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Je reviendrai... [OS] de Cyrlight



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» Auteur : Cyrlight - Voir le profil
» Créé le 29/12/2012 à 12:44
» Dernière mise à jour le 29/12/2012 à 15:22

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Je reviendrai...
Lovée dans ma pokéball, petit cocon douillet où j'étais pelotonnée en boule, bien au chaud, je n'avais peur de rien. Je savais qu'ici, rien ne m'atteindrait jamais : j'étais à l'abri. Ni la peine, ni la douleur, ni la souffrance et pas même la mort ne traverseraient ces parois de métal qui m'encerclaient.

Mon maître prenait un soin jaloux de tous ses pokémon, moi comprise, même si je ne faisais pas le moindre combat. C'était étonnant, certes, mais pas tant que cela dès lors que l'on connaissait mon rôle. J'étais une Gardevoir, chargée de superviser le reste de son équipe. J'exerçais ma tâche avec une dévotion respectueuse. J'aimais mon dresseur, plus encore que mes compagnons qui l'adoraient également. Nous aurions tout fait pour lui, car il faisait tout pour nous.

Il disposait de nombreux pokémon, dont il s'occupait autant les uns des autres, mais seuls trois sortaient réellement du lot : sa Caninos, petite, frêle en apparence, mais redoutable au combat, son Machopeur, tas de muscles qui déplacerait des montagnes si nécessaire, et évidemment, le plus précieux de tous, son Galopa Shiny. Ce dernier était la prunelle de ses yeux, et des miens par la même occasion.

Il était beau, fort et courageux. Avec mon maître, ils formaient un duo tel que l'on n'en avait même pas idée. Jamais avait-on vu un dresseur aimer autant un pokémon, aussi fort que je les aimais moi. Je me dévouais corps et âme à eux, car je voulais les voir perdurer. Je voulais les voir toucher les étoiles, et avoir pour satisfaction de les y avoir aidés un jour, contribué d'une certaine manière à leur réussite.

Comme je ne combattais jamais, je regardais les autres le faire. Encyclopédie vivante sur la stratégie, les techniques de combat à adopter dans l'arène mais aussi en connaissance sur les adversaires, j'étais heureuse de voir que j'avais autant ma place auprès du maître que les autres. Je savais tout, et pouvais presque deviner à l'avance l'issue d'un match si mes informations le permettaient. Cependant, je ne tenais ce don que d'être éloignée de l'arène. Je pouvais ainsi conserver une neutralité que j'aurais probablement perdue si l'on m'avait jetée au milieu d'un combat. J'observais. Jamais je ne luttais. C'était mieux ainsi, ce qui permettait d'atteindre cet équilibre si parfait qu'il ne se briserait jamais.

Mais il ne fallait jamais dire jamais. Du jour au lendemain, le rêve se brisa. Tragiquement, le Galopa Shiny, fierté de notre dresseur, périt dans un accident. La mort nous avait atteints, la douleur nous terrassa et la peine s'ensuivit. Le maître ne fut plus le même après cela. Ses pokémon ne s'appuyaient plus sur lui, au contraire, c'était eux qui portaient le poids de sa peine sur leurs épaules afin de l'en délester. Il n'était plus que l'ombre de lui-même, et pendant un moment, je crûs qu'il ne s'en sortirait pas. Tout comme moi. En même temps que son coeur, le mien aussi s'était brisé. Ma vie n'existait que pour servir la sienne, et mon bonheur ne pouvait être complet si le sien n'était plus.

Notre dresseur s'éloigna peu à peu des arènes, au début par manque de volonté, accablé par le deuil, puis progressivement évincé. Sa vive Caninos fut bientôt écrasée par des hordes sauvages d'Arcanin, tandis que son Machopeur n'arrivait plus à faire étalage de sa force, devenue un fardeau plutôt qu'un atout. La mort avait préfiguré la chute.

Quant à moi, qui partageait chaque larme, chaque déception de mon maître, je continuais d'observer, car tel était là mon rôle. Je savais où était ma place. Auprès de lui, à prodiguer conseils et astuces. Je restais dans son ombre, dans l'espoir de lui insuffler l'élan nécessaire pour renaître à la vie. Cependant, bien vite, je vis que mon don s'était altéré, lui aussi. Le sort tragique de Galopa, mon ami le plus précieux, avait voilé mes yeux. Je ne voyais désormais plus rien. Ma vision s'était obscurcie, la neutralité envolée. Désormais, je n'aspirais qu'à voir payer ceux qui se mettaient en travers de la route de mon maître. Je savais que c'était mal, que je ne devrais pas. Mais je ne pouvais faire autrement.

