Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

The Forgiving God de Kazuuya



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Kazuuya - Voir le profil
» Créé le 14/10/2015 à 17:33
» Dernière mise à jour le 14/10/2015 à 17:33

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
03 : Truth or happiness, never both
"Je ne suis pas fâché que tu m'aies menti. Je suis seulement contrarié qu'à partir de maintenant, je ne puisse plus te faire confiance."
(Friedrich Nietzsche)

Note de l'Auteur : les passages en italiques, dans ce chapitre comme dans ceux à venir, sont des flash-backs (= retours dans le passé).



Irina attendait, sceptique, que Dunning daigne lui ouvrir la porte de la chambre 313. Ce type prenait toujours un temps fou pour tout et n'importe quoi, ce qui avait le don de la rendre folle. Elle ne parvenait même pas à comprendre pourquoi elle restait amie avec lui. Il fallait croire qu'elle lui trouvait une qualité. Laquelle, elle n'aurait su le dire. Lasse, elle frappa une nouvelle fois contre la porte en acajou. Cet imbécile lui demandait de venir et la laissait en plan juste après ? Ou bien il se foutait de sa gueule, ou alors...

- Coucou ma vieille !

Elle grimaça et lui mit gentiment son poing dans la figure, pour ensuite entrer et refermer derrière elle. Quoi qu'il ait envie de lui dire, elle espérait que ce soit important. Dans le cas contraire... un type avec 2 de Quotient Intellectuel de moins sur Terre ne ferait pas de mal. C'est ce qu'elle pensait, mais elle n'avait jamais tué quelqu'un. Il fallait bien une première fois à tout...

- Je t'écoute. Tu as intérêt à avoir une excellente raison de m'appeler ici, parce que sérieusement, avec toutes tes conneries...

Pendant que Dunning cherchait une réponse adéquate, Irina laissa son regard vert se promener dans la pièce. A peine quelques heures, et c'était déjà devenu un foutoir. Sur la table basse, des tas de pochettes, de feuilles et de stylos. Et il y en avait même au sol. Le lit était toujours fait, signe qu'il n'avait pas dû y toucher pour le moment. Sa valise était ouverte, sur le tapis, et des vêtements en sortaient de part et d'autre. La mallette censée contenir les documents s'était retrouvée, Arceus sait comment, à l'autre bout de la grande chambre, à l'entrée de la salle de bains. Encore heureux, il n'avait pas endommagé le mobilier. Pas encore.

- Nan mais je rêve, t'écoutes même pas !

La blonde cligna des yeux plusieurs fois en tâchant de se reprendre. Ah, elle était si distraite que ça par le bordel incroyable qu'il avait laissé ?

- T'as qu'à ranger ta chambre, répliqua-t-elle, comme une mère grondant son enfant.

- J'te boude, nah ! répondit Dunning sur le même ton puéril.

Réalisant le ridicule de la situation, Irina se leva et se dirigea vers la porte.

- Non mais attends, pars pas ! J'ai pas fini !

- Eh ben reprends depuis le début, peut-être que ça m'aidera !

- Si madame le demande... souffla l'homme en se laissant tomber sur le lit.

Il lui expliqua donc, tant bien que mal, son nouveau "plan tellement génial qu'il pourra jamais rater" en détail. Pour lui, qui souhaitait en apprendre davantage sur les clients de l'hôtel et sur l'hôtel en lui-même, il était essentiel de savoir pourquoi chacun séjournait ici. Irina ne suivait pas vraiment sa logique, mais se contentait d'acquiescer à chaque fois. Etablir un "profil" de chaque client serait difficile, mais cela l'aiderait grandement dans sa mission - mission qu'il s'était attribuée lui-même.

- Super. Et comment veux-tu que ça nous avance par rapport à tout à l'heure ?

- Ah nan mais t'as pas tout entendu ! La méthode va changer ! sourit Dunning.

- Explique-toi... soupira la blonde, lasse.

- Cette fois-ci, on va faire un sondage, avec une question simple. "Pourquoi êtes-vous venu dans cet hôtel ?". On la pose au plus grand nombre de gens possible.

- Ca t'est pas venu à l'idée que la réponse à cette question puisse être "Parce que cet hôtel est réputé" ou un truc du genre ?

Dunning hocha distraitement la tête.

- Oui, mais dans tout hôtel bizarre qui se respecte, les clients ont une raison qui va bien au-delà de ça ! Comme dans les films policiers !

