Domino, Lovely Bitch Writer
de Domino

Yamete. Comme un cri d’alarme, comme un signal, comme une volonté suprême qui écrase tout. Ce mot si simple, si terrible, répété tant de fois. « Je veux que cela cesse ». Yamete. Et c’est tout ce qu’elle criera, comme pour s’en draper, comme pour supporter la tristesse.

Digimon Tamers en arrive à son tournant. Je savais évidemment ce qui allait arriver, néanmoins j’avais vu cela en allemand et avec des intervalles. Là, tout voir d’un coup, ça fait un effet choc. Je pense qu’on a atteint un faîte, un véritable sommet. Ce ne sont pas trois vulgaires épisodes de Digimon que j’ai vu là, mais vraiment une œuvre d’art. Tout s’était assemblé pour ne former qu’un bloc compact de noirceur, d’horreur, de terreur aussi. Parce que l’imprévisible est roi dans ce triptyque machiavélique que constituent les épisodes 34, 35 et 36 de Digimon Tamers.

Contexte : Suzie (Je n’arrive jamais à écrire son nom japonais correctement, de même que pour Henry) a fait d’Antylamon son partenaire. Henry et Takato se retrouvent devant la porte du Sud pour tenter de raisonner les Dieux à propos du cas Culumon (Avec sa fameuse « More-or-less-Powerful attack » qui m‘a bien fait rire). C’est alors que Beelzebumon, la forme Mega d’Impmon, apparaît pour sceller son deal avec Chatsuramon et tuer les Tamers. Arrivent alors les autres qui étaient séparés de Takato et Henry. Tout le monde est là, la fête peut commencer.

Et là c’est VRAIMENT le drame. Il arrive quelque chose qui était en fait déjà arrivé dans les deux séries précédentes mais dans des circonstances nettement opposées. Angemon a fait usage de ses dernières forces pour renaître entre les mains de Takeru. Néanmoins sa « mort » laisse des traces chez Takeru qui savait ensuite toute la fragilité de son Digimon (Et de l’Espoir. L’espoir est très fragile, c’est un peu aussi ce que nous apprend ce triple-épisode). Quand Ken perd Wormmon, il le récupère au Village des Bébés Digimon. Seulement dans Tamers le Digimonde n’a pas de service après-vente bébés. C’est un monde âpre, violent, rude. Les Patates à pattes tuent les torches humaines, les hydres se saoulent au Sake, les Culumon traversent le désert, les Divermon sont stupides et comprennent pas trop les choses qui se passent… Cyberdramon veut se battre sans raison tangible et nous saoule avec son ennemi… Bref c’est dur quoi. Et voilà, Beelzebumon tue Léomon en lui balançant un coup de griffe.

Un partenaire Digimon meurt dans cette saison. Jamais fait. Mort définitive et non avenue. Pas de retour possible. La vraie mort, celle qui tue. M-O-R comme ils disent dans Sacré Robin des Bois.

Cette mort crée un électrochoc. Beelzebumon n’est pas là pour déconner. Déjà son Design est très pointu, démoniaque, mortifère. On sent vraiment un truc impitoyable, affreux. Ensuite c’est quand même un des sept Seigneurs Démons, sous l’égide du pêché capital de la Gourmandise (Friand de données et de puissance), sa couleur est le Jaune, sa planète est Vénus (Lilithmon s‘est contentée de la Lune…) et il est basé sur le démon Belzébuth, Sa Majesté des Mouches en personne, selon John Milton : « Premier en pouvoir et en crime, après Satan ». Enfin, c’est quand même leur vieux camarade Impmon. Et là sans pitié, il tue Léomon qui avait tenté de le raisonner avec de bons mots pourtant.

D’ailleurs Léomon lui dira : « Ce n’est pas ton destin de tuer ces enfants ». Ca m’a rappelé la saison 1, j’ignore pourquoi. Sérieusement, ça m’a fait un callback mais dont j’étais incapable de saisir l’origine exacte. Peut-être un lien avec son ancienne personnalité.

Les réactions sont extraordinairement intéressantes et variées. Ruki est terrifiée. Suzie pleure et ne cessera pas de pleurer tellement qu‘elle est trop choupinette (C‘est affreux d‘ailleurs de passer cet horrible épisode juste après l‘épisode trop mignon avec Antylamon). Henry pète un câble, il ira jusqu’à vouloir supprimer Lopmon parce que c’est un Deva. Kenta fait dans son froc et n‘aura de dialogue cohérent que dans la troisième partie. C’est l’anarchie, tout le monde pleure, crie, se cache, panique, perd son sang-froid. Un personnage se démarque et deux autres font toute la dramaturgie. C’est très étonnamment Hirokazu qui se démarque - je ne dis pas ça parce que je l’adore mais parce qu’il a vraiment un processus de réaction tout à fait atypique et réaliste.

Il tente d’abord de dire à Jeri de s’éloigner en la prenant par le bras, réaction somme toute normale. Cette dernière, traumatisée et choquée, refuse violemment son aide : « Ne me touche pas !! ». Voilà, c’est clair et net. Tu n’es pas mon ami et tu ne l’as jamais été, va te faire foutre. Ne viens pas me soutenir alors que tu n’as jamais été plus pour moi qu’un camarade de classe. Hirokazu est pourtant sincère, il veut la protéger et la soutenir. Il retentera une seconde fois et sera d’ailleurs un des seuls à penser à elle sur le champ de bataille. Quand Gardromon se fera frapper, il aura une pensée qui explique tout à fait sa réaction : Il sait que lui aussi pourrait perdre Gardromon - qui est au même niveau, mais plus faible en puissance que Léomon - et du coup il comprend de loin ce que Jeri peut ressentir. Sur la fin, il sauvera Takato d’une mort certaine en réalisant que malgré la peur, le combat peut servir de bonnes causes. Cette intervention scellera le combat et permettra sa finalité.