Les matchs devenaient incompréhensibles. Les arbitres étaient corrompus, les dresseurs procédaient à des échanges illogiques, et dans tout cela, l'honneur s'était enfui. Mon maître, lui, avait conservé le sien malgré la douleur, mais son absence chez les autres lui rendait la tâche hardie. Pourquoi respecter des règles quand tous cherchent à imposer leur propre loi ? J'avais l'impression que mon monde avait cessé de tourner rond, moi qui le croyait parfait et immuable.

Je voyais impuissante les choses empirer de jours en jours. Notre dresseur était au plus mal. Les matchs se firent de plus en plus rares pour lui qui n'avait plus le niveau, selon les dires de plusieurs, et plus de pokémon suffisamment entraînés pour lui permettre de se refaire un nom.

Toutes les nuits, je priais Arceus jusqu'au matin, afin qu'il accorde à mon maître la chance de se relever. J'eus beau attendre la réponse, elle ne vint jamais. Je faisais confiance au tout puissant, qui veillait sur nous quelque part, mais je songeais qu'il avait décidé de laisser le destin suivre son cours, sans influer dessus. Je ne lutterais pas contre la volonté divine si tel était le cas, mais je voyais le martyr de mon maître, dont la douleur me déchirait. Je l'aimais trop pour le laisser ainsi sans réagir. Je ne pouvais plus assister à son supplice plus longtemps, lui si droit dans un monde si corrompu. Je n'avais plus le choix désormais. Il ne restait qu'une chose à faire.

Les adieux. C'était là la seule solution. Je devais partir. Certes, je n'étais pas certaine de survivre à mon départ, car mon dresseur et tout ce qui l'entourait était mon unique raison de vivre, d'exister. Sans lui, je n'étais rien, pas même une ombre sans nom. Si je partais, je porterais toute ma vie sur les épaules le poids d'un abandon, l'abandon de ceux que j'aimais, de ce qui faisait que j'étais quelqu'un. Mais si je restais, je perdais tout espoir d'arranger un jour les choses.

Un soir, alors que mon maître rentrait en larmes suite à une nouvelle défaite de sa Caninos, je compris qu'il était temps pour moi d'agir. Le monde s'écroulait autour de moi et je me contentais de le regarder faire. Je n'allais pas attendre de voir notre dresseur sombrer, car je n'y survivrais pas, tout comme lui avait eu peine à survivre à son Galopa.

J'attendis qu'il soit très tard, que tous les murmures se soient tus, pour m'enfuir. Dans son immense bonté et générosité, le maître nous permettait de rester hors de nos pokéball la nuit. Il nous faisait confiance, il savait que nous lui rendions son amour en lui obéissant. J'allais le trahir, me trahir en tournant le dos à tout ce à quoi j'étais dévouée, mais ma décision prise, elle devenait irrévocable.

Sitôt avais-je fait un pas au dehors que j'eus l'impression de suffoquer. Atteinte par la culpabilité, continuer d'avancer fut un supplice innommable. Pourtant, je poursuivis mon chemin, cette route qui m'éloignait de ma maison et de ma famille, mais que je devais suivre, car c'était là le destin qu'Arceus avait tracé pour moi.

J'allais devenir une combattante, moi aussi. Et un jour, je trouverais le moyen de révéler aux yeux du monde ce que sont devenus les matchs pokémon et les combats en arène, corrompus, truqués, noyés sous l'argent ou les titres. Je devais le faire pour mon maître, car je lui devais tout. Même si je devais y laisser ma vie ou mon honneur, pour que les siens soient saufs, le prix ne semblait pas élevé. S'il le fallait, j'irais jusqu'à faire un pacte avec Darkrai, mais une chose était certaine : j'arrangerais la situation tôt ou tard. Pour mon maître, pour mes souvenirs, pour que tout rentre dans l'ordre. Alors, et seulement ce jour-là, je reviendrai.

J'étais une Gardevoir, dont la vie n'était qu'un rêve, et auquel j'ai coupé court afin de permettre à celui qui m'est le plus cher de vivre le sien. Désormais, ma vie ne vaut plus rien, seule la sienne compte. Arceus m'a donnée une tâche à accomplir, je la mènerai à bien. Je réaliserai mon destin, ce pourquoi j'existe. Sur tout ce que j'avais et sur les souvenirs qu'il me reste, j'en fais le serment...

Je reviendrai...