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L'AnalysaBlog
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Petite analyse transgénérationnelle : rêverie poétique
L’azur, entre ciel et mer
Dès la 1G, Pokémon s’est construit à partir de couleurs ( je sais, jusque là rien d’extraordinaire mais il faut bien une accroche ). Donc, disais-je, l’imaginaire Pokémon est axé, dès Kanto, sur des couleurs. Mais se valent-elles toutes ?

Intéressons-nous à la 4G. Quelles couleurs y trouve-t-on ? Et bien, une seule : l’azur. Partie d’Azuria, la couleur de l’azur ne constitue plus l’identité d’une ville dans la 4G mais elle sert à qualifier un objet : la Flûte azur. La question est alors de savoir comment l’azur en est arrivé à ce stade. Comment est-on passé de la ville d’Azuria à la Flûte azur ? Nous essaierons de répondre à cette question en voyageant au travers des générations. Et, par là même, nous tenterons de comprendre pourquoi l’accès vers Arceus est justement cette couleur azur.

I. La couleur du mystère

Quelle que soit la génération concernée, Azuria est « baignée » ( 3G ) / « entourée » ( 2G ) d’une aura d’un bleu mystérieux. Nappée dans l’azur qui constitue son nom, Azuria est la ville du mystère, du brumeux. Par rapport à Carmin sur Mer qui est la ville étincelante, Azuria offre un autre aspect de la mer. D’un pâle éclat, elle montre une mer qui se dérobe face au joueur étant donné qu’il ne peut la franchir. Non portuaire, Azuria est une fausse promesse du large. Elle n’est qu’une eau saumâtre où les sentiments ne pourront que se troubler. Que l’on pense aux gens jaloux de Léo ou au voleur de la Team Rocket, dans tous les cas Azuria est une sorte de cloaque où toute la malveillance du monde stagne. En effet, Azuria est la ville prison du jeu. Alors que Safrania est inaccessible au joueur qui se situe à l’extérieur, Azuria retient celui-ci prisonnier à l’intérieur. Le petit opuscule Gratuit pour tous les fans de Pokémon ( vous savez ce livret que l’on avait avec les versions en 1999 ) titrait : « Coincé à Azuria ». Entre la police, l’arbre que l’on ne peut pas couper et l’impossibilité de retourner au Mont Sélénite, Azuria prend au piège. Si le Rocket vole la CT 28 ( Tunnel ), ce n’est sans doute pas pour rien…

Laissons Azuria de côté pour l’instant car cette idée de pôle de malveillance se retrouve dans la ville de l’azur de la 2G soit… Irisia. Pourquoi Irisia ? Et bien, son nom anglais est CyanWood et cyan renvoie bien à la couleur bleu ciel soit à l’azur. De plus, le panneau indique : « Un port entouré d’une mer bien déchaînée ». Reléguée aux fins fonds de Johto, Irisia est une ville isolée, bloquée par la mer. Contrairement à Oliville ( qui communique avec Carmin sur Mer par le biais de l’Aquaria ), elle n’a pas ce dynamisme impulsé par la lumière de Phary. Tous ceux qui se rendent à Irisia ne pensent qu’à une seule chose : partir d’Irisia en apprenant Vol.

Prison, l’azur semble être un repoussoir dans la symbolique de l’univers Pokémon. Cependant c’est à cet endroit que le mystère se concentre et, dès qu’il faut aller dans les limbes de l’existence, l’azur est un passage obligé. En effet, l’azur pose la question de l’identité, du nom. Le papi dans le Centre d’Azuria dit que les gens sont jaloux de Léo car il accapare le titre de PokéManiac. Or, ne sommes-nous pas tous un peu PokéManiacs ? Question de rapport à soi, cette jalousie malsaine montre ce que nous pouvons avoir de plus puéril dès que notre identité est en jeu. En étant le seul PokéManiac reconnu, Léo pique l’orgueil du héros d’autant plus qu’il montre des Pokémon rares à son rival alors que le héros doit se contenter de les voir sur PC ! A Irisia, le PokéManiac est Mania. Son nom en fait de manière évidente un être univoque : il n’existe que par les Pokémon rares qu’il possède. Le vol de son Farfuret par un garnement aux cheveux rouges va remettre en cause tout son univers. A la recherche de son soi propre, il décide de se débarrasser provisoirement de son Caratroc ( je sais vous y perdez au change par rapport à votre rival ) afin qu’il puisse se reconstruire ( en surmontant son petit penchant parano ). Comme l’homme d’Azuria ( celui auquel on vole Tunnel ) décidant de faire « contre mauvaise fortune bon cœur », il incarne une tentative d’instaurer un autre rapport au monde.

