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The Forgiving God de Kazuuya



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Informations

» Auteur : Kazuuya - Voir le profil
» Créé le 16/10/2015 à 22:24
» Dernière mise à jour le 16/10/2015 à 22:24

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Suspense

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04 : Elias
"La façon dont je vois les choses, c'est qu'aussi longtemps que vous sortez en vie d'une bataille, vous avez fait un pas de plus vers votre rêve."
(Seifer Almasy, Final Fantasy VIII)



Les yeux encore embués par le sommeil, elle tournait et retournait entre ses draps, peu encline à se lever. C'était presque comme si ce lit de luxe, le plus confortable qu'elle ait touché de toute sa vie, lui interdisait de partir. Ce qui ne dérangeait pas le moins du monde son occupante, qui somnolait encore. Ce fut de courte durée cependant : la sonnerie stridente et forte de son Vokit, qu'elle n'avait pas pensé à éteindre avant de se coucher, retentit dans toute la pièce, réveillant Irina pour de bon.
Après quelques injures adressées à l'appareil électronique, elle se résolut à quitter le lit pour aller voir ce qu'on lui voulait. Persuadée qu'il s'agissait de Dunning, elle avait une expression furieuse peinte sur le visage. En constatant que c'était simplement un message de son père, elle soupira bruyamment. Il ne la contactait presque jamais, et lorsqu'il le faisait, c'était aux pires moments. Evidemment.
Lasse, elle décida de se préparer pour la journée. Elle savait bien qu'elle ne risquait pas de se rendormir, alors elle s'habilla de vêtements chauds - étant excessivement sensible au froid - et ouvrit la porte de sa chambre d'hôtel.

La surprise remplaça bien vite la fatigue et la colère : en effet, une bonne dizaine de femmes de chambre et de grooms s'affairaient, montant et descendant. Tout le couloir du troisième étage était en effervescence, et ce n'était pas peu dire. Elle voyait à peine un employé descendre qu'un autre montait immédiatement après. Une véritable armée de serviteurs au service des clients. Bon nombre d'entre eux nettoyaient, récuraient, époussetaient tout ce qui pouvait être sale.
La blonde en vint à la conclusion qu'il se passait quelque chose, mais elle n'aurait pas su dire quoi exactement. Elle songea que les chambres devaient être vraiment bien insonorisées pour qu'un tel bruit ne se fasse pas entendre de l'autre côté de la porte.

- C'est la fête ici, ou quoi ? demanda-t-elle à une employée qui passait par là à toute vitesse, chargée de cartons.

- Non madame, je n'ai pas le temps ! répliqua mécaniquement la femme de chambre, tout en poursuivant son chemin.

Irina, ébahie, descendit au deuxième. La situation était la même, et aucun des quelques clients curieux n'obtint de réponse des employés. Ils devaient être vraiment débordés pour être impolis à ce point. Le premier étage étant réservé aux bureaux, la trentenaire passa son chemin pour se rendre directement au rez-de-chaussée. Peut-être la réceptionniste pourrait-elle la renseigner. Après tout, elle se devait d'être au courant de tous les événements ayant lieu dans l'hôtel.
La blonde trouva Flora, comme à son habitude, derrière le comptoir de la réception. L'ancienne coordinatrice de renom était avec son Goinfrex, qu'elle nourrissait de gâteaux sucrés. En voyant arriver Irina, la brune se mordit la lèvre.

- Si c'est cet imbécile de Dunning qui vous inquiète, je ne suis pas avec lui ce matin, annonça-t-elle comme pour rassurer Flora, qui se détendit instantanément en entendant la bonne nouvelle.

- Heureusement... je n'aurais pas tenu cette journée infernale en côtoyant ce rustre...

Irina ne put qu'approuver les dires de la jeune réceptionniste, puis se souvint qu'elle devait lui demander quelque chose. Flora semblait plutôt encline à l'informer, si l'on en croyait le sourire avenant qu'elle affichait. La blonde en profita donc pour récupérer des informations.

- Dites-moi, j'aurais une question à vous poser... Est-ce qu'il se passe quelque chose d'important, aujourd'hui ? J'ai vu des employés de chambre aller et venir entre les étages en sortant de ma chambre, alors je me demandais...