La blonde se frappa le front, excédée. Jusqu'où pouvait aller la bêtise de ce type ? Elle ne le savait pas, et elle en avait peur. Il était cinglé.

- ...on est dans la réalité, merde. T'es vraiment con quand tu t'y mets ! Et puis ton contact, cette Naomi Travis, elle est pas censée enquêter pour nous ?

- Certes mais on n'est jamais mieux servi que par soi-même ! Et puis je m'ennuierais en ne faisant rien...

Irina haussa les épaules et se leva.

- Prends un papier et un stylo pour avoir l'air crédible, et au boulot. On commence par le quatrième.

Dunning, ravi, s'exécuta et se précipita dans l'escalier, aussi excité qu'un enfant de cinq ans au parc d'attractions. Peut-être même plus. Une fois au quatrième, il regarda d'un côté et de l'autre, mais personne en vue. Ah, si. La porte de la chambre 403 venait juste de se fermer, en fait.

- On tient notre première source d'infos !

- Je me demande comment tu peux avoir la certitude que la personne logeant dans cette chambre sait des choses. Sérieusement.

- Je vais suivre mon intution aujourd'hui, assura Dunning.

- Comme toujours... souffla son associée en le suivant jusqu'à la porte de la chambre 403.

Dunning s'arrêta juste devant la porte et frappa deux coups. On entendit un grognement et, quelques secondes plus tard, un jeune homme ouvrit. A en croire l'expression sur son visage, il n'était pas vraiment heureux de les voir. Il portait une blouse blanche de laboratoire, dont les manches étaient retroussés. Ses cheveux noirs courts étaient en bataille et son visage mal rasé. Des cernes sous ses yeux indiquaient le manque de sommeil dont il était victime, et son regard d'un bleu très clair dévisageait les deux énergumènes qui avaient osé l'embêter.

- Visiblement il est pas content de nous voir... chuchota Dunning.

- C'est ton problème si personne ne t'aime, imbécile, répliqua la blonde.

- Si vous me disiez qui vous êtes et ce que vous faites ici, ça m'arrangerait, intervint le locataire de la 403.

Les deux se regardèrent, et Dunning hocha vivement la tête. Il prit son air le plus sérieux - arrachant un petit rire à Irina - et fit tourner plusieurs fois son stylo dans sa main.

- Bon, voilà, on fait un sondage pour un site touristique... et justement, on s'intéresse à l'hôtel. On aimerait savoir ce qui attire les clients ici, donc je vous pose la question suivante...

- Vous mentez mal, répliqua le jeune homme, ne lui laissant pas le temps de terminer.

Dunning allait répliquer, mais la porte de la chambre se referma aussitôt. Bon, apparemment, ils avaient affaire soit à un paranoïaque complètement bizarre, soit à un type super intelligent qui savait déceler les mensonges.

- Il aurait pu préciser qu'il était la réincarnation de Cal Lightman...

- Pas faux, admit Irina. Blague à part, je ne vois pas trop où aller maintenant.

- Hm... y'a personne d'autre qui loge à cet étage ? Tu me déçois, moi qui pensais que t'avais fait un repérage et tout...

La jeune femme ne répondit pas, tandis qu'il sortait une Pokéball de sa poche. Un petit Zorua au pelage noir et rouge en sortit, ses yeux azur braqués sur son dresseur. Lequel lui caressa la tête, ébouriffant au passage les poils du Pokémon.

- Je me souviens avoir croisé un type tout à l'heure... le gars de la 418, il me semble, se souvint Irina.

- Ah, bah allons lui rendre une petite visite dans ce cas !

- Je serais toi, je m'emballerais pas trop, avec l'horrible échec qu'on vient d'essuyer... surtout qu'il tenait plus du serial killer que du monsieur tout gentil.

- Zoru... grommela le petit Pokémon en tremblant comme une feuille.

Irina haussa les sourcils, intéressée, et interrogea Dunning du regard.

- Il est très trouillard. Pire que tout ce que t'as pu voir dans ta vie ! Ma grand-mère à côté, c'est une héroïne de manga ! assura le compère de la blonde.

- Arrête, je suis en train d'imaginer une vieille dame habillée en ninja et honnêtement, c'est assez flippant.

- Tu m'en diras tant ! Mets ton imagination sur "off" et suis-moi vers mon destin !

Ce faisant, il partit donc vers son destin, aussi appelé la chambre 418. Non sans avoir levé les yeux au ciel, sa camarade le suivit, espérant silencieusement que personne ne l'enverrait dans un asile psychiatrique avec son cinglé d'ami. Dunning frappa deux coups, mais aucune réaction. Il réitéra l'opération, mais toujours rien. Sous le regard à la fois étonné et consterné d'Irina, il tenta d'ouvrir la porte, qui ne bougea pas.

