25 Octobre 2016
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surprise"Nom d'une pipe, je n'y arriverai jamais !".
Cette phrase, il se l'était répétée des dizaines et des dizaines de fois. Cela faisait déjà plusieurs jours qu'il se levait tôt et se préparait rapidement, afin de pouvoir pleinement consacrer sa journée à son grand projet. Avait-il vu trop grand ? Peut-être. En tout cas, en ce moment, sa tête aussi vide qu'une cruche trahissait son agacement. Il s'acharnait sur sa feuille, avait déjà recommencé cent fois son texte, noirci des pages et des pages de phrases et de mots, sans arriver à les lier entre eux.
"Nom d'une pipe, je n'y arriverai jamais !".
De rage, il jeta son stylo et se leva brusquement. Il se dirigea vers la fenêtre de sa minuscule chambre et l'ouvrit d'un geste vif. La pluie et le vent frais le fouettèrent d'un coup, mais il ne s'en soucia pas. Il respira profondément, tentant de contrôler la rage sourde qui l'habitait. Pourquoi ? Pourquoi n'arrivait-il pas à écrire ? Depuis qu'il avait perdu son travail de bibliothécaire, il luttait contre la dépression chaque jour. Il essayait, essayait...Mais les mots se taisaient. Cela faisait deux mois, ce jour, qu'il avait perdu son emploi. Il serra les dents. Dehors, la pluie avait redoublé. Les gouttes lui tombaient sur la tête et ruisselaient le long de son polo bleu, ce qui le faisait frissonner. Tout à coup, la rage accumulée explosa. Il sentit de grosses larmes de frustration couler le long de ses joues, qui se perdirent dans la pluie battante.
Soudain, un bruit sourd se fit entendre derrière lui. Il se retourna, surpris. Devant lui se tenait un magnifique jeune homme, habillé d'une veste de berger et d'un grand pantalon beige. Il souriait et semblait émettre une sorte d'aura bienveillante. L'écrivain observa l'apparition, subjugué. L'homme lui mit la main sur l'épaule, son contact était chaud et rassurant.
"Ne t'en fais pas. Je suis toujours là pour t'aider à écrire. Respire profondément et imagine..."
L'écrivain referma lentement la fenêtre et, bien que sa tête et ses vêtements mouillés le fissent trembler de froid, s'exécuta et ferma les yeux. Il eut comme une vision qui dura quelques instants, puis disparut lentement. L'apparition était toujours là et continuait à sourire.
"Tu peux écrire, à présent."
Un sourire se glissa sur les lèvres de l'écrivain. Il saisit son stylo, choisit une feuille vierge de son bloc-notes et commença à écrire...
26 Octobre 2016
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surpriseSnif...Snif...
De grosses larmes coulaient sur les joues de l'enfant. Encore une fois, sa maman avait été très désagréable avec lui. Il avait l'impression que, depuis qu'il vivait avec elle, elle n'avait jamais eu un mot gentil ou de remerciement. Pourtant...il faisait tout pour se faire oublier. Discret, réservé, même à l'école, il lui souriait, mais elle ne répondait jamais gentiment. Elle lui faisait toujours des reproches sur "ce qu'il coûtait", ou bien "je n'ai jamais demandé à t'avoir." Les autres enfants l'aimaient bien, jouaient avec lui, sa maîtresse aussi le trouvait dynamique, vivant et attachant. Mais une fois l'école finie et de retour à la maison...
Snif...
"Pourquoi Maman, elle est si méchante, Nounours ? Tu le sais ?". Il câlina sa peluche, un ours beige tout râpé qu'il avait trouvé dans sa chambre et dont il ne se séparait presque jamais.
A sa grande surprise, le Nounours bougea tout doucement les bras, comme pour l'enserrer. Et l'enfant entendit une voix douce et belle lui répondre : "Elle est peut-être méchante avec toi...Mais, dis-toi que nous sommes là."
L'enfant écouta, les yeux écarquillés par la surprise.
"Vous êtes qui ?"
"Je suis un ami. Je te vois, t'écoute, et serai toujours là pour te rassurer. Certains nous appellent "Anges". D'autres ne croient pas en nous. Et toi...Tu mérites bien mieux. Garde courage et confiance. Merci pour ta vie et ta joie."
L'ours en peluche brillait doucement, d'une lumière jaune, enveloppante et rassurante. L'enfant prit peur et faillit crier, mais une partie de lui le retint. Il respira une fois, deux fois, serrant toujours son nounours contre lui. Ce dernier dégageait tout un mélange d'odeurs étranges. Certaines étaient piquantes, d'autres doucement épicées, d'autres très sucrées...Le mélange étrange le fit se calmer petit à petit.
"Ouah...J'ai un ours en peluche qui parle...Et qui m'aime..."
"Et tu n'as pas fini de voir d'autres surprises. Dis-moi...Ta maman, tu l'aimes ?"
Le garçonnet réfléchit un moment.
"Même si elle est méchante, c'est ma Maman...Peut-être qu'elle a des raisons ?"
"Voudrais-tu la voir changer ?"
"Je voudrais qu'elle m'aime aussi, comme une vraie Maman..."
"Cette nuit, tu dormiras bien. Et demain, tout ira mieux, tu verras. Me fais-tu confiance ?"
L'enfant sourit et câlina l'ours.
"Oui. Je t'aime aussi. Merci."
"Fais dodo, mon ami. Je t'aime aussi."
Après avoir câliné une dernière fois l'ours, qui brillait toujours, l'enfant s'endormit, un sourire aux lèvres.
Le lendemain, sa mère, à son réveil, lui demandait pardon en pleurant. A la sortie de l'école, elle le câlina pour la première fois.
22 Décembre 2016
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surprise"Froid..."
La jeune fille se frotta les mains, essayant tant bien que mal de se réchauffer. Elle avait vu passer des milliers de personnes aujourd'hui, et seulement deux d'entre elles s'étaient données la peine de la voir. L'une l'avait saluée poliment, l'autre s'était arrêtée et lui avait jetée un petite pièce de deux Euros dans le chapeau qu'elle tenait ouvert devant elle. A ses côtés, une petite bouteille de bière Duvel, achetée dans un supermarché, lui avait permis de supporter la température qui, chaque jour, tendait de plus en plus vers le négatif.
Elle n'était pas particulièrement belle, mais très digne malgré tout dans sa pauvreté. Lorsqu'ils avaient vus que leur fille virait au punk, ses parents l'avaient jeté dehors sans ménagements.
Dix jours. Cela faisait dix jours qu'elle ne pouvait plus rentrer chez elle, et qu'elle était forcée, bien malgré elle, de dormir ainsi, dans un coin de rue. Elle n'avait pas pleurée et s'était résignée à son sort. Une boîte de salade de légumes et une bouteille de bière par jour. Pourquoi la bière ? Eh bien, l'alcool, ça conserve, non ? Ça retarde la congélation, il paraît...