- Ah ! Oui, en fait, disons qu'aujourd'hui on reçoit quelqu'un d'important ! sourit Flora.

- Quelqu'un d'important ? répéta Irina, intéressée. Dites voir, qui est-ce ?

Flora, qui ne semblait pas se départir de son éternel sourire, dut s'interrompre un moment pour rappeler Goinfrex. Ce fichu glouton avait déjà terminé son copieux petit-déjeuner et en redemandait. Après un soupir, la brune se tourna de nouveau vers sa cliente.

- Je suis désolée, il ne me cause que du souci ! admit l'ancienne coordinatrice, l'air désolé.

- Ne vous en faites pas. Les Pokémon ont eux aussi leur personnalité, on n'y peut rien.

- Vous avez bien raison... pour en revenir à nos Wattouat, je disais donc que quelqu'un d'important allait venir. Le grand patron de l'hôtel, monsieur Elias, arrive cet après-midi. Nous devons donc lui réserver un accueil des plus irréprochables.

Irina plissa les yeux. Ainsi donc, le propriétaire de cet hôtel de luxe arrivait dans la journée ? Ce serait l'occasion de découvrir des choses intéressantes sur l'établissement. Elle se promit d'en parler à Dunning lorsqu'elle le croiserait. Pour le moment, elle n'était pas désireuse de voir son trouble-fête d'ami. Elle quitta donc l'hôtel pour aller se promener dans la capitale Unovite, histoire de tuer un peu le temps qu'elle trouvait long, récemment. Flora la salua poliment et retourna elle aussi à ses occupations.


* * *


La petite Rachel Kenyon, huit ans, s'amusait avec le Zorua de Dunning. Celui-ci avait été sollicité par le père de la gamine pour la garder un moment. Bien que réticent à cette idée, il avait fini par accepter, à contrecœur, ne serait-ce que pour se faire pardonner pour son comportement déplorable avec Nigel Kenyon. Et puis, son "mentor", le très renommé inspecteur Beladonis, lui avait appris à faire preuve d'un certain respect envers autrui. Dunning n'en avait pas l'air, mais il était quelqu'un de très attaché à ses valeurs. Lesquelles lui avaient été inculquées par Beladonis quelques quatre ans auparavant, sur les quais de Volucité.
Le brun secoua la tête pour chasser tous ces souvenirs lointains de son esprit, et dévisagea un moment Rachel.

- Dis voir, fillette...

- J'ai un nom monsieur. Je m'appelle Rachel ! répliqua la petite fille sur un ton qu'elle voulait boudeur.

- Rachel, comme tu veux, je m'en moque. Pourquoi vous êtes dans cet hôtel, ton père et toi ? Et où est ta maman ?

A la mention de sa figure maternelle, l'enfant baissa les yeux, au coin desquels naissaient quelques larmes. Dunning se mordit la lèvre. Mauvaise idée. Il se reprit bien vite.

- Eh, non, attends, c'est pas ce que je voulais dire ! Il est où, ton papa ?

- Il est allé chercher son Pokémon au Centre Pokémon !

- Ah... et, c'est quoi, comme Pokémon ?

- Je sais pas comment il s'appelle, mais il est tout vert avec une sorte d'aura verte autour de lui ! sourit Rachel.

Dunning soupira de soulagement. Un peu plus, et il provoquait un esclandre. Il aimait bien s'amuser avec l'esprit des gens, mais les gosses, très peu pour lui. Être pris pour un kidnappeur ou un pédophile, non merci. Il resta un petit moment ainsi, à faire la conversation à cette enfant qui se révélait plus instruite que prévu. Elle était déjà incollable sur le Conseil des Quatre de la région, qu'elle admirait énormément. Particulièrement Anis, la maîtresse du type Spectre, qui était aussi l'auteure de nombreux romans pour enfants.
Au bout d'un certain temps, une question vint à l'esprit de l'homme. Il hésitait à la poser, n'étant pas certain que la petite fille sache y répondre. Mais qu'importe, il n'y perdrait rien. Finalement, il se lança :

- Euh, Rachel... tu as vu des choses bizarres dans l'hôtel ces derniers temps ?

