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Le repaire aux mille et un manuscrits
de Suroh

                   



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Retranscription
Je suis tout à la fois survolté, motivé, calme et content. Je viens de discuter longuement au coin du feu avec une vieille dame que je vous avais peut-être d'ores et déjà présentée, elle est humble et infiniment plus cultivée que moi. Elle m'écoute, me répond et m'apprend des choses, simplement. Je ressors de l'une de ces discutions sans prétention qui me font un bien fou... C'en est presque surnaturel : nous discutions avec le feu de cheminée qui nous réchauffait, j'avais un chat sur les genoux et nous étions assis l'un et l'autre sur de vieux fauteuils. C'est génial.

Cet article n'a donc aucune prétention, car je sais que je ne sais rien ; et prétendre vous dire ce soir que je puis vous apprendre des choses serait inexact et trop présomptueux. Je me permets seulement de poser ici ce dont je me souviens de l'un des éléments de notre conversation : à savoir l'éducation. Je ne sais pas où j'irai, je ne sais pas non plus comment j'y irai ni quelle sera la conclusion, mais je pose mes pensées là. Je n'ai aucune prétention vis-à-vis d'elles, elles sont simplement là ; dans ce lieu qui ne bougera pas, elles me permettront d'être au clair avec moi-même et de les laisser à la portée du premier venu s'il est curieux pour un sou.

L'éducation, donc. Beaucoup comme moi ici vivent dedans, et notre système d'éducation nous paraît naturel. Certes, nous le critiquons entre deux heures de cours, nous nous moquons d'un professeur pas du tout pédagogue et nous savons que nous ne comprenons rien à la moitié de ce qu'on nous raconte... Mais on a l'habitude. Avoir deux heures d'histoire-géo le matin, puis deux heures de philosophie, suivies d'une heure dans une file d'attente puant la sueur pour aller dans un self bondé de monde, bruyant et peu accueillant, pour revenir en cours et suivre de l'histoire en espagnol pendant une heure, puis écouter parler un professeur d'anglais, puis une professeur d'espagnol, puis enfin sortir vite pour aller prendre son car, perdre du temps dedans, et, enfin, rentrer chez nous pour manger avant de filer écouler une compilation de devoirs qui semble ne jamais se réduire, nous semble tout-à-fait naturel.

Or ça ne l'est pas. Notre système est défaillant, nous le savons mais nous l'avons accepté. De cette journée de cours, que retiendrez-vous jusqu'au lendemain si vous ne l'avez pas travaillé ? Que retiendrez-vous pour l'année qui suit ? Est-ce que ça vous sera utile, au moins, un jour ?

Mes idées sont désorganisées, indéniablement, mais celle-ci me semble primordiale car, avant de montrer des alternatives et ce dont nous avons parlé, il faut bien mettre en évidence le peu de raison que j'ai comprises pour lesquelles le système est ainsi fait.

Primo, vous n'allez pas en cours uniquement pour apprendre des choses. Vous le savez très bien : ne disiez-vous pas hier que les cours de maths sont fichtrement inutiles dans la vie de tous les jours ? Pour une majorité de personnes, elle sera inutile. Les théorème de Thalès, Pythagore, le fait de savoir calculer précisément où se trouve un point dans un repère orthonormé... ça ne vous servira pas, sauf si vous allez en études supérieures liées à ça. Et encore, dans votre futur métier, ce n'est pas dit que ce soit utile. Idem pour d'autres matières qui, selon la personne et son orientation, seront à long terme inutiles sur le plan des connaissances pures que vous avez ̶o̶u̶b̶l̶i̶é̶e̶s̶ apprises. Certes, il y a des exceptions et toutes les matières sont particulières (le latin permet entre autres une plus fine compréhension du français, les langues permettent en théorie une ouverture sur le monde, le français vous aide à vous exprimer...), mais le système ne fonctionne pas.

Et quand bien même ! Auriez-vous l'impression d'apprendre ? De comprendre ? De retenir ! Ce n'est pas approfondi, et on ne vous incite pas correctement à approfondir. Car voilà le souci : la manière dont c'est enseigné, la façon même dont votre manière de pensée est structurée par vos années au primaire, puis au collège, puis au lycée. Beaucoup d'entre-vous sont des fainéants, comme moi. On a des bons résultats quand même, hein, donc ça va. Mais non, ça ne va pas, car ce n'est pas normal.

Nous ne sommes plus curieux, ou en tout cas pas correctement. Aller en cours signifie subir une corvée, ça veut dire qu'on va devoir ingurgiter des données qui ne servent parfois à rien. Mais me voilà qui tourne en rond pour ne pas aller droit au but : le principal but de notre éducation, ce n'est pas d'apprendre des choses. C'est d'apprendre à apprendre. Prenons l'exemple du fils de cette dame avec qui j'ai parlé, qui a fait des études d'informatique. Il m'a expliqué qu'on lui apprenait une multitude de langages informatiques inutiles. Mais pourquoi diable faire ça ! Parce que ça lui apprend à apprendre des langages, car l'important n'est pas tant le langage en lui-même que la façon dont il est structuré, basé et créé. Je ne m'avancerai pas plus, mais voici le parallèle que je me permets de faire : nous n’apprenons pas en cours des choses qui nous seront utiles ; nous apprenons une méthode qui le sera, et une manière de bosser qui le sera.

