Concours de fanfics de Noël 2008 : création de Dihoulaladine

Noël, seul ou en famille ?


En plus d'être dans la merde jusqu'au cou, Tim se laissait aussi ensevelir sous les innombrables flocons de Frimapic. Il ne savait plus depuis combien de temps il restait immobile, mais la nuit, l'ennui, le froid et la solitude avaient fini par le décourager complètement. Et pas n'importe quelle nuit ! Il avait fallu que ça tombe sur celle du réveillon de Noël. Celle que l'on passe habituellement au chaud et en famille, tout en mangeant la Pokédinde.
Malheureusement, alors que Tim venait à peine d'arriver dans sa chaumière d'enfance, quelques heures auparavant, pour les fêtes de fin d'année, sa mère, maintenant très âgée, lui avait demandé de faire une petite course rapide jusqu'à la ferme du coin.
Le jeune homme se porta évidemment volontaire pour aller acheter du foie gras de canard... malgré ce froid de canard.
Tim prit alors son vieux vélo poussiéreux dans le garage, et emprunta le chemin qui bordait la forêt de sapins. Maintenant qu'il avait vingt ans, il dût pédaler comme un cana... comme une grenouille, pour éviter que ses genoux ne tapent sur le guidon.

Cette ferme était toute son enfance. Il avait l'habitude de suivre les ouvriers qui partaient attraper leurs Psykokwak au Lac Savoir, avant l'intubation pour le gavage. Puis, toutes ces pauvres bêtes engraissées finissaient ensuite dans une sorte de poulailler, jusqu'à leur mise en boîte.

À la sortie du bâtiment, en rebroussant chemin vers sa maison, sa bicyclette pourrie tomba en ruine. La roue avant se dévissa, et Tim vola quelques mètres plus loin dans le décor. Sa chute fut amortie miraculeusement par la haute et épaisse neige.
Il vérifia dans son sac à dos que la marchandise n'avait pas pris de mauvais coups, et contempla un instant l'épave. Il n'y avait plus rien à en tirer.


Si habiter à Frimapic et ses alentours pouvait être génial pour ceux qui avaient la chance de connaître à longueur d'année, l'air pur de la montagne, la clarté de la neige, ou encore... le tire-fesses des stations de ski ; lorsque l'obscurité s'installait et que les températures chutaient encore d'un cran, il ne valait mieux plus gambader dans le coin.
Ce fut pourtant ce que Tim avait dû décider à contre coeur, s'il voulait espérer rentrer plus vite chez lui, avant de geler sur place. Mais entre traverser une forêt à vol d'oiseau, et slalomer dans un labybrinthe rempli de sapins, c'était totalement différent.

Tim ne manqua donc pas de se perdre au beau milieu de ce raccourci sournois. Il avait commencé par utiliser son téléphone portable, mais en vain. Et depuis qu'il avait crié à l'aide, un Noarfang, dissimulé dans la cime des arbres, ne s'arrêtait plus d'hululer.
Une heure s'écoula.
Emmitouflé dans son cocon de poudreuse, Tim bougea difficilement le petit doigt, avant de pouvoir secouer entièrement son manteau. Une minute de plus, et on aurait pu le confondre avec un bonhomme de neige. Ou pourquoi pas un yéti rasé de près.

Le garçon soupira, tandis que son ventre venait de crier famine. Un nuage de fumée se dessina vaguement devant ses lèvres gercées par le froid.
Il piocha une terrine de foie gras dans son sac, et l'ouvrit.
_ Désolé maman, mais je ne peux plus attendre, se dit Tim après quelques réflexions.
Ses doigts plongèrent dans le bocal en verre pour râcler une bouchée de viande bien grasse, puis disparurent au fond de la bouche du solitaire affamé.
_ Hmmm, il ne manque plus que le pain légèrement grillé, et ce serait parfait, fantasma-t-il les yeux fermés.

La terrine se vida avec délectation. Repus, Tim lécha une dernière fois ses doigts, puis lâcha un rot joyeux qui se répercuta dans tout le voisinage. Comme pour répondre à son appel de la "jungle", un rugissement s'en suivit. Les secours arrivaient-ils enfin ? Étrange façon de le montrer.
Tim chercha instinctivement du regard, alors qu'on ne voyait quasiment rien. Et le feuillage touffu des arbres empêchait la lune de se montrer.
Pourtant, dans son dos, une présence l'attendait. En pivotant, il tomba à la renverse dans la neige, en poussant un cri de terreur. Ça ne ressemblait pas à un Noarfang chanteur.
Un Blizzaroi menaçant le dévisageait. Qu'attendait-il pour bondir ? L'humain n'attendit pas de le savoir, et lui balança illico la terrine vide vers la face du monstre avant de prendre les jambes à son cou.
Le bocal en verre vola en éclats dans la large paluche du géant de glace.