La gamine pencha la tête sur le côté, peu sûre de comprendre. Cela amusa Dunning, qui avait pour habitude de prendre la même posture pour montrer son incompréhension.

- Tu sais, des personnes louches, ou des trucs qui sortent de l'ordinaire.

- Oh !

L'enfant sembla se souvenir de quelque chose, redonnant espoir au brun, qui se languissait de la réponse. Malheureusement, elle fut aussi directe que décevante :

- Non.

- A-ah... vraiment rien du tout ?

Rachel se concentra pour essayer de se rappeler de quelque chose, mais cela semblait peine perdue. Finalement, ses yeux s'illuminèrent d'une lueur joyeuse, et elle cria un "Je sais !" qui fit sursauter le Zorua craintif assis sur ses genoux.

- T-tu sais quoi ? s'enthousiasma Dunning, des étoiles dans les yeux.

- Bah j'ai juste vu un monsieur... il était un petit peu bizarre mais surtout impressionnant. Je l'ai déjà vu à la télé avec papa ! Ils disaient que c'est quelqu'un de très important !

"Quelqu'un de très influent... ouais, ça coïncide avec ce que ce mecton de Lysander m'a dit hier soir", songea Dunning.

Voyant le père de Rachel revenir, Dunning récupéra son Pokémon. Il remercia la jeune Rachel et lui ébouriffa gentiment les cheveux avant de partir, saluant au passage Nigel Kenyon d'un signe de tête. L'homme blond lui rendit la politesse et rejoignit sa fille, qui souriait de toutes ses dents. Apparemment, elle avait l'air d'apprécier ce type bizarre. Il prit place à côté d'elle sur le canapé du salon.

- Il a été gentil avec toi, chérie ?

La petite acquiesça vivement.

- Oh oui, il est drôle aussi ! Il m'a raconté des tas de blagues obscènes !

Nigel tressaillit. Rachel ne saisissait certes pas le sens du mot obscène, mais il tremblait à la seule idée que Dunning ait pu lui raconter des histoires pareilles. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée de l'avoir confiée à lui, finalement... le pauvre père n'avait plus qu'à espérer que sa fille ne ressorte jamais ce qu'elle venait d'apprendre. Être père, c'était bien gentil, mais aussi laborieux...


* * *


Le vent puissant faisait voler le sable, rendant la zone plutôt dangereuse. Lorsque l'on restait près de la route, ça allait, mais plus on s'en éloignait, plus l'intensité du vent augmentait. La route 4 était connue essentiellement grâce à un centre commercial récent, la Galerie Concorde. Elle reliait Volucité et Méanville et était, par conséquent, très souvent empruntée, ces deux villes étant des destinations touristiques de choix à Unys.
Le Désert Délassant, c'était tout autre chose. Pour y accéder, il suffisait de prendre la sortie Ouest juste avant la Galerie. Ce n'était pas surveillé, un enfant aurait donc tôt fait de se perdre en passant par là. Et avec les tempêtes de sable qui faisaient la renommée du désert, on aurait peu de chances de retrouver quelqu'un de perdu.

Dans les tréfonds de ce désert se trouvaient des ruines, fréquemment explorées par de quelconques férus d'histoire. On racontait même qu'un Pyrax, un Pokémon ancien et très rare, y vivait. Mais depuis les événements ayant eu lieu quelques années plus tôt, à savoir l'attaque de la Team Plasma sur toute la région, la sécurité avait été hautement renforcée.
Les corps des quelques gardes du gouvernement chargés de protéger le site historique étaient entassés, presque entièrement recouverts de sable. Plusieurs hommes et femmes vêtus de tenues grotesques, faisant penser à des chevaliers des temps anciens, s'activaient pour complètement ensevelir les cadavres sous le sable. Il ne fallait pas qu'ils soient découverts, ça compromettrait légèrement leur plan. Et aucun échec n'était toléré, chez eux.

