionel, moi aussi. » Répondit-il en arborant un joli sourire.

Il était très séduisant : le nier n'aurait été que pure et simple hypocrisie. Il ne semblait pas en avoir conscience, ce qui ne pouvait être que bénéfique dans la mesure où le narcissisme est une nuisance inutile. Chacun observa l'autre rapidement ; j'aurais aimé déceler un petit quelque chose qui témoignerai d'un intérêt vague mais ce fut vain. Amusée, j'attrapai une pomme de terre et l'épluchai en fredonnant machinalement l'horrible chanson « Stay with me Rattata » des Pokélovers, le boysband à la mode, qui passait à la radio.
Cette matinée se déroula plutôt bien. Les livres attendaient sur la table de l'entrée qu'on les ramenât, excepté le plus gros d'entre eux et j'avais bien envie de m'entraîner à combattre... Or, mon père avait repris Torterra et aucun pokémon ne me plaisait autant que la grosse tortue et son arbre dorsal. Aussi, je me gardai bien de demander quoique ce soit au paternel. Je ne sais pas comment mais je trouvai le temps de discuter davantage avec Lionel. En réalité, il devait commencer son voyage initiatique mais ne semblait pas bien pressé : quitter son chez-lui l'avait un peu éprouvé. Il venait de Johto apparemment mais l'on en savait pas plus. Retarder son départ officiel, c'était rester encore un peu spirituellement avec ses parents.
Lionel était très dégourdi, il n'hésitait pas à braver les dangers du Domaine et se fit bon nombre de fois courser par une espèce de rhinocéros en pierre en tentant de le dessiner. Trop actif à mon goût, je supportais difficilement cet excès d'énergie, moi qui avait été habituée au calme et à l'inactivité surtout. A ses côtés, se baladait sans cesse un petit monstre bleu et noir, adorable, et pour clore le tout, aussi speed que son maître. J'en vins à me poser une question : je dois avouer qu'elle me paraissait quasi existentielle ; « Comment trouver un peu de tranquillité avec deux excités pareils ? »
Au fil des semaines, on apprit à se connaître. Je finis par trouver en lui un ami inestimable. M'intéresser à autre chose qu'aux livres n'était pas tâche aisée, et pourtant, il réussissait à merveille sans en avoir conscience. J'adorais l'écouter raconter l'histoire de son voyage, de Johto jusqu'ici, sa rencontre avec son pokémon-frère-siamois – « C'est un Okéoké, il est très fort » - et ses péripéties afin de trouver un logement.
En plus de ça, le jeune homme aimait à rendre service. Il effectuait ainsi plusieurs tâches ménagères par jour et, outre le fait d'être exempt de tout reproche sur ce plan la, s'attira rapidement la sympathie de mes parents qui, non content d'avoir un technicien de surface volontaire dans la maison, voyaient en lui, selon mon humble avis, le fils qu'il n'avaient pas eu. Ça ne me dérangeait pas, au contraire même : d'une certaine façon, je n'avais pas l'habitude d'être très efficace au sein de l'habitation et Cyrielle ne manquait jamais une occasion de me faire des réflexions en présence de Lionel : cela avait le don de m'agacer au plus haut point, d'autant plus que je ne savais pas si je devais éprouver quelque jalousie. J'avais vite compris que ce n'était pas la peine.
Mes parents lui fournissaient également de nombreux conseils, destinés à l'aider dans sa quête future, des paroles que le jeune homme buvait avec passion ; il faut dire qu'il considérait mon père comme un demi-dieu et ma foi, je n'étais jamais loin pour grapiller deux trois informations intéressantes et si gracieusement offertes.

D'un autre côté, je multipliais les sorties avec Torterra que Phil m'avait confié à nouveau, redécouvrant l'extérieur, réapprenant à profiter de l'instant présent, cueillant le jour. L'œuf qu'on légua à Lionel éclos peu après. C'était un Tortipouss : le pokémon fit ses premiers pas sous l'œil ébahi de la grosse tortue qui voyait en lui l'occasion de manifester son instinct paternel incroyablement développé - « Torterra est la seconde évolution de Tortipouss. » - Il était devenu l'un des admirateurs du jeune homme, formant une sorte de « fanclub », ou une secte, tout dépend du point de vue, avec Okéoké qui sautillait encore et toujours. « In-cre-vable », pensais-je souvent. Mes balades se terminaient donc rapidement et je me sentais délaissée, ceci couplé à une impression de vide, qui se comblait au fur et à mesure des mes pérégrinations en solitaire. Heureusement, Torterra, doté d'une intuition phénoménale, ne manquait jamais de venir me réconforter, et je lui en étais reconnaissante.