Un gros soupir s'échappa de ses lèvres, qui forma un nuage de vapeur glacée. Il devait être tard, mais elle ne savait plus l'heure ; sa montre s'était arrêtée il y a deux jours, mais elle continuait, par habitude, de la porter au poignet. La faim lui martelait les entrailles, minant ses maigres forces. Elle se savait faible, et, bientôt, elle partirait comme elle était venue.
La fille se coucha sur le côté, sur la pierre froide, tentant de trouver la position la moins inconfortable pour dormir un peu et oublier.
Tout à coup, elle sentit une main se poser doucement sur son épaule.
Elle se releva doucement, les idées embrumées, et fixa l'inconnu qui l'abordait.
C'était une jeune femme, cheveux coupés au bol, visage fin et élégant, habillée d'un pantalon fourré en jean rouge et d'un manteau épais.
"Pauvre jeune fille...Dis-moi, quel est ton nom ?"
La punk fut surprise, mais elle lui répondit.
"Viens avec moi. Je peux t'offrir un toit, au moins pour quelques nuits. Garde confiance.", continua la jeune femme.
"Je connais une personne qui pourra te faire travailler en te payant bien. Et non, ce n'est pas le travail auquel tu penses. J'ai vu tes mains. Tu as l'air habile..."
La fille fut d'abord prise de méfiance, mais quelque chose au fond d'elle-même lui disait qu'elle ne risquait rien.
"Qu'ai-je à perdre...", murmura-t-elle, puis elle replia ses maigres bagages, et suivit la femme.
26 Décembre 2016
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surpriseIl attendait. Cela faisait trois mois. Trois mois passés sur cette plage reculée, que seuls les satellites connaissaient, sur une île où il était le seul humain présent. Il avait joint l'île à la force des bras, sur un petit bateau, muni du strict nécessaire. Chaque jour, il pêchait quelques poissons et les mangeait sur un petit feu de branches mortes. Chaque jour, il buvait de l'eau de mer dessalée. Il attendait. "Je viendrai ici-même, à cet endroit. Quand ? Je ne sais pas. Serais-tu prêt à tout abandonner pour me voir une fois ?", lui avait dit cette voix dans son rêve. C'était une voix féérique, plus belle, douce et rassurante que la voix la plus maternelle. Il avait accepté. Mû par son instinct, il s'était rendu au lieu indiqué. Il avait cette étrange sensation que sa vie devait se passer ici, à attendre. Attendre quoi ? Quel pouvait bien être la créature avec une voix si belle ? A cette question, il ne pouvait répondre. Cette nuit, il s'endormit, avec, pour la première fois, la crainte au ventre. Et si...elle ne venait pas ? S'il avait fait tout ça pour rien ? Qu'avait-il tiré de ces trois mois ? Lorsqu'il se réveilla, la nuit était encore présente. Il avait vu une vive lumière dans son rêve, suivie d'une étrange impression de paix. Son cœur accéléra. Il sortit de l'abri de bois qu'il avait construit de ses mains et retourna sur la plage, là où, par habitude, et une fois par cycle circadien, il se postait et observait. Un léger filet de vent se leva. L'homme se sentit fébrile et nerveux. Tout à coup, il la vit. Elle sortit lentement de l'eau, soulevant des gerbes d'écume. Dans la nuit, sa masse imposante se détachait nettement. Elle ressemblait à une étrange créature préhistorique, pourvue d'un bec, d'ailes immenses et d'une queue munie de deux pointes à l'extrémité. L'homme, pris d'une excitation sans bornes, courut vers elle. Il murmura un nom. L'étrange créature l'observa et sembla sourire. Elle lui caressa la joue du bout du bec. Lorsque leurs yeux se croisèrent, ils surent tous deux que c'était le moment. Cela faisait exactement trois mois. Personne ne retrouva le corps de l'homme. Les humains qui se déplacèrent sur l'île, après avoir eu écho d'un monstre marin qui rôdait dans les environs, retrouvèrent un amas de plumes blanches, courtes et serrées, n'appartenant à aucune espèce connue, et beaucoup de questions.
1 Janvier 2017
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surpriseL'homme masqué me mit un semi-automatique sur la tempe. Le bras articulé me maintenait à genoux, les bras derrière le dos. Dans la gigantesque piscine, devant nous; une créature marine, d'une espèce que personne ne connaissait, était emprisonnée dans une lourde cage d'acier trempé et titane.
"Tu as refusé notre offre. Tant pis pour toi. Je ne sais pas d'où te viennent ces capacités ou quoi, mais je m'en fous. Tu t'opposes à nous, tu le paies."
La créature gémit.
Hélas...Vais-je finir ma vie ainsi, la tête explosée par une balle ? Et elle, que vont-ils faire d'elle ?
Dans ma tête embrumée par la puissante dose de morphine, l'histoire me revint à toute vitesse, et les images défilérent...
Cela fait quinze jours que nous nous sommes vus. Quinze jours que je l'ai rencontrée. J'étais en vacances au bord de la mer, mais la météo était capricieuse, de sorte qu'il n'y avait absolument personne d'autre que moi sur la digue. Le ciel était obscurci de gros nuages noirs lourds de pluie, le vent était fort et les vagues énormes. Qu'importe ce temps ! J'aime quand il pleut. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai une immense affinité pour l'eau. Depuis mon enfance, mes parents se demandaient pourquoi je passais autant de temps silencieux dans la salle de bains, tous les soirs, quand venait le temps des ablutions. Ils ne le savaient pas, mais j'inventais des jeux magiques et merveilleux. De petits serpentins d'eau prenaient vie entre mes doigts, d'autres formes, diverses et variées, coulaient sans bruit. Je passais des heures à jouer dans l'eau et gardais tout de même les doigts lisses. La pluie me rendait des forces, et j'adorais retirer mon chapeau pour la sentir couler dans mes cheveux et le long de mon dos. Par ailleurs, j'avais un autre don connu de moi seul. Je pouvais sans difficulté respirer sous l'eau, sans même avoir de branchies. C'était comme si, naturellement, j'inspirais et expirais de l'air un peu visqueux, sans aucun souci.
Ce jour-là, donc, alors que je me promenais sous la pluie battante, j'entendis une étrange plainte, ressemblant à un chant de baleine. Oh, d'ailleurs, le chant en question était encore plus beau et harmonique que celui des baleines. Intrigué, la vue légèrement brouillée par la pluie, je descendis de la digue sur la plage, près des vagues. Tout à coup, une forme sombre émergea des flots et posa un pied sur la terre. L'être ressemblait à un gigantesque oiseau blanc , pourvu d'une queue munie de deux pointes. De sombres excroissances bleu foncé sortaient de son dos en deux rangs réguliers, j'en comptai dix au total. La créature étira ses ailes, puis tourna la tête et m'observa.
J'étais pris dans un tourbillon de pensées contraires. Machinalement, je me retournai et observai la digue. Bien que ma vue fût floue, je constatai que personne ne nous observait. Puis, mon attention se reporta sur l'être en face de moi.
Elle se pencha et me toucha la joue du bout du bec. Je posai une main sur sa tête, comme je l'aurais fait pour un chat. Et je l'entendis me parler.