Un peu plus loin, un vieil homme vêtu d'une longue toge rougeâtre tenait une Pokéball dans sa main. Pas n'importe quelle Pokéball, ceci dit : il s'agissait d'un modèle dont la partie supérieure était violette, avec un cercle rose de chaque côté. Un "M" blanc ornait le milieu de la coque. Une Master Ball.
Le vieux ne cessait de contempler la sphère métallique, ravi d'avoir pu mettre la main sur ce qu'elle contenait. Il ne se lassait pas de l'admirer, alors il libéra le Pokémon qui logeait dans la Master Ball. Une créature flamboyante en sortit. Ressemblant à un papillon, ses ailes étaient d'une couleur rougeoyante. Il était recouvert par endroits d'une fourrure blanche, et son corps était presque entièrement noir, des cornes rouges venant compléter son "visage" menaçant.

- Tu es enfin à nous, Pyrax... on aura mis le temps, mais enfin... murmura le sage Auric, une lueur extatique dans le regard.

Plus loin, à l'abri des regards de ces étranges individus, un homme seul observait tout cela, l'air préoccupé. Son Cradopaud se tenait à ses côtés, alerte malgré son air constamment ennuyé. Ses cheveux bruns, de même que son imperméable marron, étaient couverts de sable. Mais qu'importe. L'important, c'était qu'une menace planait de nouveau sur Unys. Et l'agent Beladonis avait pour mission de l'éradiquer, purement et simplement. Il doutait d'y parvenir, mais il trouverait certainement de l'aide. Il suffisait de savoir où chercher.


* * *


Flora retint un bâillement. C'était bien gentil, de travailler à la réception presque toute la journée, mais il n'y avait pas foule ces derniers temps. La seule distraction qu'elle avait eu de la journée fut la visite inopinée d'Irina le matin-même. Et là, il était près de midi. Elle s'ennuyait ferme. Heureusement qu'Helen, l'assistante du propriétaire, avait eu la bonne idée de venir lui tenir compagnie. Toutes deux étaient bonnes amies, et Helen avait pris Flora sous son aile lorsque celle-ci était arrivée à l'hôtel, deux ans auparavant.

- C'est dingue, je donnerais n'importe quoi pour changer de poste ! plaisanta l'ancienne coordinatrice.

- Oh tu sais, ça peut s'arranger. Le patron m'a à la bonne, tu sais bien.

- A propos du patron, vous vous connaissez bien, tous les deux ?

- Longue histoire, admit Helen, un sourire aux lèvres.

Flora ne tenta pas d'en savoir plus. Certes, elle était très curieuse, un trait de caractère qu'elle avait hérité de sa bien-aimée grand-mère. Seulement, elle savait qu'il y avait des limites à ne pas franchir. Et puis, la réputation du patron, monsieur Elias, n'était plus à faire : d'épais voiles de mystère l'entouraient, et n'étaient certainement pas près de se lever. Pour cela, Helen la remercia d'un regard.
La conversation dériva ensuite sur des sujets propres aux femmes - qui seront tus ici.

- Au fait, tu crois que le tournoi sera plus amusant, cette année ? questionna la réceptionniste, enthousiaste.

- Pas de souci de ce côté-là ! Du moins, en participant toutes les deux, ça risque d'être sympa. Et puis pour l'occasion, j'ai pensé à des combats Duo. Les paires seront bien évidemment tirées au sort, et...

Un raclement de gorge interrompit Helen. Elle et Flora n'avaient même pas remarqué le type qui se tenait là, une petite fille de moins de dix ans dans les bras. Trop absorbées par la contemplation de ce petit bout de chou, elles ne prêtèrent pas grande attention au père. Rachel Kenyon était, effectivement, très mignonne. Son visage rond était encadré par des mèches brunes et ses yeux bleus, en tous points semblables à ceux de son père, brillaient d'émerveillement et de joie en permanence.
Nigel soupira, voyant qu'il serait nécessaire de manifester sa présence une nouvelle fois pour arracher ces mesdames à leur observation.

- Excusez-moi, mais j'aimerais bien avoir votre attention, rien que deux minutes.

Les deux jeunes femmes relevèrent la tête vers le père, honteuses.

- Alors, qu'est-ce qui vous amène ? sourit Helen.

- ...fais pas mon job à ma place... grommela Flora, avec un sourire cependant.

Le médecin n'eut aucun mal à deviner que ces deux-là étaient proches, à la façon dont elles se parlaient. Mais il ne se formalisa pas davantage de ce fait.