Dans le domaine de l’azur, tout dévoilement suppose un voile, une ombre à dépasser. Installé à Irisia, le PokéDevin de la Cristal est un avatar de cette dimension apocalyptique de l’azur ( je rappelle que le premier sens d’Apocalypse est révélation, dévoilement. Le sens Armageddon ne vient qu’après ).

Dès lors, les villes de l’azur vont être des lieux où vont être concentrés tous les mystères, tous les éléments à l’identité trouble.

* Met ses gros sabots *

Et justement, à Azuria, il y a… la Cave azurée ( tadamm ! ). Ici, on peut exploiter les deux noms de ce donjon : Cave azurée / Grotte inconnue. L’azurée devient dès lors l’inconnu et entrer dans l’antre de Mewtwo est une plongée dans l’inconnu. En théorie on ne sait pas qui est dedans et le message à Cramois’Iles nous laissait plutôt penser à ce que cette grotte soit le repaire des Oiseaux Mirages. L’aura perturbatrice d’Azuria nous fait croire ( encore, je sais ) des choses qui ne sont en fait que mirages. Au fond des brumes de la grotte, se trouve la réponse finale du jeu sous la forme d’un Pokémon qui ne sait pas quelle est son identité et face auquel nous, humains, nous avons encore du mal à discerner nos responsabilités.

Etrangement, tout ce qui a été dit jusqu’ici est cristallisé dans le polysème français qu’est le mot vol. Entre vol d’objets et de Pokémon / vol d’identité et vol aérien / aspiration à partir, l’azur est un rapt : c’est une couleur qui emporte contre notre gré mais dont nous espérons également que l’on en sera emporté.

II. Une aspiration au céleste

Les valeurs classiques de l’azur sont la mer et le ciel. Cela sous-tend toute la partie précédente. Or, il faut se mettre en tête que le ciel et la mer ne sont en fait que des miroirs l’un de l’autre. Cela explique la place de l’azur à partir de la 3G.

Par rapport au vocabulaire chromatique des deux premières générations, la 3G a constitué une rupture en se basant plutôt sur un lexique plus concret ( comme le culinaire : Poivressel, Mérouville,… ). Dans un tel système, l’azur se dissout. En effet, deux villes semblent avoir pris la relève d’Azuria : Atalanopolis ( présence de l’arène eau, Grotte origine brumeuse ) et Pacifiville ( Ile mirage, Pilier Céleste ). Pourtant, alors que toutes les autres couleurs disparaissent ( à l’exception de la lavande avec Lavandian et du vermeil de Cramois’Iles avec Vermilava ), l’azur se maintient avec des villes reprenant exactement la symbolique initiée par Azuria. Ville perdue au beau milieu de l’océan, Pacifiville reprend l’Azuria de la 2G. Portant le panneau « Non au vol. Oui au bonheur. Police d’Azuria », l’Azuria de la 2G est une Azuria vampirisée par Irisia. Elle ne porte plus sur elle que les vestiges passés du trouble qui la nimbait ( l’ancienne présence de Mewtwo ne transparaît que par le biais de l’ADN Berzerk ). Havre de paix, Pacifiville ( où l’idée de paix se mêle à celle de l’océan ) est une ville du bonheur où les gens ignorent ce que le passé a laissé en ces lieux. Oublié, le mystère n’en continue pas moins d’exister. Scrutant la mer depuis sa petite fenêtre, le vieil homme guette un mirage semblable à celui des Oiseaux mirages de la 1G. Sous l’effet de l’azur, tout se trouble et la vérité ne passe que par le plongeon au plus profond du Sanctuaire marin ou par l’ascension du Pilier Céleste. Allégorie de l’ozone, Rayquaza est l’azur absolu dans toute sa magnificence.