"Salutations, l'ami".
C'était une voix féminine, douce et bien posée.
"Tu es le premier humain à me voir depuis longtemps. Et tu seras le seul. Je t'ai vu en rêve."
"Toi aussi, tu m'as vu", ajouta t-elle, alors que, troublé par ces derniers mots, j'avais retiré ma main.
"Tu me désires, n'est-ce pas ?"
Je ne lui répondis pas, mais elle comprit ma réponse.
JE sentis alors ma main tenir un curieux objet. Il s'agissait d'une sphère de métal, assez grosse pour tenir en main, peinte en rouge et violet, avec un "M" stylisé gravé dessus en rouge. Sans même savoir ce que je faisais, je lui lançai l'objet.
La créature fut comme aspirée dans la sphère, puis cette dernière retourna dans ma main. Tout d'un coup, elle devint brûlante, au point que je la lâchai avec un cri de surprise. La sphère lévita...
Puis s'incrusta dans ma poitrine.
La douleur fut si intense que je hurlai au point de presque me briser les cordes vocales. Des étincelles de toutes les couleurs dansèrent devant mes yeux. Lorsque la douleur se dissipa...Je touchai ma poitrine et constatai qu'un tatouage représentant la créature s'était gravé dessus. L'impression était magnifique. Rempli d'une nouvelle énergie, je quittai la plage, où, bizarrement, le temps s'était plus ou moins calmé. La pluie et le vent s'étaient arrêtés, en tout cas. Avait-ce un lien avec l'étrange créature dont maintenant j'étais l'hôte ? Je ne pouvais répondre à cette question.
Lorsque vint la nuit, je décidai de me rediriger vers la plage. La mer était plus ou moins basse, et je marchai un moment avant de l'atteindre. Lorsque je posai le pied dans l'eau, je sentis ma poitrine me brûler. Je posai ma main à plat dessus. La créature en jaillit aussitôt, et se tint dans l'eau, devant moi.
"Veux-tu nager cette nuit ?"
Je la regardai dans les yeux.
"Oui."
Gauche, droite, gauche, droite...Et lorsqu'elle plongea, après avoir lancé un cri qui ressemblait plus à un chant, je la suivis, gardant confiance en mes capacités.
Nous nageâmes ensemble sous l'eau pendant un long moment. Je sentais sa présence à mes côtés.
Un banc de dauphins passa à nos côtés, l'un d'entre eux me frôla presque le flanc.
Tout à coup, une énorme explosion retentit dans l'eau. L'onde de choc nous souffla, les dauphins et moi. Pendant un moment, je perdis la notion du temps, de l'espace et...
"FUIS ! NE TE RETOURNE PAS !"
Mon amie avait ainsi crié, d'une voix pleine de panique.
Avant même que j'aie pu faire un mouvement, un filet s'abattit sur moi et m'entraîna dans les profondeurs. Avant de remonter brutalement à la surface. Je vis alors un énorme bateau de pêche. Dans un autre filet, ils avaient capturé mon amie. Elle grondait sourdement, les ailes closes et le bec fermé par de lourds filins d'acier. Dans la nuit, je ne voyais pas nos assaillants.
"Hé hé, qu'est-ce qu'on a là ?", hurla une voix.
Puis, nous fûmes tous les deux entraînés dans les entrailles du bateau.
Je découvris une gigantesque piscine, dans laquelle nous fûmes jetés sans ménagements. La créature ne tenta pas de s'enfuir, et fit lentement quelques longueurs. Sous l'eau claire de la piscine, elle était décidément de plus en plus magnifique.
Tout à coup, je fus saisi par deux puissants bras articulés, et amené en face d'un homme. Ce drnier avait le visage et les traits dissimulés sous un masque au motif qui m'était inconnu.
L'homme me parla, mais je ne compris pas ce qu'il me disait, bien qu'il parlât français comme moi, sans une pointe d'accent quelconque.
Mes idées étaient comme embrumées. Mon bras me piquait aussi. Je compris qu'ils m'avaient drogué par le biais de leur bras mécanique.
J'eus tout de même la force de leur articuler :
"Mais enfin, que vous ai-je fait ? Pour-pourquoi m'avoir capturé ?"
L'homme ricana.
"C'est évident, non ? Tu es le seul à pouvoir voir cette bestiole. Vous ne fonctionnez qu'ensemble."
"Prends garde à ce qu'il te dira...", m'avertit la voix de mon amie dans ma tête.
"Vous feriez un bien beau numéro dans un aquarium, ensemble..."
"JAMAIS DE LA VIE !"
"Tu n'as pas le choix."
Le bras articulé me rebalança à l'eau. J'atterris avec force, presque projeté sur le dos de la créature marine.
Puis Il me ressortit aussi sec.
J'entendis un crépitement.
Et compris trop tard.
La douleur me cloua sur place, tandis que mes muscles ne répondaient plus, pris de soubresauts, et que ma tête semblait sur le point d'éclater.
Le bras me projeta avec force sur le sol mouillé. Je respirais à peine, tout mon corps encore tendu.
L'homme se leva et claqua des doigts. Aussitôt, des panneaux d'acier sortirent de nulle part, dans la piscine, et emprisonnèrent la créature qui s'y trouvait. Elle se laissait faire !! Pourquoi ?? Elle était capable de plier les éléments à sa volonté, pourquoi se laissait-elle...Les larmes me vinrent aux yeux.
Et je finis par comprendre.
S'ils me tuaient, elle mourrait aussi. J'étais la seule chose qui la rattachait à cette Terre.
L'homme masqué sortit un semi-automatique de la poche du manteau qui le dissimulait, et en fit jouer les mécaniques.
"Bien, bien..."
Sa voix me fit l'effet d'un plomb au cœur.
"Pénètre-la. Une fois."
Je ne compris d'abord pas, l'esprit toujours embrumé par la drogue injectée par le bras mécanique.
Dans ma tête, j'entendis leurs deux voix. L'une, froide et calme. Celle de l'homme, sans doute. L'autre...indescriptible.
"Plutôt mourir."
L'homme recula. Un grondement sourd s'échappait de la cage d'acier.
Le bras me souleva une nouvelle fois dans les airs, et me plongea sous l'eau, près de la créature. J'entendis la voix de l'homme.
"Pénètre-la. Deux fois."
Une nouvelle décharge électrique annihila ma volonté de résister.
Ce fut, cependant, "sa" voix qui me remit d'aplomb.
"Plutôt mourir."
"Très bien."
Je devinai que l'homme était contrarié.
Le bras me ressortit de l'eau. A force d'alterner entre air et eau, et malgré mes capacités, j'avais le souffle court.
Je fus projeté devant lui, encore une fois. CEtte fois-ci, je n'avais plus envie de résister.
Le bras me mit à genoux, les bras derrière le dos.
"Adieu, mon amie..."
Sa voix retentit une dernière fois dans ma tête.
"J'arrive."
L'homme pointa son revolver sur ma tempe.
Cette fois, je suis cuit.