- En fait, il y a un tournoi Pokémon le 15, si j'ai bien compris... ma fille tient à ce que j'y participe, il serait possible de m'inscrire ?

Helen et Flora s'extasièrent en chœur :

- C'est trop chou !

- Mon papa c'est le plus fort, il va vous exploser en combat ! sourit fièrement Rachel, la tête haute.

- J'ai hâte de voir ça au tournoi, alors, admit Flora.

Là, à cet instant, le père avait envie de s'enfuir très, très loin. Que sa fille vante ses mérites au combat Pokémon, c'était plutôt mauvais signe. Il ne brillait pas par ses capacités en combat, ça, c'était certain. Il n'avait que quelques bases de stratégies pour l'aider, rien de plus. Un seul Pokémon n'allait pas lui octroyer une victoire. Mais ce qui l'effrayait le plus, c'était de décevoir Rachel. Elle était tout pour lui. Aussi se promit-il d'offrir une prestation pas trop risible.


* * *


Le hall de l'hôtel, d'ordinaire vide, l'était un peu moins cet après-midi là. En effet, ayant entendu dire que l'énigmatique propriétaire de l'hôtel arriverait sous peu, un petit groupe de clients avait tenu à voir ce fameux Elias. Parmi eux se trouvaient, bien évidemment, Dunning et Irina. Ludmila Kalsov, la grand-mère de Flora, ainsi que Justin Lysander étaient là aussi. Et puis un jeune homme que Dunning et son amie avaient rencontré en faisant du porte-à-porte la veille, aussi. Un scientifique, au vu de sa blouse blanche, qui s'appelait Nick Connolly.
Le petit groupe discutait du type qui viendrait sous peu, chacun ayant sa vision bien distincte du personnage.

Pour commencer, celle de Dunning sortait évidemment du lot. Ne pouvant s'autoriser à penser comme tout le monde, il voyait Elias comme un homme vieux. Très vieux, presque réduit à l'état de zombie ou de cadavre. Equipé d'un monocle et d'une grosse canne en bois, il aurait une longue barbe, un peu comme le Père Noël ou Albus Dumbledore. L'homme brun entendait d'ici son rire gras et sa voix rauque, presque inaudible, abîmée par le temps. Oui, ça collerait, selon lui, plutôt bien au personnage.
Les autres trouvaient cette idée un peu loufoque, mais n'osèrent pas trop contester.

Irina, elle, s'imaginait un gosse de riche, un "pourri-gâté", comme on disait de nos jours. Un type jeune, d'une vingtaine d'années, qui n'avait acheté cet hôtel que par pur caprice, et qui ne s'en occupait même pas. Au fond d'elle, elle espérait que ce ne soit pas ça, détestant plus que tout ce genre de personnes. Arrogantes et persuadées d'être toutes puissantes, elles avaient le don de l'horripiler. Encore plus que Dunning, ce qui était un exploit.

Ludmila Kalsov, elle, semblait croire que le monde dans lequel elle vivait s'apparentait à celui des Bisounours. Peut-être pas complètement, mais elle était persuadée qu'Elias serait quelqu'un de bien. Elle s'imaginait un homme de son âge, d'une infinie douceur. Un grand philantrope, avec qui elle coulerait des jours heureux sous les cocotiers de Papeloa. Enfin, il y avait des limites à l'absurde, tout de même.
C'est ce que semblaient penser conjointement Dunning et Nick Connolly, en tout cas.

Justin Lysander, lui, n'avait pas vraiment d'idée sur la question. Il semblait plutôt d'accord avec la version d'Irina, en fait.

Nick Connolly, lui, ressemblait un peu à Dunning, dans sa manière de voir les choses. Il imaginait Elias comme un homme entre deux âges, bedonnant et portant des vêtements d'une époque lointaine. Le monocle et la canne ne manquaient pas à l'appel, et à ce tableau des plus reluisants s'ajoutait une épaisse moustache que le bonhomme, dans l'idée que le scientifique s'en faisait, ne cessait de triturer. Oui, ce serait plutôt amusant. Son côté snob ressortirait énormément, par ailleurs.

