Coming-out (Texte Facebook)
Vivre une vie secrète n'est jamais facile. Quand on est en permanence auprès de ses parents chaque jour, avec cet espèce de secret lourd sur la conscience, on a toujours le sentiment de ne pas être soi-même.
Noé savait qu'il avait été nommé ainsi par sa mère parce qu'elle avait toujours été fascinée par le mythe de l'Arche. Elle avait toujours dit à son fils qu'il portait le fruit d'un acte de bonté. "Tu portes le nom d'un homme qui a décidé que les animaux, au même titre que l'homme, devaient survivre au déluge. C'était un homme qui avait tellement d'amour en lui qu'il voulait que chaque vie survive sur cette terre."
Si elle savait...
C'est ce que Noé se disait en permanence depuis qu'à 15 ans il avait découvert sa différence. Il avait décidé qu'elle ferait sa force. Qu'elle serait sa canne de berger. Qu'il serait le Noé de sa propre Arche et qu'il délaisserait celle des autres, les "normaux". Qu'au final il ne serait pas un homme bon mais un homme autre.
Aujourd'hui à dix-sept ans, il sentait que ça devenait de plus en plus difficile. Qu'il devait peut-être tout dire à ses parents. Qu'ils sachent, parce qu'ils méritent de savoir. Ce sont ses parents après tout, merde. Comment peuvent-ils prétendre bien le connaître alors qu'il leur cache ça ? Et ça, c'est tellement part de lui.
Ce soir là, il rencontre son partenaire de jeu. Il s'appelle Erwan. Noé aime bien Erwan. "Toi, au moins, tu portes pas le nom d'un gars dans la Bible", lui avait dit Noé.
"Ouais, mais toi tes parents ont cherché autre part que dans la liste des prénoms populaires..."
Pas faux. Il y avait une distorsion entre la banalité du nom d'Erwan et son caractère atypique. C'était un pur génie du mal, avec la beauté et l'originalité macabre des génies, mais aussi cette volonté profonde de blesser les autres avec son charme et sa fureur amicale. Quiconque n'était pas aussi beau devait comme s'abaisser à lui parler. Erwan était beau comme un britannique, avec tous les paradoxes que cela comportait. Un visage marqué, sec, dur, franc et de belle constitution. Une cathédrale, ce visage. Quand Erwan souriait, c'était le soleil qui pénétrait la bâtisse.
Noé quant à lui se sentait terriblement simple à ses côtés - ce qui expliquait sûrement la nature de leur relation. Il ressemblait à ce genre d'adolescent déprimé typique, le regard las, les cheveux plutôt courts, front nez et menton communs. Seuls des yeux d'un brun lumineux honoraient ce visage d'une certaine originalité. Et puis cette attitude physique un peu courbée qui ajoutaient au côté rêveur.
Ce soir là, c'est le grand soir. "Et il y en aura d'autres..." sourit Erwan en citant la série Dexter. Ils aiment bien regarder cette série tous les deux. C'est un moment agréable pour chacun. Chaque nouvel épisode était sujet à une invitation, un rendez-vous, puis à une réunion, un soir. Et chaque soir de Dexter, c'était l'extase. Ils y trouvaient tous les deux leur compte. Chaque bonne scène avec Michael C. Hall captait toute leur attention. "Toi, tu fantasmes sur lui !" ricana un jour Erwan. "Pas faux. Il me fascine assez..." avouait Noé.
Noé se demandait s'il devait le dire à ses parents. Ce plaisir malsain qu'il trouvait avec Erwan. Car oui c'était un plaisir malsain. Chaque fois il se sentait brûlé de l'intérieur quand il agissait à l'unisson avec lui.
Un jour Erwan donna rendez-vous à Noé. Pas pour un Dexter cette fois.
Ils se retrouvèrent devant une maison de retraite. Noé rejoignit Erwan. Le garçon au prénom banal passa des lunettes de soleil à son confrère biblique.
-Je SAVAIS que c'était un rendez-vous galant !
-Tu aimes ?
-Très original ! sourit Noé.
Ils dirent rendre visite à une certaine madame Devert. La réceptionniste ne se méfia absolument pas quand ils dirent être frères. Erwan et Noé se dirigèrent vers la chambre donnée et enfilèrent les lunettes.
