Préambule (texte)
J'écris un OS que je n'ai pas retouché depuis quelques semaines, je vais m'y remettre. Il sera une introspection d'un homme que je nommerai ici A. Je conjugue différents éléments pour ce petit texte, j'essaie de mettre au clair la situation à mes yeux. Pas du grand art, mais ça a le mérite de m'avoir détendu et d'ouvrir le chemin à cet OS que je publierai... un jour.
Certains hommes, voyez-vous, naissent avec un bagage de charisme et d'intelligence tel qu'ils surpassent de par leur nature tous leurs congénères. Pour beaucoup, ce bagage est semblable à une plante laissée à l'abandon dont les bourgeons ne s'épanouiront jamais ; ils ne cultivent en rien leur intelligence innée. Leur vie n'est pas intéressante. Comment écrire des mots et lier des paragraphes entre eux autour d'un fainéant qui n'aurait de cesse de s'apitoyer sur son sort ? Sur un lâche sans rigueur qui est incapable de donner sens à ses facultés, qui se contenterait de se laisser bercer par la vie ?
Je ne les aime pas. Eux ne me donnent pas envie d'écrire, et je détourne le regard de ma plume lorsque l'un de mes personnages doit rencontrer un tel être. Je les exècre, mais bien contre moi je voudrais aussi les aider, les pousser à avancer ! Mais ils préfèrent souvent se vautrer dans leurs facilités et avancer dans la vie en ne grattant que la couche superficielle de leur formidable potentiel. Je ne les aime pas. Eux réussissent là où d'autres moins pourvus par la nature, malgré des efforts répétés et intenses, échouent ; je n'aime pas cette inégalité.
Certains aiment à écrire sur ces personnages, ils falsifient la réalité pour leur donner un sens idéalisé et utopique. Au lieu d'écrire sur la vie, ils écrivent sur leurs fantasmes, sur ce qu'ils croient être la vie. Ils commettent une grave erreur en croyant pouvoir imposer à des personnages un carcan duquel ils ne pourraient sortir, ils croient pouvoir laisser coïncider une liberté totale de la part de leurs personnages et un scénario préétabli, ce qui est incompréhensible. Un personnage libre ne fera qu'agir, et ce indépendamment de la volonté de qui que ce soit.
Je me contenterai donc de retranscrire les faits, sans chercher à les influencer. Je vous raconterai ce petit moment qu'un homme a passé dans un bar hier soir, en recherchant l'exactitude. Bien sûr, je ne serai pas objectif car la personnalité de cet homme dont je vais vous parler me fascine, cependant je ne chercherai pas à changer des éléments à cette réalité ni à la tordre pour que le rendu me satisfasse.
L'homme, que je me permets d'appeler A – comme pour acteur, artiste ou antagoniste –, pénétrait la nuit dernière dans un bar. Ombre parmi les ombres, il portait un lourd manteau entièrement noir. Une montre cerclait son poignet droit et il lui jetait de temps à autre des regards attentifs. Une capuche lui enveloppait la tête et empêchait ceux qu'il croisait de croiser son regard. À la manière du serpent somnolent, il avançait sans peur et donnait une impression de calme ; un calme angoissant toutefois, car l'impossibilité de lire dans ses yeux qui il était le rendait étranger aux yeux de tous, et tous ont peur des étrangers.
Il poussait la porte du bar. Ses mains gantées s'étaient échappées de leurs poches pour pousser la poignée puis ouvrir la porte. Il en remit une dans sa poche – la gauche – tandis que l'autre veillait à ce que son propriétaire ne soit pas agressé, à la manière d'un garde du corps. Pour se faire, elle décapuchonna la tête de A qui s'illumina lorsqu'il passa sous les néons de l'entrée de ce bar.
Les autres ne le remarquèrent pas, ou alors très peu. Un homme attentif aurait remarqué qu'une fille qui puait la couardise et la paresse lui avait jeté un regard fuyant, mais c'était tout. Les quelques personnes qui étaient restées à cette heure tardive, et malgré le mauvais temps, au bar, avaient autre chose à faire que de guetter les nouveaux venus.