Le coup de feu partit.
J'entendis un cri déchirant.
Puis, plus rien.
16 Février 2017
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surprise"Bonne nuit, ma chérie...Dors bien.". La mère déposa un baiser sur le front brûlant de sa fille.
"J'espère...dormir aussi. Ça va aller mieux dem...". La fin de la phrase fut perdue dans une grande quinte de toux.
Sa mère sortit sur la pointe des pieds et ferma la porte.
Dans l'obscurité de la chambre, la jeune fille d'une huitaine d'années se tourna et se retourna pendant un moment dans son lit, incapable de trouver la position la plus confortable. La douleur qui lui martelait la poitrine ne s'était pas estompée depuis plusieurs jours.
Elle pleura tout doucement, perdue. Si seulement elle n'était pas tombée à l'eau ! Le contact glacé des éléments déchaînés lui revenait parfois en mémoire. Des souvenirs remontèrent, insidieux. Elle s'enfonçait, de plus en plus, incapable de lutter...Et puis, à un moment, juste avant de perdre conscience, elle avait vu comme une sorte de créature marine remonter en trombe et la faire sortir de l'eau. Puis, tout s'était brouillé.
Les parents n'avaient pas compris. Ils avaient vu leur fille remonter d'un coup et se faire catapulter sur le pont du bateau par quelque bras invisible...La fille était tombée malade, à cause de l'eau glacée. Même les médicaments ne la soignaient pas. Cette créature...Elle l'avait sauvée. Pourrait-elle la sauver de nouveau...?
Finalement, la petite sentit sa respiration se calmer tout doucement, et sa conscience dériver...
Elle se retrouva, comme depuis quelques jours, devant la porte d'une grande et belle maison. Devant la porte, un écriteau, soigneusement calligraphié, indiquait "Je suis le Balayeur des Rêves". Elle frappa sans hésiter. Un vieil homme vint lui ouvrir. Il était menu et ridé, portait une belle barbe grise soignuesement taillée, et son visage souriant irradiait d'une belle lumière. Il invita la jeune fille à entrer.
"Bonjour, mon amie. Alors, que veux-tu visiter aujourd'hui ?", lui demanda l'aïeul d'une voix calme et bienveillante.
"Bonjour, Balayeur ! Aujourd'hui...Je voudrais voir la vie d'autres humains. Tu m'as montré de si belles choses les dernières fois...Mais, pour une fois, je voudrais voir mes voisins, mes amis, leurs amis, d'autres endroits du monde où il y a des humains. Montre-moi un Tableau de notre Terre..."
Le Balayeur sourit, se leva et prit un plumeau qui pendait à un clou. Ce dernier, de couleur grise-argentée, comportait un manche de bois brut, sur lequel était gravé "Humains" en lettres majuscules. Tout doucement, le Balayeur des Rêves épousseta le visage de la jeune fille, qui éternua sous la chatouille et rit aux éclats. Finalement, il rangea le plumeau et étreignit la jeune fille avec tendresse.
"Bon voyage, mon amie."
"Merci, Balayeur !"
La jeune fille sortit, le cœur très léger. Lorsqu'elle eut mis les deux pieds dehors et refermé la porte, elle constata qu'un escalier d'immeuble descendait en spirale devant elle, qui lui rappelait fortement l'endroit où elle habitait. Toujours en souriant, elle descendit les marches et s'arrêta devant la première porte. Celle-ci s'ouvrit sans difficulté.
Dans le salon du grand appartement, une dizaine de personnes buvaient chacune un verre, et les conversations allaient bon train. Sur un table, au centre, trônait un imposant Kougloff, décoré de paillettes en sucre multicolores.
"Bon, Ernest, tu le coupes, ce Kougloff ?"
"Ouais, vas-y !"
"Bon, mais c'est bien parce que c'est vous ! Je suis nul en découpe !". La mine déconfite de l'Ernest en question fit pouffer la jeune fille.
Ernest attaqua tant bien que mal la découpe du Kougloff, tandis que l'un des invités se resservait un verre de vin.
La fille s'écarta, et elle allait repartir, mais une personne toussant dans une pièce voisine attira son attention. Elle s'y dirigea. Dans l'une des chambres, une vieille femme s'était tenue à l'écart, trouvant que le moment était mal choisi pour manger un Kougloff, non mais sans blague, et cousait lentement une broderie au point de croix. Elle représentait un magnifique Dahlia bleu aux multiples pétales, le tout sur un grand format, et la broderie était déjà à moitié terminée.
"Bonjour, Madame", osa timidement la jeune fille.
La vieille femme leva le nez de son ouvrage et sourit doucement.
"Tiens, une jeune fille ! Oh, mais je te reconnais ! Tu es la voisine du premier étage, je crois ?"
"Oui, c'est bien moi. Pourquoi vous tenez-vous à l'écart ?"
La femme soupira.
"C'est une longue histoire...Il y a parmi les invités une personne qui m'a dit de mauvaises choses il y a longtemps. Mon fils l'apprécié beaucoup, alors il l'a invitée à une petite fête, mais...Je ne veux plus voir son ami. En plus, je n'aime pas le Kougloff."
"Oh..."
Il y eut un moment de silence, puis la fille toucha du bout du doigt l'ouvrage. Il semblait plus beau que jamais.
"Courage, Madame ! J'aime cette fleur. Qu'elle est belle !"
"Merci, ma petite. A présent, cours, tu as d'autres choses à voir !", et elle la salua de la main en souriant.
La jeune fille la remercia et sortit de l'appartement. Elle se dirigea vers celui du dessous.
Dans celui du dessous, un vieux couple regardait une émission de jeu télévisé culturel en se tenant la main. De temps en temps, ils se jetaient de magnifiques regards, ou énonçaient la réponse avant même que le présentateur, un gaillard solide et à la diction parfaite, n'ait fini d'énoncer la question. Apparemment, l'un des candidats semblait à la peine, pourtant, les questions n'étaient pas si difficiles. Il lui manquait trois points pour passer à l'étape suivante, un seul point manquait aux autres.
Le présentateur posa la question suivante : "Question à trois points : Dans la série de jeux vidéo "Pokémon", comment s'appelle la ville de départ des versions Noire et Blanche ?". Il y eut un silence. Tout le monde sembla hésiter, y compris les deux vieux.
La fille murmura : "Ah, mais...Renouet ?". Le visage du concurrent à la traîne s'illumina. Il frappa sur son buzzer.
"Oui ?"
"Il s'agit de Renouet !"
Le buzzer clignota trois fois.
"BRAVO ! Vous remportez donc 500€ et le droit de continuer..."
"Tu l'aurais su, toi ?", murmura le papi à sa femme.
"Ah, ça non, tiens. Tiens, reprends un chocolat..."
La jeune fille éclata silencieusement de rire et ressortit de l'appartement.
Elle constata alors que l'escalier s'était changé en plancher de bateau.