Ils cessèrent toute discussion en entendant un son de moteur. Par les portes vitrées du hall, ils purent voir une limousine noire impressionnante se garer juste devant l'hôtel. Plusieurs hommes vêtus de noir sortirent de la voiture, ainsi qu'un autre, habillé différemment. Ils entrèrent, et en voyant Elias, les cinq clients purent constater qu'ils s'étaient totalement fourvoyés.
Irina ne sut dire pourquoi, mais il y avait quelque chose de fascinant chez cet homme. Malcolm Elias était d'une élégance rare, mais quand bien même, il l'effrayait un peu. Ses courts cheveux d'un blond très clair, coiffés sur le côté, lui paraissaient presque blancs. Il portait un costume gris, dans la poche duquel un mouchoir en soie rouge sang était visible. Ses yeux, d'un bleu d'une teinte claire comme elle n'en avait jamais vue, semblaient capable de sonder l'âme humaine. Elias arborait sur son visage fin un sourire avenant. Il était quasiment impossible de donner un âge à cet homme. La blonde était certaine qu'il n'avait pas beaucoup plus de trente ans cela dit.

- Bah dis donc, il est pâle comme la mort ce mec... chuchota Dunning.

- Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il est pas pauvre. Rien qu'à voir toutes ces bagues à ses doigts... ajouta Nick.

Elias, qui remarqua enfin le petit groupe de clients, vint les saluer personnellement. Dunning ne savait pas trop pourquoi, mais il sentait que ce type était louche. Beladonis ne serait pas content de lui. Un enquêteur se focalisait sur les preuves, et non sur le ressenti. Mais Dunning ne pouvait s'empêcher de se méfier de cet Elias.

- Je suis honoré de faire votre connaissance. J'espère que vous vous plaisez dans mon hôtel, braves gens. Je suis monsieur Elias.

- Oh, on le savait déjà, ça, admit Nick. La réceptionniste n'a fait que me le répéter.

Elias offrit un sourire énigmatique aux cinq personnes, puis s'en alla en direction de l'escalier. Quoi qu'il ait à faire dans cet hôtel, Dunning se jura de le découvrir. Il voulait savoir d'où venait cette sensation d'insécurité qu'il ressentait en présence du millionnaire blond. Irina ne semblait pas plus à l'aise que lui, d'ailleurs.

- Je le sens pas trop, ce gars-là... souffla-t-elle, tournée vers son ami.

- Crois-moi, t'es loin d'être la seule. Et là, c'est mon intuition infaillible qui parle.

Pour toute réponse, la blonde leva les yeux au ciel. Il n'avait fallu que peu de temps pour que le Dunning sûr de lui et arrogant revienne.


* * *


Justin Lysander, un peu secoué par sa rencontre avec l'étrange Elias, regagna le deuxième étage. Il s'étonna de voir sortir quelqu'un de la chambre 210, juste en face de la sienne. Plus étrange encore, le type vint à sa rencontre.

- Excusez-moi, jeune homme.

- O-oui, monsieur ?

L'homme qui logeait dans la 210 s'étonna de la réaction presque apeurée du plus jeune, mais n'en fit pas la remarque. Il lui demanda simplement si Elias était déjà arrivé. Justin, entre deux balbutiements, parvint à lui indiquer que oui. L'inconnu le remercia d'un signe de tête et prit congé, laissant le jeune professeur dans le couloir, pensif.

Justin avait l'étrange impression d'avoir déjà vu son voisin de chambre quelque part, mais il ne parvenait pas à mettre un nom sur ce visage. Grand, un peu moins de la quarantaine, un regard grisâtre perçant et de courts cheveux bruns impeccables, il portait un costume coûteux, par-dessus lequel un long manteau noir. Pour compléter le tableau, un chapeau noir orné d'un ruban blanc. Il le savait, qu'il le connaissait, mais le souvenir mit un certain temps à lui revenir. Il venait de faire la conversation à l'un des hommes les plus influents et dangereux de la planète : Giovanni, le leader dit "impitoyable" de la Team Rocket. Le jeune professeur ne se sentait plus très bien à cette seule idée, et s'empressa de rejoindre sa chambre, des tas de questions sans réponse dans la tête.