- Non mais qu'est-ce que tu fabriques, là ?!

Le brun lui adressa son célèbre regard de Magicarpe frit incrédule et pencha la tête sur le côté. Elle aurait voulu pouffer de rire, mais l'heure n'était pas à la plaisanterie.

- Allez, accouche, tu fous quoi ?

- Bah tu sais, dans les films policiers...

- Je sens que je vais pas aimer la suite...

- ...quand des gens se font tuer dans un environnement clos, bizarrement la porte est ouverte après.

Sceptique, Irina haussa les épaules et intima à son très intelligent camarade de la suivre. Celui-ci, dépité, descendit derrière elle au troisième étage. Il ignorait pourquoi, mais sa motivation avait soudainement chuté. Sans doute que les échecs le décourageaient beaucoup trop rapidement. Il le savait, qu'il devait se reprendre bien vite pour ne pas sombrer dans une autre phase de dépression, mais ne s'en donnait pas les moyens. Un flemmard dans toute sa splendeur, en somme.

- Dis-moi que tu as rencontré quelqu'un à cet étage, qu'on fasse vite... souffla Irina.

Il acquiesça et frappa à la porte de la chambre 314, un sourire jusqu'aux oreilles. Visiblement, ça avait l'air de l'amuser, cette petite excursion dans l'hôtel pour faire du porte-à-porte. La blonde ne comprenait pas tellement les centres d'intérêt de son ami, mais évitait de se poser trop de questions à ce sujet. Elle avait d'autres priorités, de toute façon. Peu de temps après qu'il ait manifesté sa présence, la porte s'ouvrit. Un homme blond qu'Irina ne connaissait pas sortit, suivi d'une petite fille.

- Encore vous... souffla le père, visiblement agaçé.

"Sans doute une des pauvres victimes de la bêtise de Dunning..." songea Irina avec un sourire en coin non dissimulé.

Voyant que Nigel Kenyon regardait Irina, Dunning s'empressa de la lui présenter comme étant son épouse. Le médecin semblait relativement soupçonneux mais décida de ne pas s'en mêler plus que nécessaire. Il attrapa la main de sa fille et s'excusa.

- Je devais justement aller me promener avec Rachel, alors... on discutera une autre fois, monsieur et madame Dunning.

- J'en serais ravie, monsieur Kenyon, admit la blonde avec un sourire poli.

- Papa on y va ?

- Oui chérie, on y va.

Le père s'excusa une nouvelle fois puis verrouilla la porte de la suite 314, avant de descendre les escaliers. Irina plissa les yeux et, contre toute attente...

- T'avais raison, je crois.

- A propos de quoi ? s'étonna Dunning.

- Les raisons qui poussent les clients à venir ici. J'ai rencontré un prof de lycée, et maintenant un père de toute évidence célibataire avec sa fille... pas le genre de personnes à fréquenter un hôtel de luxe, si tu veux mon avis.

Dunning sourit.

- J'ai toujours raison.


* * *


Le Pokémon adverse s'écroula bien vite, après seulement une attaque Lance-Flammes. Le challenger s'avoua déçu et rebroussa chemin, la larme à l'œil. Rappelant son plus puissant Pokémon, un Zoroark au regard fier, il resta un moment là, adossé au mur de sa salle de combat, pensif. Il sentait le frisson du combat Pokémon le quitter. Être membre du Conseil des Quatre était loin d'être une tâche aisée. Au départ, ça vous prenait aux tripes, chaque combat faisait naître des étincelles dans votre regard, et après... au bout d'un certain temps, ces sensations fabuleuses finissaient par s'estomper. On devenait trop fort pour les challengers, ou bien étaient-ce eux qui arrivaient de plus en plus faibles aux portes de la Ligue Pokémon de Sinnoh. Il n'aurait su le dire. Et puis, de toute manière, il n'en avait plus grand chose à faire. Ce soir était son soir, celui où il avait décidé de tout plaquer, pour commencer la nouvelle vie qui l'attendait.

Quelques jours plus tard, sa nouvelle identité en poche, son avion atterrit à l'aéroport international de Volucité. Cet endroit fourmillait de touristes et de voyageurs en tout genre. Il eut bien du mal à se frayer un chemin parmi cette foule, mais se trouva finalement à l'extérieur, Arceus seul sait comment. Et pour la première fois depuis longtemps, cette lueur vivante dans son regard s'anima de nouveau à la vue des immeubles gigantesques qui s'offraient à sa vue, comme tant de nouvelles opportunités à saisir.
Il commençait sa nouvelle existence à cet instant même.