"Quoi ? NOOON ! Pas encore ce cau-"
Le bateau sombra complètement, emportant tous ses occupants. La jeune fille eut le souffle coupé par l'eau glacée, désagréable sensation vécue...Au moment où elle allait se mettre à pleurer de nouveau, une bulle d'air chaud l'enveloppa et la protégea, elle et sa famille.
"Que...?"
Elle vit alors la créature qui l'avait sauvée. Elle ressemblait à une orque bleue gigantesque, munie de puissantes nageoires. Un motif composé de lignes rouges inextricables parcourait son corps et ses nageoires.
"Kyogre...Alors, comme ça, tu existes vraiment ?"
La créature croisa le regard de l'enfant. Ce regard...Elle aurait pu le soutenir des heures, tellement il était chaud et intense. Elle respira lentement, à petites bouffées, puis, de plus en plus largement...Pour constater que sa tête et sa poitrine ne lui faisaient plus mal du tout.
"Ça alors...Quel cadeau...Pourquoi moi ?"
L'orque prit alors la parole dans son esprit, d'une voix d'homme magnifique.
"Parce que tu crois en moi. Et...Tu peux remercier ton ami le Balayeur des Rêves, aussi. Réveille-toi, à présent...Et sois heureuse."
Tout se brouilla alors autour d'elle...
Lorsque la fille ouvrit les yeux, elle constata qu'effectivement, toute douleur s'était évaporée de sa tête et de sa poitrine.
Elle ne toussait plus non plus.
La jeune fille sourit, et se promit de garder le secret. Puis elle se leva.
4 Mars 2017
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surpriseUn coup de fusil résonna dans toute la salle de tir. La vitre, soigneusement choisie par l'ordinateur central parmi cent, reçut la balle. L'impact projeta des éclats de verre à plusieurs mètres à la ronde, creusant un énorme trou dans la structure de silice.
"UNITÉ F-LG001, DÉCLENCHEMENT. MESURE DE L'IMPACT". Une voix métallique retentit par un haut-parleur dissimulé dans un bras articulé, qui se déploya et parcourut soigneusement le cratère dans toutes les directions, scannant la surface d'un maillage complexe de rayons rouges et verts.
"Bien, bien...". L'homme qui avait parlé, un gaillard solidement bâti, rétracta dans son propre bras mécanique l'arme qui lui avait servi à tester le matériel.
"Au rapport.", énonça-t-il ensuite d'une voix neutre.
"ESTIMATION : IMPACT MORTEL. MÊME UNE VITRE BLINDÉE AU TITANE TRANSLUCIDE NE RÉSISTERA PAS. LÉSIONS ESTIMÉES : TRAVERSEMENT COMPLET, HÉMORRAGIE, COURT-CIRCUIT CÉRÉBRAL, PUIS DÉCÈS."
"Ces nouvelles balles sont redoutables...". L'homme sourit. "Notre prochaine cible ?"
"NOM : SOREN STADION. CONNU DE NOS SERVICES POUR AVOIR COFFRÉ CINQ DE NOS AGENTS, ET DÉMANTELÉ DEUX RÉSEAUX COMPLETS DE PROXÉNÉTISME À ÉCHELLE INTERNATIONALE. C'EST UN GROS MORCEAU. SOYEZ PRUDENT, LAWRENCE."
"Pfff, même pas peur. Allez, au travail. Je sors. Ce soir, quelqu'un va manger un pruneau.", et il ricana. Puis il entra dans un ascenseur et descendit au Rez-De-Chaussée. Juste avant d'en sortir, il murmura un mot qui activa un dispositif plasmon, le rendant complètement invisible. Il prit discrètement le téléporteur pour Néo-Tokyo. Rue Shinkai Makoto. Appartement SL23. Un arbre proche de l'appartement lui offrit un peu de hauteur. Grimper. Et attendre. Finalement, la forme d'un jeune homme de petite taille aux cheveux longs se dessina devant l'une des fenêtres. Elle s'ouvrit. La cible sortit le buste dehors pour humer l'air, une cigarette dans la main gauche.
"Adieu, mon gaillard", murmura Lawrence, puis il appuya sur la détente. Rien ne se passa. Deuxième essai. Toujours rien. Lawrence suait à grosses gouttes, maintenant. Son regard croisa, un bref instant, celui de sa cible. Et il retint un cri. Son bras mécanique avait pris feu, une flamme noire et dévorante. "Qu'est-ce que..."
"DÉFAILLANCE DE LA CAPE PLASMON. SYSTÈME DE SECOURS ACTIVÉ." Le feu remonta jusqu'au coude.
"MERDE ! Je prends la tangente !" Lawrence tenta de bouger, mais ses pieds étaient comme pris dans un étau.
"DÉFAILLANCE DU SYSTÈME DE SECOURS. DÉFAILLANCE DES EXTINCTEURS."
Le feu noir atteignit l'épaule. Et toujours ce regard, horriblement effrayant, de la cible qui fumait tranquillement sa cigarette. Un de ses yeux pleurait du sang à petites gouttes.
Lawrence hurla quand le feu noir l'enveloppa de toutes parts. Ce n'était ni.chaud, ni froid, juste la corrosion à son état le plus pur. La dernière chose qu'il vit.avant de sombrer dans le néant, ce fut le sourire vicieux sur les lèvres de Soren Stadion, qui referma la fenêtre. Puis, l'intégralité du corps de Lawrence disparut sans laisser aucune trace, pas même un atome.
A l'intérieur de l'appartement, Soren Stadion passa la main devant une surface lisse, qui fit apparaître un hologramme d'un oiseau blanc.
"Merci de m'avoir averti, Shirie", énonça-t-il d'une voix grave et posée.
"De rien", lui répondit une voix malicieuse. "Heureusement que leur IA ne fait pas le poids. Bref, c'était ta dernière mission pour aujourd'hui. 4RC-3-US sera heureux."
Soren soupira.
"Ah, les IA...Qu'est-ce que ça ne vous fait pas faire...". Puis il partit se coucher.
13 Mars 2017
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surpriseKrwîk. Krwîk. Krwîk. Le bruit lent et régulier de la clé résonnait depuis un bon moment dans tout l'atelier. Depuis le matin, l'homme tournait ses boulons, un à un, lentement, méthodiquement. Il était en train de construire une magnifique statue d'acier, dont il rattachait les plaques, préalablement forgées, lissées, polies à l'extrême.
"Un boulon pour chaque chose...Chaque chose, un boulon...". Cette petite ritournelle l'accompagnait. Il s'imaginait, depuis le début du projet, que chaque boulon était un humain. L'entrée dans le trou ? Elle représentait le fameux acte. La mise de l'écrou ? La mise bas d'une humaine, jeune, vieille, il n'en savait trop rien. Et...chaque mouvement de clé représentait une année de vie. Certaines vis étaient très longues et lui demandaient plusieurs dizaines de tours. Celles-ci vivraient très longtemps. D'autres ne lui demandaient qu'une dizaine ou une quinzaine de mouvements. Et, sur les plus courtes, l'homme soupirait. Il avait eu des vis très courtes sur une grande rangée. De quoi ces humains-ci avaient-ils bien pu mourir ? Une guerre ? Un attentat sur une école ? Les ravages d'une maladie infantile ? Qu'en savait-il ? Et son œuvre n'avançait pas. Il avait beau visser, visser, sans relâche, il lui restait un nombre incalculable de ces tiges de métal à rentrer dans les grandes plaques d'acier.