Pour continuer dans cette voie, deux chemins se sont alors opposés dans mon esprit quand nous en sommes arrivés là. Vous connaissez les filières S et L. Les S qui bossent 2/3h chaque soir (en théorie), et les L qui dorment en cours de philo, ou jouent au poker - ceux dont je parle se reconnaîtrons (<3). Nous avons là une illustration concrète (et stéréotypée) de ce que j'énonçais. Les S apprennent des raisonnements. Ils apprennent à appliquer à la lettre, et ils peuvent vérifier si ce dont ils parlent est bon ou non. Si vous bossez des algorithmes, un simple essai vous dira s'il est bon ou pas ; si vous travaillez en physique-chimie, la fin de votre explication sera logique ou non, il y a possibilité de vérifier. Vous apprenez donc à démontrer, appliquer, raisonner.

A côté de cela, les L. Nous sommes des gens qui ne fichent rien sinon lire et dormir - et encore, pour les plus studieux. Qu'est-ce que ça montre ? Que nous ne pouvons, contrairement aux S, rien montrer. Comment vous prouver que ce sentiment de compréhension que j'ai vis-à-vis d'autrui est bon, justifié ou justifiable ? ...
Je me rends compte qu'on le peut, et que mes souvenirs ne sont pas assez pertinents pour que je puisse présenter quelque chose d'acceptable à ce niveau de pensée-ci. J'y réfléchirai. Je me souviens que l'argument ci-dessus se tenait, mais je ne sais plus par quel raisonnement nous y sommes parvenus. Nous apprenons donc à apprendre, voilà l'une des choses que je vais retenir, même si elle mérite manifestement un approfondissement de ma part.

Secundo, il y a des alternatives. Elle m'a montré une vidéo présentant un journaliste américain qui demandait à des profs norvégiens comment ils bossaient. C'est ahurissant. Vraiment. Nous avons des brumes de la manière d'enseignement des pays nordiques qui nous parviennent, mais tout de même. Ces gamins ont trois à quatre heure de cours par jour. Ils ont 20 minutes de devoirs le soir. Par semaine. Ils peuvent ne pas aller en cours s'ils veulent plutôt jouer dans un arbre. Ils n'ont pas de contrôle. Des ados de notre âge parlent jusqu'à quatre langues couramment.
Et malgré ça, ils nous surclassent au niveau de leurs résultats.

C'est un système formidable, de ce que j'en ai vu du moins. Le but des professeurs n'est pas seulement de leur apprendre, mais de leur montrer comme être heureux. Imaginez ça en France, un prof de maths qui vous sort "Je vais vous apprendre à être heureux". On trouverait ça drôle, on ricanerait, on se regarderait ensuite avec des moues sceptiques et on se demanderait quel genre de type chelou on nous a dégoté. Mais c'est ainsi que procède l'éducation de ce pays nordique : faire que les gamins soient heureux. Ce système a déjà fait ses preuves et s'appuie sur des faits concrets : par exemple, sur une journée de cours, vous ne retiendrez que 8% de ce qui a été dit. Alors pourquoi enseigner les 92% restants ? L'éducation de cet autre pays préfère utiliser ce temps pour des jeux - très importants -, pour apprendre aux enfants à faire de la couture, à cuisiner, à bosser en groupe, etc.

En France, non. Nous sommes formatés, non pas pour être heureux ou pour avoir le plaisir de l'apprentissage, mais pour répondre à des questions. C'est tristement vrai : lors d'un contrôle d'histoire, nous n'essaierons pas tant d'expliquer notre compréhension et notre intérêt pour le cours que d'essayer de répondre à des questions. Et ça fait toute la différence ! Notre système nous pousse à décrypter les attentes d'un professeur, pas à aimer apprendre. Il faut le savoir, car c'est selon moi là tout le souci qui fait qu'autant de personnes en France n'aiment pas aller en cours, se sentent comme des personnes inutiles, n'aiment les les cours, en viennent à cracher sur des matières essentielles comme le français voire ne lisent pas car on les a dégoutés de la lecture.

C'est là que j'interviens, moi, fainéant issu du système français essayant à grand peine d'ouvrir les yeux pour comprendre ce dans quoi il a été élevé. Je veux tenter des concours et être content dans mon futur métier, et au-delà de ça j'aimerais être heureux tout court. Mais on ne me l'enseigne pas. Je suis d'ailleurs vu comme un paria par des amis qui ne comprennent pas que j'essaie de m'intéresser à des bouquins de philosophie... C'en est décourageant. J'ai l'impression d'être l'unique qui essaie de s'investir en-dehors des cours, aussi je suis content d'avoir rencontré cette dame avec qui je parle au coin du feu, d'avoir rencontré ces gens de la prépa de Sciences Po, qui me motivent.

Dans ces moments où mon cerveau, malgré son apaisement, carbure d'excitation devant tout le chemin qu'il me reste à parcourir, je me sens vraiment bien, et j'ai hâte d'être demain.
Article ajouté le Vendredi 15 Décembre 2017 à 21h56 | |

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