Les journées s'allongeaient, je rentrais de plus en plus tard en raison de mes escapades avec le quatuor infernal bien qu'il arrivait que je sois seule, Lionel préférant s'entraîner avec Tortipouss. Ce fut le cas lors de cette soirée. Je regagnai la maison aux alentours de neuf heures du soir. La cuisine était encore allumée et dans la salle à manger résonnaient les rires des pensionnaires joyeusement attablés. Ma mère préparait le repas en suivant une vieille recette et mon père lisait le journal de la veille, à l'envers qui plus était. Chacun d'eux sursauta lorsque je passai le pas de la porte.

« Déjà rentrée, chérie ? Demanda Cyrielle qui semblait visiblement embarrassée.
- Que se passe t-il, maman ?
- Lionel est allé se coucher, tu sais. Il est rentré plus tôt. Il était fatigué.
- C'est bien pour lui, répondis-je, en enlevant mes bottes, sans vraiment comprendre l'intérêt d'une telle discussion.
- Bon, ne tournons pas autour du pot plus longtemps. Ta mère veut te dire qu'elle aimerait que tu t'occupes de Ponyta. Attends avant de me répondre avec la véhémence dont tu as le secret ! Je t'explique, tu rouspèteras plus tard... Ta mère a essayé de l'occuper cet après midi, sans succès. Elle ne semble s'intéresser à rien. Elle a besoin de se sentir acculée pour réagir. Nous savons que tu n'aimes pas foncièrement les pokémon, or, je pense que la haine que vous éprouvez chacune de votre côté pourrait revenir à une sorte d'équation mathématique. Quelque chose s'annule si elle se trouve sur chacun des plateaux de la balance..
- C'est bien simple. Si maman ne peut pas l'amadouer, je n'en serai pas capable. Vous me demandez l'impossible ! Ce ne sont pas tes théories pseudo-scientifiques qui vont me persuader à aller me farcir ce pokémon qui a le feu aux fesses, passe-moi l'expression !
- Je suis sûr que ça serait un challenge intéressant... - Il marqua une pause. - Un premier pokémon, c'est comme une âme sœur ; lorsque c'est le bon, il s'impose à toi sans demander ton avis et il te reste fidèle jusqu'à ce que vous trépassiez... ensemble.. » Conclut mon père.

Un lourd silence s'abattit sur la pièce. Cyrielle était retournée à la cuisson de l'omelette au lait d'Ecremeuh, et mon père baissait les yeux. Que voulaient-ils que je fasse ? C'étaient tous deux des dresseurs hors pair. Je n'avais ni leur expérience, ni leur aisance, ni leur talent. Et encore moins l'envie et la passion qui les animaient. Et cette notion d'âme-sœur... Valable en amitié, en amour et voilà qu'elle se vérifiait aussi avec les pokémon ?

« J'aimerais que tu y réfléchisses, Marine.
- ...
- En attendant, je pars demain en haut de la montagne et ton père est appelé pour une mission urgente à Azuria. Nous ne serons pas là pour accueillir les éventuels pensionnaires qui s'ajouteront à notre horde de petits malades. Tu pourrais te charger de la réception. Juste pour une journée, les comptes sont faits, tu n'auras qu'à écrire les virements sur un papier soigneusement et me le rendre. Lionel pourrait t'aider..
- Ça, c'est dans mes cordes.
- Au moins une chose de faite ! Se réjouit ma mère. Bien que ce ne soit pas la plus importante... »

Ils m'agaçaient tous les deux. Je décidai de monter dans ma chambre et de n'en sortir que lorsque j'aurais pris ma décision. Ponyta... Pourquoi exerçait-elle sur moi une telle fascination ? Au fond, cette réponse que je cherchais, j'avais eu la réponse au moment même où ils avaient émis l'idée que je pourrais m'occuper du pokémon. C'était l'occasion d'en apprendre plus sur elle, sur les bêtes qui peuplaient le Domaine, et mieux... sur moi.