L'homme finit par s'asseoir sur une chaise de bureau, hors d'haleine, et s'épongea le front. Il faisait une chaleur à faire cuire un œuf dans l'atelier. Des coups sourds et puissants retentirent dans le silence : les battements, pesants et fatigués, de son cœur d'ouvrier, usé par les efforts.
"Je vais finir par y passer, moi aussi...", murmura l'homme, entre deux halètements. Il n'arrivait décidément pas à reprendre son souffle. Il finit par prendre une profonde inspiration, se leva à grand-peine, reprit sa clé à molette et se dirigea de nouveau vers l'œuvre. Il constata qu'il ne manquait que très peu de force à la vis qu'il était sur le point de visser pour qu'elle le soit complètement. Son cœur cognait de plus en plus fort. Il remit la clé et vissa le peu qui lui restait. Et il comprit, un centième de seconde avant de s'effondrer sur le sol, que la vis qu'il venait de visser, c'était SA vie, et les autres vis, d'autres vies, encore, et encore, et encore, à jamais.
26 Avril 2017
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surpriseIl faisait vraiment froid ce jour-là, le genre de froid qui s'insinue partout, dans les moindres trous de vêtements, dans les cols, dans les manches, et qui vous fouettait la peau de milliers d'aiguilles glacées. Le seul avantage de ce temps, c'est qu'au moins, le ciel était clair, sans nuage, et le soleil dispensait une lumière certes puissante, mais qui ne réchauffait pas. De minute en minute, la température baissait, bien que l'on se rapprochât de midi. Les rares personnes qui passaient dans les rues, nez rouges au vent et bonnet vissé sur la tête, vaquaient à leurs occupations, courant presque, ce qui ne réchauffait pas davantage. Au contraire, malgré tous les efforts que certains faisaient pour se couvrir chaudement, le froid insidieux persistait et faisait claquer des dents, se contracter des muscles et couler les nez.
Dans l'une des grandes rues, bordées d'immeubles haussmanniens aux fenêtres gigantesques et aux moulures apparentes, une personne, allongée sous un porche de l'un des immeubles un peu moins haussmannien que les autres, frissonnait. La faim lui dévorait l'estomac comme une fraise de dentiste furieuse déchiquette l'émail d'une dent cariée. Il tremblait et serrait contre lui, comme pour se tenir un peu plus chaud, au travers de son manteau troué, une petite peluche, un Pokémon, figé dans une posture de sommeil, les yeux fermés, les bras et jambes étendus, la tête tournée sur le côté.
L'homme soupira. Une larme roula sur sa joue, qui gela très vite, et se brisa sur le sol givré. De la journée, personne ne lui avait donné la moindre piécette. Dans ces immeubles, habitaient des personnes qui jamais n'auraient à se soucier un jour de vivre dans la rue, sans toit et sans nourriture. Pourquoi les personnes les plus riches étaient-elles les plus égoïstes ? Il avait croisé des dizaines de personnes depuis que le Soleil s'était levé, toutes avaient détourné le regard, l'air dégoûté. Toutes, sauf deux enfants, qui l'avaient observé en hochant la tête. A un moment, l'un d'entre eux, un jeune garçon, lui avait dit "Bonjour, M'sieur !", mais, avant même qu'il ait pu répondre ou esquisser un sourire, leur mère les avait entraînés loin de lui, tout en leur expliquant "qu'on ne parle pas aux inconnus, encore moins à un moins-que-rien, holàlà !". C'était la goutte de trop. La cocotte-minute de ses sentiments avait explosé, et il était là, pleurant en silence, et serrant sa peluche contre lui. La douceur de son poil, malgré les épreuves, lui redonna un tout petit peu de courage, et les larmes s'arrêtèrent vite de couler.
Tout à coup, l'homme entendit un faible ronronnement, et ressentit comme une minuscule vibration le parcourir. Étonné, il se concentra, et écouta. Et il faillit hurler.
Sa peluche s'était animée, et, tout doucement, se pelotonnait contre lui, bougeant la tête de haut en bas, comme pour caresser et rassurer son propriétaire.
"Je deviens fou...", murmura l'adulte, écarquillant les yeux. Son estomac le brûlait furieusement à cause de la faim et du froid. Une hallucination, sans doute ?
"Myu ! Non, je ne suis pas une hallucination."
La peluche arrêta de ronronner, puis sortit, non sans difficulté, du vêtement de corps de l'homme et lévita à hauteur de son visage. Lorsque ce dernier tendit la main pour la toucher, la créature tendit sa petite patte et effleura les doigts de l'homme. Elle semblait fragile, douce...Réelle. Quel était donc ce prodige ?
"Myu ! Je suis Mew. Je suis ici pour t'aider. Ami ! Courage ! Je vais te mener vers des amis. Ils sauront t'aider. Courage !"
Estomaqué, l'homme ramassa ses maigres bagages, non sans hâte, se leva et se mit en route.
Il marchait lentement, suivant la créature que personne ne semblait voir. Cette dernière voletait de droite et de gauche, lentement, se retournait parfois pour vérifier si son hôte la suivait toujours. Elle ne prenait jamais d'avance, et, de temps en temps, disait des "Myu !" en souriant. Pas une seule personne ne semblait la voir.
Environ deux heures plus tard, ils semblaient arrivés à destination, car, devant un immeuble d'apparence simple, Mew se tourna vers la porte et posa sa petite patte sur le lecteur de clés. La porte s'ouvrit, et l'homme et son étrange allié pénétrèrent dans le Hall. Ils tournèrent à droite, prirent un long couloir...Puis l'homme se retrouva, sans qu'il sache très bien comment, dans une pièce entièrement blanche du sol au plafond.
"Bienvenue, Monsieur Verrier."
L'homme faillit crier de surprise, mais le contact de la petite patte de Mew sur sa joue le retint.
Un jeune homme, moins de trente ans, se tenait devant lui. Il était vraiment très grand et portait de longs cheveux blonds qui lui descendaient à la taille. Il était habillé d'une chemise à manches courtes, révélant une musculature ferme mais pas trop prononcée, et d'un pantalon rouge.
"Pardonnez-moi pour l'effet de surprise. Je suis Jake Donnell. Je peux vous proposer un travail, et de quoi vous réinsérer. Des dizaines de milliers de personnes m'ont fait confiance et ont changé leur vie grâce à moi."
Puis il se tourna vers le Mew.
"Merci, l'ami."
Ce dernier sourit, puis disparut par une porte derrière Jake après avoir murmuré "Courage ! Myu !" à l'homme sans abri.
"Quel genre de travail ?", reprit l'homme, que toute cette mise en scène mettait mal à l'aise.
"Un travail à la fois manuel et cérébral."