* * *


Flora, la jeune et jolie réceptionniste qui se chargeait de recevoir les clients dans l'hôtel, détourna les yeux de son journal en entendant des pas se rapprocher. Son éternel sourire s'agrandit lorsqu'elle reconnut, marchant d'un pas assuré et gracieux, la femme qu'elle admirait depuis toujours. Sa grand-mère, Ludmila Kalsov, avait été d'une beauté rare dans sa jeunesse. Même là, alors qu'elle avait dépassé les soixante-dix ans, on ressentait en la regardant toute la grâce d'une coordinatrice Pokémon de renom. En réalité, c'était elle qui avait transmis à sa petite-fille la passion des concours, et depuis que Flora travaillait à l'hôtel de luxe, Ludmila s'y rendait très souvent pour voir sa chère petite-fille. Flora n'attendit pas pour serrer la vieille femme dans ses bras. Après quoi elles s'adonnèrent aux formalités nécessaires.

- La 406, comme d'habitude ? supposa Flora en sortant le registre de l'établissement et un stylo.

- On ne change pas une bonne habitude, ma chérie, répondit Ludmila de sa voix douce et claire.

La jeune brune hocha vivement la tête et tendit la clé de la chambre 406 à sa grand-mère, non sans afficher une joie certaine à l'idée de voir sa grand-mère participer à l'un des fameux tournois organisés par l'hôtel. Chaque mois - le 15 de chaque mois plus précisément -, un tournoi réservé aux clients et organisé par Flora ainsi que la co-gérante de l'établissement, avait lieu sur le terrain de combat de l'hôtel, situé dans la partie arrière du bâtiment, juste après la cour intérieure. Bien entendu, Ludmila, en tant que dresseuse de Pokémon, y participait chaque fois qu'elle en avait l'occasion. Elle ne venait qu'à cette période précise du mois, c'est-à-dire toute la semaine du 15.

- Cette année, les règles ont été quelque peu changées au tournoi, l'informa la réceptionniste.

- Vraiment ? Eh bien, il me tarde de connaître les nouveautés.

- Pour tout te dire, ce n'est pas grand chose... Helen, la co-gérante, et moi-même, participons aux tournois à partir de maintenant. Ce sera peut-être l'occasion de nous affronter.

La vieille dame offrit un sourire bienveillant à sa petite fille et l'abandonna pour se rendre à sa chambre. Malgré son âge, sa vitalité n'avait pas disparu, et elle se trouvait parfaitement capable de transporter toute seule ses bagages. Alors qu'elle allait monter l'escalier, la voix de Flora l'interpella :

- Grand-mère, attends une minute !

Ludmila Kalsov se retourna vers elle, l'interrogeant du regard.

- Que se passe-t-il, ma chérie ?

- C'est que... tout à l'heure, nous avons reçu un client un peu bizarre et vraiment énervant... assez grand, les cheveux noirs, mal rasé et avec une sorte d'imperméable de flic. Essaie de ne pas trop lui parler, il m'a l'air peu fréquentable.

- Bien. Merci de m'en avoir avertie, Flora.

Flora hocha la tête et retourna à son poste, laissant sa grand-mère à ses réfléxions. En réalité, cette intervention de sa petite-fille lui donnait plus envie qu'autre chose de s'adresser à ce fameux client énervant. C'était décidé, elle tenterait d'aller le voir dans la semaine qu'elle passerait ici. La curiosité de Ludmila l'avait toujours emporté sur sa raison, et ce dès son plus jeune âge. Une chose en laquelle elle n'avait pas évolué le moins du monde...


* * *


L'air songeur, Justin Lysander, locataire de la chambre 211, observait le ciel, adossé à la fenêtre du salon. La nuit tomberait d'ici peu. Le salon était une pièce immense située au rez-de-chaussée, meublée d'un grand nombre de fauteuils et de canapés. Des bibliothèques en ébène contenant des ouvrages plus vieux les uns que les autres s'étalaient de part et d'autre de la pièce. Le sol en marbre était si propre que l'on pourrait se voir dedans. Presque. Justin n'entendit pas le son des pas qui se rapprochait de lui, et sursauta lorsqu'on tapota sur son épaule. Le souffle court, il se retourna et dévisagea l'individu qui était source de sa frayeur. Il ne l'avait pas vu de la journée, en tout cas, il en était certain.

