Voilà, réécriture terminée
Je venais d'avoir 17 ans, âge auquel il est de coutume sur notre île de Terre Gelée de passer la cérémonie de totémisation. Ainsi, j'allais devoir attendre que le conseil se réunisse, parlemente et décide quel Pokémon allait être mon Pokémon fétiche, ou totem, à savoir celui qui me correspond le mieux. Peu importe la réponse, chaque membre de chaque tribu l'acceptait sans discuter car, à cet âge là, nous avons très peu d'expérience, et ledit Pokémon nous est très souvent inconnu... Ainsi, c'est en partant à sa recherche que l'on découvre notre fétiche, plus ou moins loin, et libre à nous ensuite de méditer sur le choix du conseil. Bien évidemment, le conseil est constitué de chaque membre adulte de la tribu; il ne peut être considéré comme complet que lorsque chaque personne apte à y participer y a pris place. Ainsi, dans notre petite tribu de littoral, il compte une cinquantaine de personnes, hommes et femmes.
Comme le voulait la coutume, je faisais un dernier tour de notre campement avant de m'isoler toute une nuit dans la tente familiale. Tous les enfants vinrent tour à tour me voir, car c'était la dernière fois que je les verrais : interdiction de retourner voir les miens tant que mon propre rituel n'est pas accompli. Ce rituel sacré est une preuve de notre rencontre avec notre totem. Il s'agit, après avoir trouvé notre ego spirituel, de fabriquer une coiffe à son effigie. La réussite est un hommage éternel à notre totem, ainsi qu'une preuve de grande sagesse et d'expérience.
Une fois que chaque enfant et adolescent me présenta ses adieux de manière plus ou moins prompt, je poussai un soupir de nostalgie du à tous les bons moment vécus avec eux, ainsi qu'en repensant aux adieux douloureux que je faisais à chaque individu qui commence la cérémonie. Une larme coula quand je me remémorai ceux qui n'étaient jamais revenus.
J'avançais en regardant tomber des flocons gros comme des plumes, écoutant le bruit de mes raquettes dans la neige. Car l'île de Terre Gelée porte bien son nom: c'est une île toute de glace et de neige, parsemée de tribus isolées, et même dans notre tribu, il est impossible de penser sortir sans sa tenue complète, sous peine de mourir rapidement de froid. Tribu dont les seules visites régulières sont celles des jeunes passant à l'âge adulte et des quelques troqueurs venu échanger des produits du nord contre ceux du sud: le plus souvent du sel et du bois contre des métaux et de la laine. Le climat devenait de plus en plus froid en montant, et notre campement se situe à l'extrémité sud de l'île. La tribu la plus proche se situe à quelques jours de marche vers le nord, après une zone de désert gelé, un no mans land battu par de fréquentes tempêtes très violentes, où il n'est pas rare de voir un compagnon devant soi disparaître en quelques secondes, invisible à cause d'un blizzard soudain, selon les dires. Une ancienne légende mentionne une créature démoniaque qui, quand elle a faim, invoque des tempêtes et prend l'apparence d'un Polagriffe pour mieux approcher et emporter avec elle ses malheureuses victimes, dont elle consomme l'énergie vitale. Ainsi, il est de coutume de faire la traversée à plusieurs personnes attachées par une corde, si un voyage important est nécessaire, car il y a moins de risques de se perdre, mais surtout le démon ne s'en prend qu'aux voyageurs solitaires, par lâcheté. Plus le trajet est long, plus il est dangereux. Se déplacer en raquettes sur ce terrain ne permet pas d'aller au delà de trois kilomètres en une heure par temps calme, et une vitesse trois fois moindre sous blizzard. C'est la raison d'un temps de voyage si long pour un trajet d'une petite centaine de kilomètres.
Tout le monde avait disparu, au camp: les adultes dans la grande tente du conseil. Les enfants dans leurs tentes respectives, leurs adieux faits. Seul mon père n'était pas avec le conseil, car il est le chef héréditaire, et moi, fille du chef, sortie de sa tente sur ordre de Papa, qui m'avait demandé de prendre l'air un moment pour me calmer, et pour le laisser préparer le rituel de l'attente... J'étais encore plus excitée, malgré l'air de la mer. Et la température.
Ayant traversé le campement, de la mer jusqu'à la tente du chef, la plus humble qui soit, je pénétrai dedans, cherchant Papa du regard. Je regardai à gauche, à droite, personne. J'allais me retourner lorsque j'entendis des pas discrets s'approcher de mon dos: c'était mon père. A son habitude, il allait me jouer un tour dont il avait pris plaisir, mais pas moi... Je voulus me retourner, trop tard: un coup de genou dans le haut de la cuisse suivi d'une clé de bras m'immobilisa rapidement... Mais au moment où il allait remonter mon bras d'un coup sec pour me forcer à m'agenouiller, je me penchai en avant: emporté par sa force phénoménale, Papa me roula sur le dos et s'effondra devant moi. Alors, comprenant que j'avais enfin réussi à contrer son offensive, il accepta ma main tendue et se releva avec regard sérieux.
"-Eh bien ma fille, tu as tous les atouts pour prendre ma place !
-Papa...
-Tu sais très bien de quoi je parle alors ne te moques pas de moi.
-Je ne serai pas longue. Tu ne rejoindras pas nos ancêtres avant mon retour.
-Si la vie pouvait être aussi simple...
-Tu es encore en pleine forme malgré tes cinquante ans.
-Allons. (Il me caressa mes longs cheveux blonds.)
-Fais-le au moins pour Maman. Tu pourras tout lui raconter suite à ton Grand Voyage.
