L'exil familial (Texte Facebook)
(Période sèche pour Smirnoff alors un texte original par jour)
Ces journées là, je les aborde toujours avec une véritable douleur dans le ventre. Ces journées, je sais qu'elles vont être à la fois pleine de sens et proprement inqualifiables. Ces jours là je voudrais disparaître en fait.
Il s'agit d'un rituel commun et ponctuel, ce serait difficile pour moi d'y échapper. En fait il y aurait un raccourci simple mais la seule idée me débecte. Je pourrais effectivement me délecter avec eux de ce spectacle dégradant mais je n'ose pas. Ma conscience est en jeu. Pourrais-je me sentir encore un être humain si je regarde "ça" ? Cette horreur ? Cette poussée d'inhumanité ? Ce spectacle dégradant à la fois pour celui qui regarde et pour celui qui exécute des mouvements aussi affreux, insensés, offensants ?
Jamais je n'ai pu m'y résoudre et jamais je ne m'y abaisserais. Je suis peut-être tout ce qu'on veut mais je ne suis pas un détraqué. Je refuse de le devenir comme ma famille.
Ainsi, les soirs où cela se produit, j'ai développé une habitude monacale. Je décidais par signe de protestation de ne pas manger avec eux, de me désolidariser de la table principale et de les laisser à leur "festin nu", à leur décadent bordel, à leurs activités immondes et débilitantes.
Plusieurs fois j'ai pensé faire cesser tout ça. Oui, plusieurs fois mon esprit a reçu ces décharges préalables d'adrénaline à la seule idée que je puisse arrêter tout ça. Il m'aurait fallu un grand courage, courage que je n'avais pas, en fait. J'ai toujours regretté cette lâcheté face à des actes aussi barbares commis sous mon toit. Le rôle d'un fils n'est-il pas comme pour un père de protéger sa famille ? Eh bien moi je suis un mauvais fils, un traine-la-patte, un scélérat, un minable. Je n'ai même pas droit au titre d'homme puisque je ne suis pas capable d'empêcher le drame.
J'ai toujours su remarquer à l'avance les signes annonciateurs d'une soirée de ce genre : Ils trépignent, ils citent des noms connus, semblent enjoués d'une passion qui m'échappe, d'un feu qui ne me brûle point. Ils parlent de tout ça comme si moi j'étais mort. Parfois ils se moquent de moi parce que je refuse de me prêter à cette cérémonie satanique. Ils ne me comprennent pas, et je ne ferais pas l'effort de les comprendre. Ce serait un suicide moral.
Régulièrement je leur fais bien savoir que ce qu'ils font ces soirs là me dégoûte. "Mais comment vous pouvez regarder ça ?" ils ont bien du mal à me répondre. Ils ne savent pas en fait. C'est une sorte de nature animale qui les y pousse, une forme d'instinct. Ils regardent parce qu'ils regardent. Et moi je reste seul à ma table tandis qu'ils se baffrent devant ça.
J'ai parfois même l'impression de ne pas être de cette famille, ces soirs là.
Et c'est une sensation dégueulasse, un vide profond, sale. Si on n'existe pas dans sa propre famille, où existe t-on ? Sans cette empreinte dans la vie sociale, qui est-on vraiment ?!
Mais qu'importe je me tiens à mon serment et je ne le lâcherais pas.
Quitte à être un paria, un exclu, un rebut de la société, moi, Mickaël, je refuse par dessus tout de devenir un sous-homme et d'être asservi par ce spectacle stupide, inhumain et dégradant.
Je n'ai jamais accepté l'obscénité dans ma tête, ce n'est pas maintenant que je vais le faire.
Je suis tolérant, ouvert et tout ça mais il y a des limites, quoi.
Alors c'est dit. Je persiste et signe.
Ce soir, comme à chaque fois, comme à chaque soir qui s'annonce de la sorte, je refuserais catégoriquement de participer au visionnage du match France/Roumanie, parce que je déteste plus que tout au monde le football. Et c'est pas prêt de cesser.
Article ajouté le Vendredi 11 Septembre 2009 à 12h36 |
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