De l’autre côté, Atalanopolis rappelle par son nom le mythe de l’Atlantide. Ville cachée du monde extérieur, c’est un cratère, une prison au milieu de l’océan. Doublet de Pacifiville, c’est la ville qui incarne le trouble humain de l’azur. Paniqués, les habitants ne savent que faire face au réveil du Pokémon légendaire( Kyogre / Groudon ). Chargés depuis des temps immémoriaux de garder la Grotte origine, c’est la totalité de leur identité qui est remise en question tandis que leur être est menacé ( ils risquent quand même de mourir suite aux changements climatiques engendrés par le légendaire ).

Couleur du mystère, l’azur fait des villes qui l’incarnent des lieux en contact privilégié avec le divin, avec une puissance qui dépasse l’entendement mais qui fascine. Dans la 2G, un garçon d’Azuria parle d’un Pokémon « monstrueusement balèze » qui vivait dans une grotte. Trois ans après, alors que la grotte a disparu, le souvenir reste vivace. En lien avec le Mont Mémoria, Atalanopolis confirme bien ce lien entre l’azur et la mémoire. Par la parole qu’il engendre, l’azur est un point d’accès à une forme d’éternité : celle de la mémoire humaine, celle de l’Histoire.

Petit arrêt ici avant de reprendre pour parler journal. Dans la 1G, l’un des personnages du Centre Pokémon du Mont Sélénite dit face à son journal : « La Team Rocket a encore attaqué les habitants d’Azuria. Damnation ! ». Transparaît d’une part que l’azur a un lien privilégié avec l’écrit. Seul moment du jeu où l’on se trouve en présence d’un journal, cet épisode est capital. Cette mise sur papier de l’azur dans un but de souvenir est poursuivi à Irisia avec la création du photographe proposant une photo souvenir. D’autre part, l’interprétation de l’article que nous propose ce personnage suggère un lien entre Azuria et l’enfer, la damnation. Oscillant entre retour sur soi et conflits stagnants, l’azur est un amas d’ambiguïtés. Couleur céleste, c’est aussi la brume dans laquelle se camoufle le démon. Seul Rocket habillé en civil, le malfrat du Pont Pépite est une figure diabolique de par le fait qu’il est une voix tentatrice proposant de vendre son âme au diable, à la Team Rocket en échange d’une Pépite d’or. Ville occulte, Azuria est une ville de l’alchimie où tout suit l’antique devise Ad Obscurum per obscurius ( parvenir à l’obscur en empruntant des chemins encore plus obscurs ).

III. Entre mémoire et savoir inhumain

En voyageant de la 1G à la 3G, l’azur a changé de forme et s’est enrichi en sens. De toponyme ( nom de lieux ), il est devenu une couleur du paysage dont les noms sous-entendent l’importance. La 4G va poursuivre ce mouvement et faire de l’azur une couleur encore plus diluée.

La ville que l’on peut considérer comme étant dépositaire de l’azur est Célestia. Ville bloquée par le Mont Couronnée, son accès n’est possible qu’en obtenant la PotionSecrète qui est, justement, la spécialité d’Irisia. Et le nom lui même rappelle le Pilier Céleste et Pacifiville. Il n’y a donc aucun doute sur le fait que l’azur est présent dans cette ville. Les fresques montrent encore une fois que l’azur est la couleur de la mémoire. Renfermant l’image des Pokémon du temps et de l’espace, Célestia est la ville la plus proche du ciel, la plus proche des dieux de Sinnoh.

Mais, une autre ville hérite de l’azur. Il s’agit de Joliberges qui est une ancienne ville portuaire. Comme Azuria et Irisia, elle n’a pas de dynamisme contrairement à Rivamar ( où, en plus, on retrouve Jasmine, championne d’Oliville, et où le champion est le digne héritier de Major Bob ). Cela fait de ce lieu l’endroit idéal pour cette bibliothèque où les livres suintent le mystère. La plupart d’entre eux restent clos pour le personnage tandis que ceux qu’il peut ouvrir parlent de « ? ? ? ». Ville de la brume, Joliberges renferme un savoir inhumain. Chaque lieu y est une énigme qu’il vaut mieux ne pas chercher à résoudre. La vieille auberge est en fait une porte vers le monde du cauchemar, vers l’Ile Nouvelle Lune. Opaque, l’azur peut souvent se transformer en des ténèbres insondables.