- Euh... b-bonjour...

- Bah, soyez pas timide, je suis pas cannibale. Moi, c'est Dunning, enchanté !

Voyant que le dénommé Dunning lui tendait sa main, Justin la lui serra timidement et se présenta à son tour. Apparemment, le plus jeune des deux était professeur dans un lycée. Pas vraiment le genre de personne à fréquenter un hôtel de luxe, selon Irina. Et elle avait raison.

- Si c'est pas indiscret, pourquoi vous traînez dans un hôtel de luxe ? Un prof et un milliardaire, c'est pas la même chose...

- Je ne pense pas... je ne pense pas qu'il soit nécessaire de répondre à cette question, désolé.

Dunning haussa un sourcil. Il était bien obséquieux, celui-là. Un peu trop poli pour être honnête. Il le savait, que juger les gens au premier coup d'œil n'était pas une bonne idée. Son "mentor" le lui avait bien fourré dans le crâne, pourtant. Mais Dunning s'obstinait toujours à ne jamais écouter les conseils de son entourage, fussent-ils ceux de son illustre ami qu'il avait rencontré quelques années plus tôt. Les yeux dans le vague, il ne se rendait pas compte que Justin le regardait fixement.

- Quoi ? J'ai une tache quelque part ?

- Non, non... vous aviez l'air ailleurs. Tout va bien ?

- Comme sur des pincettes ! Euh, nan attendez... comment c'est déjà...

- Des roulettes ? suggéra le professeur.

Dunning hocha vivement la tête en remerciement, puis la pencha sur le côté, signe qu'il réfléchissait.

- J'ai une question. Vous savez des trucs sur cet hôtel ?

- Des trucs ? répéta Justin, confus.

- Ouais, des rumeurs, des détails sur son histoire, ou quoi. J'en ai besoin pour, euh... un article de journal.

Justin plissa les yeux. Ce type n'avait pas l'air d'un expert en mensonge, au vu de sa tendance à se gratter le nez à chaque fois qu'il disait une connerie. Mais bon, ça ne le regardait pas et autant répondre à la question.

- J'ai bien entendu une rumeur... il paraît qu'un homme peu fréquentable séjourne souvent ici. A ce que l'on dit, c'est quelqu'un de très influent, mais je n'en sais pas plus que ça. C'est une cliente qui s'en est plaint, hier, avant de quitter l'hôtel. Visiblement, la présence de cet homme l'empêchait de dormir sur ses deux oreilles.

- Hm... intéressant, tout ça ! Peut-être ai-je mis la main sur le scoop de l'année... merci, monsieur Lysander !

Sans attendre la moindre réponse, Dunning détala comme un Laporeille pour appeler quelqu'un via Vokit. Justin haussa un sourcil. Bizarre, ce type, décidément. Rien que le fait de s'intéresser à cet hôtel était incongru. C'était un hôtel, point, il n'y avait pas à chercher plus loin.
En y repensant, le jeune homme trouvait que ce Dunning avait tout d'un agent de police. Peut-être que quelque chose de pas net se tramait dans cet hôtel, qui sait ?


* * *


Comme chaque jour, il se rendait sur les quais de Volucité à la nuit tombée. Le spectacle de l'eau s'agitant au gré de la légère brise, le tout agrémenté des reflets blanchâtres de la lune, l'apaisait après une dure journée. Bien qu'il ait suffisamment d'argent pour ne pas avoir besoin de travailler, il le faisait quand bien même. Cela ne l'ennuyait pas, au contraire. Il avait bien choisi de quitter son ancienne vie pour en débuter une nouvelle.
Etrangement, ce soir-là, il aperçut une silhouette au bout du quai Prime. Ainsi donc, quelqu'un d'autre s'adonnait à ce passe-temps, maintenant ? Curieux, il s'approcha jusqu'à se trouver à la hauteur de l'autre personne. Un homme portant un imperméable marron, les mains dans les poches. Ses cheveux bruns courts s'agitaient à cause de la brise marine, et son regard grisâtre restait fixé vers l'étendue d'eau. Il n'aurait su dire pourquoi, peut-être était-ce à cause des indémodables clichés, mais cet homme avait tout d'un inspecteur de police. Poliment, le type à l'imperméable s'adressa à lui, un sourire aux lèvres.

- Un bien beau spectacle, qu'en pensez-vous ?

- C'est certain. Je viens ici tous les soirs, cette vision m'apaise.