Jake désigna un bureau, sur lequel était posé un ordinateur fixe, un grand écran, un combo clavier-souris, et une étrange paire de lunettes sans verre, pourvues juste de la monture et d'un pince-nez.
"Installez-vous ici, et mettez les lunettes à vos yeux. Ne les enlevez pas, elles sont nécessaires. Je souhaiterais vous faire passer une batterie de tests."
L'homme se mit devant le bureau, et enfila les lunettes. A peine les avait-il posées sur son nez qu'une fulgurante douleur lui traversa la tempe gauche.
"Qu'est-ce que vous essayez de me faire ??", hurla le sans abri.
"La douleur passera dans dix secondes". Et ce fut le cas.
"Oh, mais j'oubliais !"
Il sembla se concentrer un instant. Un plateau comportant un repas complet pour une personne apparut par la droite du bureau.
"Bienvenue, Luc Verrier.", énonça une voix féminine, douce et bien posée.
"Je viens de vos lunettes. Mon nom est Bloomey. Je suis une Intelligence Artificielle, et je vous accompagnerai le temps de votre séjour ici. Prenez le temps de manger, lentement."
L'homme dont le nom était Luc mangea lentement, l'appétit presque coupé par la scène dont il était l'acteur. Jake Donnell avait disparu. Il était seul.
"Ce test est préliminaire, et me sert à définir plusieurs variables. Lorsqu'il sera terminé, je vous invite à sortir par la porte au symbole ROND. Bonne chance."
Les tests se déroulèrent sans incident. Puis Luc sortit par la porte à sa gauche, marquée d'un symbole rond. Des indications défilèrent devant ses yeux.
"Luc Verrier. 33AC78BE9978CC. Ce numéro est celui de votre chambre. Votre nouvelle vie commence maintenant. Bonne chance."
Et, de fait, Luc avait commencé une nouvelle vie. Ce Jake Donnell était un génie, qui contrôlait la totalité de tous les réseaux mondiaux. Via son travail, et l'activité de son cerveau, Luc fournissait de la puissance de calcul pour du piratage et de la manipulation à grande échelle. De fait, un nombre incalculable d'humains aidèrent un nombre encore plus grand d'autres humains. Et lorsque Luc mourut, environ deux ans plus tard, il serrait toujours autour de lui une peluche de Mew, seul souvenir de sa vie passée.
21 Mai 2017
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surprise[TRIGGER WARNING]
[TRIGGER WARNING]
[TRIGGER WARNING]
"Why am I waiting here ?", I muttered, while walking to and fro. He had given me an appointment at this very place, an unfrequented backstreet, where no one had come since I was arrived, more than twenty minutes ago. It seemed like time had streched to unbearable lengths, like a rubber spring at the end of its resistance.
Suddenly, I heard a discreet cracking, like wood would ignite in a bonfire, and I gave Him a faint smile. He was perfectly matching the image he had given me on this chat network : waist-long, silvery-blonde hair, a luminous and cunning gaze, very tall and thin. He was wearing tight blue-jeans and a white TShirt, with a stylized bird on it. I had discussed several times with Him, exposing my deepest feeling and my hatred towards this pointless world. My body wasn't mine, my mind entrapped in a sludgy, viscous mud shell.
He simply greeted me with a "Hey", and His voice was the softest, warmest I'd ever heard. I gazed at Him several times, puzzled. He smiled and laid his hand on my shoulder.
"You had one request, right ? Do you know.what the consequences could be ?"
"I took more than enough time to mature them", I answered, directly looking in His eyes. His gaze was serious, and filled with sadness.
"Then, so be it. You made your choice. I cannot guarantee you will find a better body, though. But a moment of eternity gives plenty of time to discuss with Them. Fare thee well, my friend."
I took a deep breath and felt an almost unbearable pain, as the man facing me unsheathed a long blade from his wrist and stabbed my neck at a precise point. My senses faded away, slowly, gradually...The last thing I would glimpse, before my head went void, was His face, distorted with the pain of losing a friend. Then, we both passed into Eternity.
22 Mai 2017
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surprise"Why, Bloomey, WHY ?"
The man who was speaking, a tall, lanky figure, long, silvery hair, wearing a curious device on his right eye, was addressing himself to a large computer screen. He had a spread of various media across the world in front of his eyes, all were predicting a soon-to-come global, irremediable war. Resources were long restricted, the air, the grounds, water, were polluted beyond any hope of regeneration. All across the world, people were acting crazy for a lump of food. He, himself, had had to fight, despite being one of the richest men on this planet. He had tried, with the help of the AI he was talking to, to postpone the inevitable. Alas, humans were easily corrupted, and, election after election, government after governement, on each and every country, had taken wrong decisions. And heavens know he had tried. Ten of thousands of humans had helped him reshape the information, hack the hackers, refund scammed people, redistribute wealth by any means, by giving the huge AI their brain time and Energy. Today, the atmosphere was heavy and tensed. Huge climatisors were functioning at full power in the rooms where people were playing some complex puzzle games to fuel the AI.
"How could we come to such a situation ? HOW ? Why are humans so STUPID ?"
The AI remained silent, puzzled. She was trying to compute a human answer, but, even the hundreds of thousand of exabytes processed every second couldn't come to a suitable conclusion. Meanwhile, Jake Donnell had risen from his chair, climbed several steps, and entered a tiny elevator, only suitable for one person, and hidden behind a wall panel.
"ANSWER ME, BLOOMEY !". The man was furious, not only against this dumb AI, but also against himself, and, to a certain extent, against the world.
"I cannot answer to that, Jake. I am only an AI, and, tens of thousands of people are nothing against a hundred thousand billion more people."
"I tried to do my best, Bloomey. I did the best I could...I helped so many people...And yet...We have come to...THIS..."
Jake had arrived in a large room, plunged into penumbra. The only visible object in the room was a huge sphere, more than three meters tall. In this sphere, a curious creature, which borrowed traits from birds, dragons and other animals, was sleeping, eyes closed, bathing in a very dim light. Electrodes were piercing its head and neck. Thick black cables were spawning in circles around the sphere, slightly buzzing with the huge electromagnetic field they were crossed into.
As Jake entered the room, the creature opened its cerulean eyes, and took a more comfortable position inside the sphere. Raised with all its height, it was really impressive.
"I know what you are about to do, Jake", the being pronounced, and its feminine voice resonated like a bell. "And I cannot let you do that."
Suddenly, the sphere's light went red. A huge "CLACK" resonated, and a thick glass cupola covered the keyboard Jake was running towards.
"Then, so be it. I cannot type, but you will indeed be purged. With my own thoughts !"
A second "CLACK" burst. The next second, a thick steel panel had sealed all issues, imprisonating Jake in the room.
"Let's concentrate. I must succeed."
Jake began to count aloud.
"BEGIN
0x99FF5694ABA5F004 0000000000000001
0x249249493493FFFF 0000000000000001"
A blaster turret emerged from the ground and converged towards Jake.