Je vais profiter de ce passage sur Darkrai pour mettre quelques considérations sur le retour de la lune dans la 4G. Entre les Iles Pleine Lune et Nouvelle Lune, c’est toute la symbolique héritée du Mont Sélénite qui se remet en place. Déjà Azuria était liée au Mont Sélénite de par sa localisation. Quant à Irisia, elle est la ville des Tourb’Iles où se trouve Lugia qui incarne la nuit dans la 2G. L’azur et la nuit sont intimement liés au fil des générations. Belle et profonde, la nuit est un monde qui fascine et absorbe. Cresselia et Darkrai incarne ces deux visages de la nuit et de l’azur. Cresselia apaise quand la lune est présente tandis que Darkrai trouble quand la lune se cache. Lumière opaque, la lune reste dans la 4G l’astre qui éclaire constamment Sinnoh. Sa présence est signe de paix, son absence : de malveillance. Sans soleil aucun ( ni Sulfura ni Ho-Oh n’étant remplacés ), Sinnoh est la région d’un sombre azur où la nuit est constante mais non sur le même mode que dans la 1G. C’est une nuit où Cresselia parcourt le monde.

Couleur de secrets enfouis, l’azur est la transcription d’un drame du dévoilement. Derrière la beauté bleue d’Azuria, derrière le pittoresque de Joliberges, se cachent une horrible réalité qu’il faudrait parfois mieux ne pas dévoiler. « Sirène en shorts », Ondine incarne cette ambivalence de l’azur : à la fois beauté féminine et être conduisant à la perte de soi, la sirène est un faux phare, un phare amenant vers les ténèbres brumeuses de notre intériorité. De cette figure de la sirène, émerge l’idée de chant et donc de musique. Moyen de parvenir au divin qu’est Arceus, la Flûte azur déploie toutes les dimensions que j’ai présentées jusqu’ici. Sa forme de corail montre ce lien entre le ciel et la mer qui ne sont qu’un miroir l’un par rapport à l’autre. Pokémon alpha, Arceus est un commencement alors que le jeu en est à sa fin. Trouver notre début une fois arrivés à la fin : tel est le système de DP. Une fois l’obscurité traversée, l’identité de ces « ? ? ? » apparaît enfin. Pokémon multitype, Arceus incarne une flexibilité de l’identité : il est Arceus tout en étant une foule d’Arceus différents. Chaque plaque est porteuse d’une inscription qui porte mémoire tout en disant ce qu’est Arceus.

Ainsi, Arceus incarne l’aboutissement de l’azur. Il est ce moment où l’azur est enfin touché du doigt dans tout ce qu’il a de plus complexe. Cependant, on ne fait que toucher du doigt ce mystère qui est en fait la transcription de cette simple question : « Qui suis-je ? ». Inaccessible, l’Arceus au mille bras dont parle la mythologie reste une énigme insoluble. Face au monde que nous ne comprenons pas, l’azur n’est qu’un indice, un début de répondre sur ce mystère qu’est le fait d’être.

« Et le vomissement impur de la Bêtise
Me force à me boucher le nez devant l’azur. »

Mallarmé, Poésies


C’est sur ces considérations que je m’arrêterai maintenant pour vous laisser rêver encore un peu ( d’autant plus qu’il est maintenant plus de minuit et que j’aurais besoin de me laisser aller dans les ailes de Cresselia ). Je profite de ce moment pour remercier les diverses personnes qui lisent ce que j’écrive et qui me laissent des commentaires sur l’AnalysaBlog. Donc voilà, c’est à vous, amis lecteurs, que je dédie cette rêverie assez différente de mes autres analyses. Mais toujours en est-il que le monde de Pokémon n’est pas prêt de cesser de nous surprendre ( j’en viens même à me demander comment je peux trouver des trucs pareils à dire en me basant sur les dialogues d’un jeu vidéo )…
Article ajouté le Vendredi 20 Février 2009 à 17h31 | |

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