Toute la dramaturgie est soutenue par Takato et Jeri. Takato hurle revanche, c’est un syndrome typique dit du « Sasuke pleurnichard ». Ah on en a vus, de bons personnages ruinés par des vengeances à la con, archi-formatées Tu as tué mon keupain, alors moi je veux te tuer. Rien que ça. Cette rage (Qui laisse à penser que Takato est un futur Charles Manson en devenir, il a un passif de furieux ce môme… Ses parents devraient le faire surveiller psychologiquement) va créer un grand Chaos et faire se transformer Guilmon en Megidramon. Chose intéressante, cette affreuse bestiole grossière, bête et méchante est… un des Four Great Dragons, au même titre que Magnadramon, Golddramon et Azulongmon. Ca doit être genre le mouton noir, l’attardé de la bande, la Peggy de la clique, enfin bref. Megidramon est très fort, mais le problème c’est qu’il est genre buggé et que son apparition est un code Action Replay pour détruire le Digimonde. Yay. Ca donne un combat horrible, violent, moche, qui fait pleurer Jeri qui s’empresse de dire à Takato à quel point tout cela est horrible (Et ça l‘est, c‘est d‘une monstruosité stupide et violente comme cela ne se voit pas, pas même dans Tamers où les combats sont volontiers animaux et furieux mais PAS COMME CA !) Je ne sais pas ce qui est le plus tragique : La tristesse de Jeri ou le fait que personne ne l’écoute. Bon sang, la pauvre petite s’égosille : « Yamete ! Yamete !! » Et personne n’écoute. Elle ordonne que cela cesse mais ça continue de façon inéluctable, parce que Beelzebumon ne compte pas s‘arrêter et que tous veulent l‘arrêter à tout prix. C’est un cercle sans fin, Jeri le sait aussi et cela la torture, évidemment, tout ce chaos qui l’empêche de pleurer silencieusement la mort de son partenaire. Et Takato continue à faire l’idiot tout ça parce qu’un barbu fumeur de pétards lui a dit « Ouais ton Guilmon c’est des données ! »… Et quand Jeri lui rappelle que, Ok Guilmon c’est des données, mais c’est aussi un super copain trop choupinet… bah ça s’arrange. Presque.

A noter un bref caméo d’Agumon, qui veut tout dire : Il faut revenir au sens commun, et le sens commun, c’est… la première série. Et du coup on retrouve ses marques. Takato aussi. Et ça aide, ce caméo. C’est significatif. Merci pour ça, c’était une litote parfaite.

La musique est omniprésente, lourde, pesante, elle participe totalement à l’ambiance terrifiante. Beelzebumon passe son temps à menacer, à tirer, à griffer, il tue Makuramon (Enfin quelqu’un se décide à le faire !), absorbe des données, subit le contrecoup de la transformation… C’est infernal. Les évènements s’enchaînent à une vitesse hallucinante sans jamais être trop brutaux ou incompréhensibles. Mais tout ce qui se passe est chaotique. Le dessin même y participe. Je crois qu’avant celui-là je n’avais jamais vu de telles expressions sur le visage des personnages. Parfois ils font peur tellement ils semblent terrorisés. Comme des enfants.

La fin est cruelle. Jeri pardonne à son tortionnaire. Elle fait preuve de sagesse, de courage, de résignation aussi, mais quelle majesté dans ce personnage. « Ok tu l’as tué, mais te tuer ne le fera pas revenir ». Bravo Jeri. Tu as compris ce que les Etats-Unis n’arrivent pas totalement à comprendre. Tu sais que la vengeance ne te rendra rien et que pardonner est pire pour le coupable que d’être une victime malheureuse. La meilleure des punitions pour un meurtrier, c’est une victime qui surmonte le crime. Jeri a botté le cul de Beelzebumon. Elle est plus forte que tous ces Tamers avec leurs Digimon. Elle a usé de la plus grande des forces : Son âme. Elle a compris ce que les premiers digisauveurs avaient compris aussi : Les symboles, les Digivices, ce ne sont que des artefacts, des réceptacles, des outils. C’est le cœur qui compte. Jeri se prépare à une longue dépression, mais elle a déjà bien morflé et a déjà évacué le gros de la peine : La rancœur.

Yamete. Courage, cela s’arrêtera bientôt. C’était le destin, comme l’a dit Léomon.

La fin est cruelle comme je l’ai dit parce que tout le monde est content mais du coup on a un peu oublié Jeri qui vient quand même de subir une perte terrible. C’est cruel. Et on revoit Ryo, nos yeux saignent, nos oreilles aussi parce que ces dialogues sont vides, creux, ce personnage est nul.

L’autre truc un peu relou ce sont les Eyecatch (Intermèdes entre les publicités au milieu de l’épisode) qui sont totalement gogols et du coup ça casse le rythme.

Mais c’était grandiose. Je vais finir cette série avec le sentiment de la série appréciée et bien finie.