"0x70094A00CC4F4F56 0000000000000000
0x0493A9B5CAFE9944 0000000000000001"
Alarms began to blare in the room, their buzzing sounds rendered almost unbearable by its exiguity. Jake ran around the sphere, as the turret blasted a powerful ray that burnt several non-vital cables. A light beep added to the hulabaloo.
"0x474F444445535321 FFFFFFFFFFFFFFFF"
A deep roar resonated within the sphere, as the creature was traversed with huge power currents.It winced in pain and tried to break free from its electrodes, but they were composed with a thick, solid semi-conductor metal. Jeke felt the unbearable pain wrecking his own brain. Deep within the building, tens of thousands of people were experimenting the torments of a pain they could never have imagined.
"I...must...hold..."
The last words abraded his own mouth.
"0x...44..45..53..54..52..4F..59..21...". He was heavily panting and moaning under the deep pain, and crushed with fear about what he would do.
"FFFF...FFFF..FFFF...FF...F...F...".
The sphere's red light turned to deep purple. All around the creature's body, the electrodes injected a very powerful and deadly poison. She shrieked one more time, twitched, then went completely still. The unbearable pain didn't cease, but went further and further...Until, finally, Jake's brain, and the one of ten of thousands of people, imploded. Explosives triggered next second, cleaning the scene, and making the whole building disappear. Humans would never understand.
29 Mai 2017
L'information suivante est susceptible de révéler quelque chose d'important et de gâcher une surpriseQuel beau temps aujourd'hui...Le Soleil nous frappe presque, de toute sa puissance. Pas un seul nuage n'obscurcit le ciel, immense voûte d'un bleu velouté. Je suis là, je me promène, au hasard de mes pas, dans ce petit village de bord de mer. Dans les rues, les enfants jouent avec des pistolets à eau, ou bien se passent un ballon de pied en pied, poussant parfois de grands cris joyeux. Des adultes, certains d'âge mur, sont assis dans les jardins, qui bronzant sur un transatlantique, qui buvant un café sur un lourd siège. Un peu plus loin, un couple de personnes âgées travaillent à leurs plantations, le sourire aux lèvres. Le tableau est véritablement enchanteur.
Délaissant l'artère principale, je me tourne vers une rue transversale, espérant trouver un peu d'ombre, salvatrice. La sueur commence à perler de mes tempes sous le temps étouffant. AH ! Le jet d'un brumisateur à plantes me prend par surprise, et je recule sous le coup de frais apporté par l'eau. Je continue mon chemin, tout trempé par cette attaque aqueuse. Je n'ai cependant pas perdu le sourire, ni la joie. Allons, ce n'est qu'un incident !
Tout à coup, les échos ténus d'une mélodie jouée au piano me parviennent, diffus, sans vraiment que je puisse en trouver l'origine. Courant presque, je tourne à droite, puis de nouveau à droite, continue sur plusieurs dizaines de mètres...J'arrive devant une toute petite maison, avec un jardin anecdotique, mais dont toutes les fenêtres sont ouvertes. La mélodie venait de l'une des fenêtres, ou de toutes les fenêtres en même temps, je ne saurais dire. Le pianiste est assez habile, il joue...du Satie ? Je reconnais quelques morceaux. La troisième Gnossienne ? Quelle souplesse des doigts...Je ne peux voir son visage, ni même distinguer ses traits, en effet, bien que les fenêtres soient ouvertes, de fins voilages me masquent l'intérieur de la maison.
Quelle beauté dans cette mélodie...J'avais oublié à quel point Satie écrivait bien. Le pianiste a enchaîné avec Le Fils des Etoiles. J'ai l'impression de le voir, de ressentir ses doigts longs et fins frapper les touches, doucement, comme on caresserait le cou d'un animal de compagnie. Tout à coup, un chat monte sur le petit muret de la maison. Il est magnifique...Ses poils sont longs et blancs, et ses yeux d'un bleu marial absolument profond. L'animal m'observe, de son regard fin et attentif, sa queue se balançant doucement dans le vide. Je m'approche de lui, tentant de le caresser. Le chat se lève, s'approche doucement, me renifle la main. Je reste de marbre, concentré, ignorant tout autour de moi. C'était comme si le temps s'était arrêté.
Mais n'était-ce qu'une illusion ? Le chat bougeait, je bougeais, le pianiste jouait...Mais tout autour de nous, les alentours semblent baignés de gris clair. Un papillon, posé sur une des fleurs du jardin, reste figé, ailes déployées, toutes ses couleurs passées. Le chat ronronne, et je sens sa douce fourrure sous mes doigts. Je bouge ces derniers presque machinalement, massant un cou félin, tous mes sens en éveil. Le pianiste continue à jouer du Satie.
J'entends alors une voix, une belle voix d'homme, qui me dit "Profite bien de cet instant...Ce pianiste n'en a plus pour longtemps à vivre. Ce qu'il joue, c'est Satie qui l'a composé, mais c'est aussi son chant d'adieu à cette Terre. Le pianiste, c'est aussi toi. Nous sommes éphémères...Toi aussi, tu n'en as plus pour longtemps. Profite de chaque instant, vis ta vie au maximum. J'ai confiance en toi. Sois heureux."
Le chat continue à ronronner. Il me faut du temps avant de comprendre et d'assimiler ce que je viens d'entendre. Moi, je n'en ai plus pour longtemps à vivre ? Pour quelle raison ? Je suis jeune et en pleine santé !
"Tu comprendras vite. En attendant, profite du concert."
Le pianiste joue, joue encore, il a enchaîné Le Fils des Etoiles, le Prélude de la Porte Héroïque du Ciel, quelques airs des Sonneries de la Rose + Croix...Je ne perds pas une miette, pas une note. Le chat est toujours là, je sens sa fourrure sous mes doigts. Que peut donc signifier tout ceci ? Le papillon, les nuages sont restés figés. Tout ceci appartient-il au même temps que nous ? Qu'est donc ce fichu chat ?
Soudain, le chat pousse un horrible miaulement de peur, et s'enfuit. Je ne tente même pas de le rattraper, mes jambes et mon cerveau sont comme pris dans un étau, et ne répondent plus. J'entends des pas lourds et pesants derrière moi, et je sens un souffle rauque au-dessus de ma tête. Tout doucement, pris d'une peur de ce que j'allais voir, je me retourne.
Et ce que je vois me soulève le cœur.
Un étrange animal se meut devant moi, un quadrupède, ressemblant à un étrange dinosaure, une pierre précieuse incrustée dans la poitrine. Lentement, les sens embrumés, je le vois s'approcher, s'approcher...Et, lorsque le pianiste joua sa dernière note, et que les harmoniques furent retombées, la créature ouvrit sa large gueule...Puis me broya le crâne. Je compris au tout dernier moment ce que je venais d'entendre.
Lorsque, quelques secondes plus tard, un passant emprunta la même rue, il fit face à une maison délabrée, surmontée d'un écriteau "A VENDRE. APPELER LEGRAND IMMO' AU...", et le numéro était presque effacé. Le passant continua son chemin.