-Je suis le seul chef de cette tribu, et même si tu as raison tu ne peux me donner d'ordres. Aussi vrai que je ne peux rien ordonner au cycle de la vie.
-D'accord, Papa. Mais que tu le veuilles ou non je ferai tout pour te rendre fier de moi.
-C'est un ordre que je te donne moi aussi ! Je veux être fier de toi si jamais j'assiste à ton retour.
-D'accord, Papa."
Il me fit signe de la main et sortit de la petite tente. Quant à moi, je restai là, à fixer le sol. Je m’inquiétais beaucoup pour Papa car il est seul. Il n'a que moi. En fait, quand Maman était encore parmi nous, Papa avait l'air plus proche de nous. Je dis nous, car je suis son huitième enfant. Les rudes conditions d'ici ont eu raison de tout le reste de ma pauvre famille, peu après ma naissance. La fatigue eu raison de ma mère, puis une redoutable vague de froid emporta beaucoup de gens dans notre tribu. La sort décida d'emporter la descendance de mon père et de l'empêcher d'enfanter. Ironie du sort, quand on sait que Papa m'a nommé Plume à cause de ma fragilité. Une loi est sacrée pour le chef : il ne peut se marier si il n'a pas besoin d'avoir d'héritiers. Je suis toujours en vie, et une femme peut devenir chef de la tribu. Cela fait donc dix-sept ans que je vis seule avec mon père, qui passe le plus clair de son temps à chercher à améliorer notre condition de vie. Il ne veut pas d'une seconde catastrophe meurtrière. C'est ainsi qu'il tente de me cacher les ravages causés par la solitude, la fatigue et le poids de dépressions courantes. Alors je fais ce que je peux pour le soutenir, lui donner une raison de se battre, l'aider à reprendre sa vie en main.
Qui allait me choisir le conseil? Je ne connais strictement rien aux Pokémon. Hormis les rares à s'aventurer sur la plage ou près de la tribu, je n'en connais presque aucun. Et puis, venait la seconde partie du passage à l'âge adulte. La coiffe. Car une fois mon fétiche connu, j'allais devoir partir de ma tribu pour en trouver une autre, prête à m'aider pour ma tâche: confectionner une coiffe à l'effigie de mon totem... Bien sûr, l'aide de la tribu qui m'aidera ne se limite qu'à une chose, me fournir le matériel nécessaire... Par exemple, Papa m'a raconté quel mal il avait eu avec la sienne: son fétiche, le Gueriaigle, car celui qu'il avait trouvé ne s'était pas laissé approcher avant un bon mois. Papa avait fini par obtenir sa confiance en sauvant ses petits, bloqués sous une épaisse couche de neige tombée d'un arbre. Il m'avait raconté comment la mère était tellement impuissante à creuser la poudreuse, à cause de ses serres. Même à coup de vent, la neige ne voulait pas bouger, et c'est alors que Papa finit par les déterrer, à la main. Bien qu'il faillit y laisser des doigts, il obtint la confiance tant recherchée du Pokémon qui accepta de poser sans bouger de longues heures. C'est depuis ce jour que Papa porte une magnifique coiffe blanche et bleue, dont la moitié d'un bec jaune masque la moitié supérieure de son visage. Mais je me posais toujours la même question, mon fétiche, allais-je le trouver? Se laisserait-il faire ou pas? Mais pire encore. Et si je n'arrivais jamais à la prochaine tribu?
Perdue dans mes pensées, je m'allongeai sur mon lit de laine. Incapable de dormir, je me demandai quand le conseil aurait enfin décidé. Habituellement, il met une journée à choisir. Ensuite, mon père viendra m'annoncer le choix qui a été fait, puis viendra le moment de quitter le village: seule. Juste mon père pour me dire au revoir. Car oui... Je n'ai le droit de voir personne. Tout le monde restera dans sa tente, en deuil à mon enfance passée. Leur unique souvenir me sera offert par mon père, une cotisation de tous les membres, des biens utiles pour ma quête spirituelle, et de quoi me défendre.
Pour ma part, j'ai commencé à jouer, un jour, avec un long bâton. J'ai toujours aimer le faire tourner, entre mes doigts, autour de moi. Alors, un jour où j'avais fauché les jambes de mon père sans le vouloir, il partit du village pour plusieurs jours. Lorsqu'il revint, c'était pour m'offrir un long bâton d'un blanc immaculé, comme nos capes en laine épais. En plus d'être incroyablement solide, il était très léger. Je l'ai toujours. En quatre ans, il a toujours tenu les chocs non voulus, les chutes et autres...
Alors je pris mon bâton et commençai à le faire tourner. D'abord à deux mains, puis à une, à tour de rôle. Depuis le temps, c'était un jeu pour moi. Un double avantage de ce bâton, c'est de pouvoir marcher et se défendre avec. La solidité de mon bâton était telle qu'il pouvait casser la glace... Imaginez sur une tête. Je continuai de m'entraîner, et les temps passa rapidement. Trop rapidement...
Papa arriva enfin. Il avait les mains dans son dos, et, avec un air sérieux et grave, accentué par la coiffe qu'il portait. J’arrêtais de faire tournoyer le bâton et m'approchais de lui, et il me souffla à l'oreille la décision irrévocable du conseil.
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Voilà pour la réécriture finale! Préparez-vous pour le second chapitre, rarissimes lecteurs. J'ai enfin trouvé comment écrire cette fiction, donc ça ne devrait pas prendre trop de temps.
Article ajouté le Lundi 09 Janvier 2012 à 23h02 |
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