- Malheureusement, je suis loin d'être aussi chanceux que vous. Le crime m'oblige à me déplacer chaque jour, me retenant parfois plusieurs jours sur une même affaire...

- Seriez-vous agent de police ?

L'homme à l'imperméable sourit. Visiblement, il avait vu juste.

- Je travaille pour les forces internationales. Je n'ai pas de véritable nom à vous divulguer cela dit, j'espère que vous comprenez. Appelez-moi Beladonis.

- Nous sommes pareils, vous et moi. Je n'ai plus vraiment de nom, moi non plus. Je vais et je viens, sans identité, errant ici ou là. On m'appelle Dunning, maintenant.

Beladonis lui serra chaleureusement la main et prit congé, promettant de revenir discuter sur ce quai éclairé par la seule lumière de la lune.
Il revint la semaine suivants, ayant été tenu éloigné de Volucité par les affaires. Et ils discutèrent, longuement. Dunning se montrait peu bavard quant à son passé ou à son travail, alors Beladonis lui contait les aventures - hormis celles classées vraiment top-secret - qu'il avait pu vivre au sein des forces de police internationales. A chaque fois, l'autre le regardait avec un émerveillement non feint, comme un enfant qui venait de découvrir sa vocation.
Et, grace à Beladonis, Dunning l'avait trouvée. Sa nouvelle voie, ce quotidien nouveau qui lui donnerait des frissons. Finie la vie de dresseur célèbre. Il deviendrait un homme nouveau, animé par des motivations nouvelles. Il s'était fait un ami de valeur, et avait, par la même, choisi une façon de vivre qui lui plaisait. Rien ne pouvait plus entacher ce futur si prometteur. A vingt-neuf ans, il avait l'impression de naître une seconde fois.



* * *


Trois coups à la porte firent sursauter Helen Wendell. Elle consulta sa montre et, en effet, c'était bien l'heure convenue pour le rendez-vous. La rousse ouvrit la porte et laissa entrer son mystérieux visiteur. Lequel s'installa, à la demande d'Helen, sur le fauteuil face au bureau.

- Très jolie couleur de cheveux que vous avez là.

La co-gérante de l'hôtel répondit à ce compliment par un sourire avant d'en venir au fait. Faire attendre quelqu'un comme lui n'était certainement pas l'idée du siècle.

- Le rendez-vous a été fixé. Monsieur Elias est censé vous recevoir demain, peu après son arrivée. Cela vous convient-il ?

Le visiteur hocha la tête et, de sa voix grave et claire, répondit :

- C'est parfait. Je vous remercie pour votre sérieux et votre disponibilité, mademoiselle Wendell.

- C'est tout naturel. Que la fin de votre séjour soit la plus agréable possible.

Sur ces bonnes paroles, elle se leva et raccompagna le client jusqu'à la porte de son bureau. Il la remercia puis prit congé, laissant une Helen affamée sur le pas de la porte.

- Je me ferais bien un resto, moi...


* * *


L'heure du dîner était arrivée rapidement pour les clients de l'hôtel, pour la plupart tous déjà attablés au restaurant. Nigel Kenyon, lui, n'y était pas encore. Sa fille de huit ans, Rachel, le traînait par le bras, voulant apparemment lui "montrer quelque chose d'intéressant". Etant persuadé d'être un mauvais père, il cédait à tous les caprices de la petite fille. Laquelle s'arrêta brusquement dans le hall, juste à côté de la réception. Même Flora, la réceptionniste, avait abandonné son poste pour aller manger. Pas très professionnel, tout cela. Mais enfin.

- Qu'est-ce que tu voulais me montrer, chérie ? s'étonna le blond, ne voyant pas vraiment où Rachel voulait en venir.

- Regarde !

Elle lui montra une sorte de poster accroché au mur près de l'entrée. Le médecin s'en approcha et, au fur et à mesure qu'il lisait le papier, son visage se décomposa. Il s'agissait là d'une affiche pour avertir de l'arrivée imminente du prochain tournoi Pokémon organisé par le personnel. Lui qui n'avait qu'un seul Pokémon, et encore, pas dressé au maximum de ses capacités, ne le sentait pas tellement... Seulement, le regard suppliant de son adorable fille chassa bien vite tous les doutes qui avaient pris place dans son esprit.

- Bon, eh bien... je vais m'inscrire, alors.

Le sourire que Rachel lui adressa acheva de le convaincre complètement. Finalement, peut-être qu'il n'était pas si mauvais que ça.