Ils pénétrèrent dans la petite pièce où la vieille dame était dans un lit d'hôpital.
-Oh... Bonjour jeunes gens. Que me vaut l'honneur de cette visite ?
Erwan et Noé regardèrent Madame Devert, la petite vieille face à eux.
-Madame Devert, nous sommes là pour ajuster vos oreillers.
Erwan s'empara de l'oreiller de la vieille femme avec une violence certaine. La petite tête ronde de la femme tomba brusquement sur le matelas.
-Ooh... Doucement, jeune homme.
Erwan frappa le sol avec l'oreiller. Il hocha la tête.
-Bien dur... Bien plein... Maniable.
La vieille dame regarda les adolescents, étonnés.
-Vous n'êtes pas des infirmiers...
Erwan passa l'oreiller à Noé tout en allant couper le fil du bouton d'alarme.
-Mais... Mais qu'est-ce que vous faites ?
Erwan regarda Noé qui la sentait, la colonne vertébrale qui brûlait sous l'excitation. Le plaisir de savoir qu'il allait le faire. Réaliser ce qui lui donnait tant de jouissance quand il était avec lui.
Noé abattit l'oreiller avec force sur les jambes de la vieille dame. Le coussin claquait sur les jambes couvertes de l'ancêtre.
-AAAAAAAAAAAHAHAAAAAAAAAAAAA !!!
-Encore !! cria Erwan, excité.
Bam, bam. Noé s'en donnait à coeur joie. Et elle hurlait, elle hurlait.
-DOUX JESUS ARRETEZ !!! AAAAAAAAAH MON DIEU AAAAAAH !!!
-Continue, vas-y !!
Noé frappait les jambes de la vieille dame avec vigueur. Erwan observait le tout, amusé. Quand Noé fatigua, Erwan regarda la vieille femme apeurée.
-Pitié... Pitié ne... Ne me tuez pas...
Erwan eut un sourire de jouissance, cette soumission totale à sa volonté était pour lui une sensation divine. Il regarda Noé qui lui lança un sourire d'encouragement.
Erwan saisit les flasques tétons de la vieille femme et vrilla les poignets très vite.
-OOOOOOOOOOOH NON OH MON DIEU AAAAAAAAAAAAH !!!!
Noé ricana, fasciné qu'il était par la souffrance. Et la pauvre vieille était tout simplement horrifiée, endolorie, secouée. Son cœur battait plus vite qu'il n'avait jamais battu. La cruauté face à elle ajoutait à cette peur terrible. Ces deux jeunes étaient prêts à tout, et s'ils fallait la tuer, ils le feraient. Elle le savait, elle l'avait lu dans ses yeux.
Erwan s'éloigna après trois torsions de tétons. Noé sourit.
-On reviendra cette nuit vous couper les cheveux !
-Et on vous les fera manger ! ajouta Erwan.
Bien sûr ils ne comptaient pas revenir mais le simple fait de provoquer chez cette vieille dame une paranoïa d'une telle ampleur leur était jouissif.
Une infirmière ouvrit, visiblement blasée.
-Madame Devert, arrêtez de hurler, vous dérangez tout l'étage.
-Oh, oh...
-Au revoir, grand-mère !
-A plus tard, mamie ! Désolé que tu aies arraché ton bouton d'alarme !
Les deux partirent et retirèrent leurs lunettes de soleil. Une fois dehors, ils firent un bon vieux tope-là.
-C'était génial. J'en ai encore les tripes en vrac !
-Torturer une vieille, y'a que ça de vrai...
-Ouais... Tu veux faire autre chose, Noé ?
-J'sais pas... On pourrait essayer Damages, j'ai téléchargé la saison 1 !
-Pourquoi pas ?
Ils se dirigèrent vers chez Noé. Sur le chemin du retour, le jeune Noé se demandait si un jour il aurait le courage de dire à ses parents ces quelques mots si simples mais pourtant si compliqués, si difficiles à formuler mais qui constituent pour lui une telle philosophie de vie :
-Papa, maman... Je suis un sadique !
... et ainsi il aurait enfin réalisé son vrai coming-out
Article ajouté le Jeudi 10 Septembre 2009 à 15h23 |
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