Dominoroman 3
Un début de roman moins long cette fois : "La route"
Censé être en cinq nouvelles se rejoignant à la fin.
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Introduction
La route, le chemin, le sentier, autant de lignes à franchir pour atteindre un but précis. L’homme n’est pas guidé par son instinct mais par les cartes et les pancartes
Sur cette route ce soir, les vies se croisent sur le carrefour du destin, ainsi il n’est absolument pas nécessaire d’imaginer une flopée de lieux différents.
Juste une route, bordée par les champs, à deux voies avec la chaux blanche parant le macadam, brillant sous les phares des voitures.
Bien sur c’est la campagne, car une route en ville c’est terriblement impudique.
Pas moyen de marcher sans être regardé
Le comble quand on est dehors.
« Tous les chemins mènent à Rome »
1. L’amoureux transi de froid et la jeune fille au sourire de lumière
Un rire s’échappa à mesure qu’ils quittaient le hameau. L’obscurité de la nuit parachevait cette belle soirée qu’ils avaient passée sous les réverbères de la ville. Le crissement des pas sur le trottoir sablonneux laissa place au bruissement des chaussures sur l’herbe à peine humide. Il faisait toujours froid, mais ils étaient enfin seuls, libérés de l’emprise des murs de la commune.
Lui était un peu plus grand, et comme Elle avait froid il la couvrit d’un bras derrière sa nuque, corroborant les épaules de la fille. Le garçon avait un sourire épris pour la créature du sexe opposé qui n’était pas indifférente à cette débauche d’affection faciale.
-J’ai si froid.
-Moi aussi j’ai froid. Mais à côté de toi, je suis comme devant une cheminée sur un canapé douillet.
Il sourit car elle savait parler à la perfection, assemblant les mots de sorte à former des phrases nacrées, belles à entendre et à prononcer.
-Tu m’assures que si l’on va chez toi il n’y aura aucun problème ?
-Aucun. Mes parents ne seront pas là. Et au petit matin tu auras tout le temps de repartir.
Le garçon était d’un naturel méfiant, la fille d’un naturel calme. En effet son imperturbable flegme ne se troublait que lorsque l’amour l’emplissait de bonheur.
-Je continue à croire que c’est quand même assez risqué… Tu es vraiment sure qu’il n’y a personne ?
N’importe quelle fille aurait soupiré, levé les yeux en l’air et aurait dit « Quelle tête de nœud tu fais ! Ca fait cinquante fois que je te dis OUI JE SUIS SURE ! »
Mais pas elle :
-Je sais ce que je fais. Je sais ou je t’emmène.
Et là elle eut enfin ce qu’elle avait à donner de plus beau : Son sourire. Il observa paisiblement son sourire luisant, sans maquillage, un vrai cadeau. Les lèvres de la fille se plissaient légèrement, ses yeux se baissaient et son visage prenait une teinte rouge-rose, comme si des milliers de fleurs microscopiques venaient de s’ouvrir sur sa peau blanche divine. L’espace d’un instant le garçon eut envie de l’embrasser mais il se retint, car il ne voulait pas troubler la beauté faite femme dans son plus simple appareil, laissant ouvert à toutes les rêveries ses yeux songeurs, exprimant de sa bouche un bien-être sans pareil
Le tout dans le froid glacial de la nuit d’automne, ou les champs déserts et gigantesques étaient seuls témoins du sourire de lumière de la fille.
Au fait, ce soir, après cette nuit, le garçon va rompre avec la fille. Il va lui briser le cœur et lui avouer qu’il sort avec une autre, mieux. Et surtout, qu’elle il la veut comme amie mais pas plus. L’autre est mieux, elle saura satisfaire les attentes du garçon.
Ils continuaient donc à marcher, elle insouciante et reposée, lui agréable et frissonnant.
-Tu sais, commença t-elle pour entamer une conversation, je crois que petit à petit, la société et les mœurs vont évoluer. A terme, on sera capable d’accepter les populations sans se préoccuper de leur ethnie.
Comme elle était étudiante en sociologie elle aimait bien monologuer sur ses opinions. Ca donnait souvent lieu à des conversations intéressantes. Il convint aussi que dans la situation, parler tenait chaud. Il admit de s’y investir.
-Tu crois ça…
-Bien sur. On se dirige à grands pas vers un monde avec une race unique. Les mélanges vont donner lieu à un nouvel être humain, unique, et les distinctions cesseront d’être. On ne sera plus différenciés que par nos rites religieux.
-Il y aura plus ou moins de guerres ?
-S’apercevant de l’unicité de la race, l’homme comprendra qu’il ne fait que s’autodétruire. Mais conscient de la différence de religion, il admettra qu’il y a encore des raisons de se faire la guerre pour défendre Dieu contre les gens qui ne croient pas assez bien en lui.
-Encore des batailles pour des sorties dominicales, rien de nouveau.
-Tout est une boucle. L’homme, race unique va retourner à un état semi animal de non-différenciation des espèces identiques. Il trouvera donc un autre moyen de se détruire et de dissocier les êtres.
-Tu penses que la sexualité fera la différence elle aussi ?
-Assurément, et je pense même qu’elle sera à son tour un critère de conflit. Les gens, trop identiques, développeront une société basée sur des critères purement intérieurs. Par exemple un homosexuel musulman handicapé riche à millions sera une cible hautement discriminée.
-Ca m’étonne quand même que tu sois aussi pessimiste sur l’avenir de la société.
Juste à cet instant une adorable petite minette, un petit chat écaille de tortue, marcha de l’autre côté de la route d’un pas altier et sur, dans la même direction que le couple. Mais de l’autre côté de la route. Son habilité à rester invisible dans la nuit fit merveille.
-Je suis optimiste sur l’avenir individuel des gens et des choses. Je sais qu’à court terme nos vies seront meilleures. Question d’intuition. Mais à long terme comme tous les projets à long terme, la société évoluera vers le mal.
Il plissa les yeux. Il avait comme l’impression qu’elle faisait une discrète allusion à leur couple.
Elle refit son sourire de lumière. Cette fois cela excéda le garçon.
-Tout est en feu, tu vois. Tout brûle. Petit à petit tout se désagrège et meurt dans un flottement silencieux… C’est ce qui va advenir de l’humanité…
-Surement.
-…Du monde…
-Rien n’est moins sur.
-…et de l’amour.
Le garçon avait de plus en plus froid comme si une sorte de culpabilité silencieuse l’emplissait. Lui qui était si chaleureux en sortant du hameau semblait maintenant refroidi et peu serein.
Il avait toujours eu le sentiment qu’elle savait tout, que sa pensée outrepassait ses mots, qu’elle n’était jamais entièrement vraie avec lui. Ce sentiment d’impuissance qu’il ressentait à ses côtés s’expliquait par son incapacité à exprimer ce qu’il pensait vraiment d’elle. Pourtant ça faisait deux ans qu’ils étaient amoureux l’un de l’autre, mais lui avait toujours senti qu’il trouverait mieux, comme si en plus d’être terriblement entière elle était magnifiquement incomplète.
Au loin sur la route, la lumière des phares
Article ajouté le Mercredi 23 Avril 2008 à 12h03 |
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