A avançait dans le bar. Minutieusement, sa main droite ouvrit son manteau, qui resta ainsi ouvert sur toute la longueur de son torse, dévoilant un T-shirt de soie ; il avait d'ailleurs l'air si léger en comparaison avec l'imposant manteau.
A se faufila entre les coudes des autres, il détourna la tête lorsque leur haleine fétide et puant l'alcool risquait de croiser son chemin, il évita enfin les quelques bras au bout desquels des choppes de bière se balançaient ; il s'assit sur une chaise-haute face au barman. Ce dernier le remarqua à peine, trop occupé à trier et ranger ses chopes.
« Donnez-moi du rhum, s'il vous plaît », dit A.
Là, le prodige se fit. Le barman était l'un de ces ratés ; l'un de ceux au fond desquels sommeillaient des qualités intellectuelles et physiques mais qui n'étaient pas exploitées. Cela se sentit dans sa voix à l'apparence assurée, en réalité vibrante et hésitante :
« Vous le voulez pur ? demanda-t-il avec un rictus.
- Tout aussi pur que de l'eau de roche, s'il vous plaît.
- Eh bien...
- Vous êtes bien aimable, merci. », conclut A en oubliant l'autre interloqué.
La politesse, l'usage, la tradition, voilà ce qu'il utilisait pour se fondre dans la masse. A ne manquait pas d'en abuser, dans l'espoir que les autres comprennent à quel point ces civilités ne sont pas naturelles. Il ne soupira pas. Il préféra jeter un regard dehors.
Le bar était idéalement situé puisqu'il avait été bâti sur le côté d'une allée piétonne qui longeait une mer habituellement douce et calme, porteuse d'espoirs. Ce jour-là, non. À la place d'une brise, c'était un vent violent qui claquait contre les murs et les volets ; l'odeur iodée agressait tout le monde ; le bruit était insupportable.
Cela captivait A. Il était venu ici pour parler avec un ami, mais celui-ci l'avait laissé seul ; il avait pris peur, il avait peur des éléments. A avait décidé de faire le trajet tout de même. Il voulait réfléchir, et la boisson aidait. La première étape pour rejoindre le déchaînement extérieur était de laisser se diffuser le long de ses veines la délicieuse eau-de-vie que le barman venait d'ailleurs de lui servir.
Il la but gorgée par gorgée, et à la place du feu qui brûle la gorge de d'autres, lui appréhende cela comme une mixture qui lui permettrait de réfléchir à plein régime. Il se serait méprisé pour cet acte, pour avoir impunément voulu laisser ses instincts reprendre le dessus, mais il savait doser ce qu'il buvait. Aussi l'alcool allait-il lui permettre de libérer ses instincts, son potentiel inné, tout en se conjuguant au moyen d'un travail intellectuel à sa pensée forgée par le temps et la persévérance.
Le déferlement du dehors lui donne à réfléchir. L'aclool fait son effet.
Il doit partir. Tout se mélange tranquillement dans sa tête, tout devient possible, rationnel, fantastique, fantasmé, imaginé, réel, irréel, logique, cohérent et incompréhensible. Un nuage s'empare de sa pensée.
Il finit son verre, ou bien en a-t-il bu plusieurs ? Il ne le sait pas, et je dois avouer n'avoir pas compté. En tout cas, son état était celui d'un homme presque soûl. C'était ce qu'il voulait. C'était ce qu'il recherchait. Cet état lui convenait.
A tituba quelques instants après s'être levé. Au milieu de la foule, des fous et des folles, des faux-semblants, il ne se sentait plus à son aise ; l'atmosphère du bar ne lui plaisait plus. Il était venu boire, pas côtoyer ces personnages inutiles.
La porte claque derrière lui. Il est dehors. Les brumes de son esprit s'agitent et il les laisse agir, il renonce à mettre de l'ordre dans ce chaos qui règne dans sa tête. Il sait que ça s'apaisera naturellement.
Il lui faut baratter ses pensées, avant que ne se forment d'elles-mêmes des particules solides sur lesquelles il pourra poser des mots et développer ses idées avant de se les exposer à lui-même.
Le voici qui marche vers le pont de Sagaciel.
Article ajouté le Mercredi 29 Novembre 2017 à 23h49 |
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