***

J'attrapai un petit sac, y fourrai quelques objets précieux comme le petit pot contenant l'onguent donné par ma mère, le plus petit des manuels que Phil m'avait ramené, intitulé « Survivre avec un pokémon sauvage ; les attitudes à avoir et celles à éviter impérativement » qui me parut tout à fait indiqué. J'y ajoutai un paquet de gâteaux de riz et prévis de préparer un peu de thé : m'endormir avec une furie pas loin de moi relèverait du suicide.
J'avais décidé de me rendre dans ce fichu enclos et d'y passer la nuit. Ce pokémon ressemblait à un cheval et ayant fait un peu d'équitation plus jeune, j'avais instinctivement adopté le principe de l'éthologie. Nous ne parlions pas le même langage, à moi de faire des efforts pour la comprendre grâce aux mouvements du corps. Ça allait être folklorique.

Je passai à petits pas près de la chambre de Lionel qui ronflait un peu, sans doute embarqué dans un rêve agité plein de pokémon, de filles pourquoi pas et de danger, avant de descendre l'escalier grinçant. Mes parents toujours immobiles dans la cuisine, j'hésitai à parler, j'estimai que c'était à la limite du nécessaire, c'est pourquoi je m'abstins. Un dernier regard leur indiqua que je sortais et mieux, que j'acceptais. Cyrielle poussa un soupir de soulagement et Phil me fit un clin d'œil.
Il faisait très frais, nuit, et pour couronner le tout, c'était une soirée où le vent avait choisi de sortir le bout de son nez.. Je retournai dans la cuisine pour attraper un manteau...

« Il fait froid hein ? S'écria mon père en se tapant la panse.
- Oui, je sais, merci papa... En été c'est le comble. »

Je claquai la porte. Sifflotant l'air de « Never forget tonight » d'Evolution, un groupe que j'appréciais, je cherchai l'enclos de Ponyta. La nuit était noire et se repérer était plus difficile que de jour. Je la trouvai finalement derrière la buanderie extérieure, broutant calmement, les flammes de sa crinière tanguant délicatement au gré du vent. Je n'avais pas peur, j'étais plutôt totalement indifférente à ce qui allait se passer, à ce qui devrait se passer peut-être même.

«  Il fait chaud tout à coup... Oups, elle m'a vue, et ça n'a pas l'air de lui faire super plaisir. HEEEY ! Mais ça va pas non ?! »

Avec ce que j'apparentai à un sourire narquois, la jument me fixa quelques instants avant de m'envoyer en pleine figure une gerbe de flammes. Cela s'annonçait sportif. Il fallait mettre tout de suite les points sur les « i ».

« Écoute-moi ma cocotte... On m'a demandé de venir pour m'occuper de toi, sache que je n'en ai pas du tout envie ! Ce dont j'ai envie, c'est de vivre longtemps pour voir des choses un peu partout. Tu serais donc bien sympa de ne pas me cuire ce soir, sinon, de un, attends toi à de sévères représailles. Que ce soit par mes parents ou par les pokémon qui te surveillent. Je ne sais pas d'où tu viens, ni ce que tu as fait avant, ni ce pourquoi tu es ici ce qui nous amène au deuxième point. Tu risques fort de retourner dans cet endroit qu'on t'a fait quitter en te déposant ici. Visiblement ça n'a pas l'air de te botter à mort. Je te laisse réfléchir, il paraît que vous autres, pokémon, comprenez le langage humain. Je fais des efforts pour comprendre le tien, reste seule si ça t'amuse. Isole-toi. »

Je passai devant elle et allai installer mon camp de fortune. Je potassai un peu ce fameux livre qui trônait dans mon sac avant de fermer les yeux. Voilà bien longtemps que je n'avais passé une nuit à la belle étoile. C'était agréable. Le vent effleurait les brins d'herbe qui ployaient docilement sous les caresses de l'alizé, il animait la vallée, la rendait musicale... Des pokémon sauvages hululaient dans les arbres ; il se jouait ce soir un concert étrange, des mélodies douces et tendres, des complaintes délicates. Ce fut comme si l'environnement saluait mon arrivée, mon immersion en son sein. J'y étais extrêmement sensible. Le vent souffla très fort et me piqua les yeux tandis que je souriais : des larmes de joie coulèrent sur mes joues déjà rosies par le froid. La Nature semblait en paix...
C'est étrange. Les paroles simplettes de « Never forget tonight » me virent à l'esprit. Je les fredonnai inconsciemment en regardant Ponyta. Accompagnée de l'orchestre nocturne, je chantai... avant de m'endormir.

...

Never forget this night
Where we met at the moonlight
Now I won't try to fly away
Our hearts are bound, it's okay...