Tim semblait déjà loin maintenant, mais c'était sans compter sur les grandes enjambées du prédateur et sa connaissance parfaite de l'environnement. Le fuyard tournait sans doute déjà en rond. Il réitéra des appels à l'aide avec son téléphone portable, mais le réseau demeurait toujours aussi plat.
Soudain, une idée lui vint en tête. Il programma quelques sonneries de l'appareil avant de le lancer dans une autre direction, pour faire diversion. Mais Blizzaroi n'était pas dupe, en voyant les traces sur le sol, ainsi que l'haleine de Psykokwak que dégageait sa proie.

La fuite se finit d'ailleurs quelques secondes après au moment où Tim se mangea un tronc d'arbre dans le nez. Il était cerné et légèrement sonné.
_ Pitié, me faites pas de mal, bégaya le trouillard, en rampant à reculon.
Blizzaroi baragouina des mots incompréhensibles et fit un pas en avant.
Tim sursauta de peur.
_ On peut peut-être s'arranger, non ? C'est Noël, quoi !
Le Pokémon ne pigeait rien et lui rétorqua un râle.
Tim ne savait plus quoi faire. Pris entre la panique et le courage, il tenta vainement de se défendre en jetant de la neige au visage de l'armoire à glace, ce qui la provoqua encore plus.
Blizzaroi souleva le jeune homme d'une patte, et arracha son sac à dos de l'autre. Ses narines reniflèrent la nourriture des bocaux restants à travers le tissu.
_Hey ! Touche pas à ça ! C'est pour ma mère ! cria Tim, qui cherchait à récupérer son bien.
La bagarre se termina lorsque le sac à dos se déchira. Tandis que Blizzaroi criait victoire, Tim replongea au sol avec déception.


Le Noarfang ne sifflait plus les mêmes paroles, à présent. Lui aussi, était-il attiré par la bouffe ? En tout cas, une meute de petits Blizzi, qui avait rejoint leur chef désormais, ne lui laisserait pas de place à table.
Tim revint à la réalité, une Pokéball dans la main, qu'il avait récupéré lors de son petit affrontement. L'esprit du dresseur le ravigotant progressivement, il ne comptait pas se contenter d'une défaite.
Il se releva d'un trait et fit apparaître devant lui une Lippoutou. Celui que sa mère lui avait confié, il y a longtemps. Mais au lieu de lancer les hostilités, son enfance ressurgit...
Avant de quitter la maison familiale pour étudier hors de Sinnoh, Tim fut bercé par ce Pokémon lorsque sa mère était absente. Lippoutou était dressée comme une nourrice, plutôt qu'un bon copain. Elle s'occupait de lui, le surveillait, et parfois même le corrigeait lorsqu'il n'était pas sage.
Depuis qu'il connut la redoutable attaque Torgnoles sur ses petites fesses roses, Tim, traumatisé, évitait les Pokémon. Surtout le sien.

Cette fois-ci, Tim ne pouvait pas faire autrement. Malgré son grand âge, Lippoutou avait acquis assez d'expérience pour pouvoir faire face à ce genre de situation, rien qu'en projetant un Blizzard, par exemple.
Le Pokémon Psy n'attendit pas le commandement du dresseur et se déhancha le popotin sur une danse dont elle avait le secret, entraînant petit à petit tout le monde sans exception. Ils formèrent bientôt une ronde autour du festin de fortune, de gré ou de force.
Alors que Tim, dans l'incompréhension la plus totale, suivait le pas de ses ennemis tous aussi surpris, la blonde enchaîna sur un chant de Noël qui se révéla vite être en fait l'attaque Requiem. Tout le monde tomba évidemment comme des mouches. Même le Noarfang perché dans les hauteurs de la forêt.

Si seulement Tim avait eu du feu dans ses poches, il aurait pu déguster au chaud et en famille, ce volatile en guise de Pokédinde, avec Lippoutou. De toute façon, il ne tenait plus debout.
Le Pokémon baby-sitter le câlina comme un gosse, quand il tomba endormi en bavant, sur son corsage rouge. Puis, elle lui souhaita ensuite un joyeux Noël.


Fin.