Accord Secret de Xabab

Je sais que j'ai peu de chance que tu reçoives un jour ces mots mais je ne peux m'empêcher de les écrire, chaque semaine. Cette lettre, c'est un peu mon rendez-vous et je compte continuer jusqu'au bout. Je ne donnerai pas d'information sur ma vie ici, au cas où ce morceau de papier arrive entre tes mains, ce serait dangereux.
Je suis heureux et je n'ai pas envie que papa débarque et vienne tout casser. Cela me rendrait triste et ruinerait la vie que je tente de mener.

Ici j'ai rencontré des gens. Une famille s'occupe de moi et ils sont très gentils, je les aime. Bien sûr ils ne vous remplacent pas toi et maman, ce sont d'autres personnes qui n'ont pas la même place que vous dans ma vie. Je ne vous oublie pas, même ici je pense à vous chaque jour, plusieurs fois par jour. Mon seul regret est que vous ne soyez pas avec moi à cet endroit de rêve.
Les gens sont gentils ici et tout le monde m'accepte, sauf peut-être Bruce, un sale type avec une sale tête de requin blanc. Mais il m'importe peu, je l'oublie dès qu'il n'est pas là et j'essaie de l'ignorer quand il se rapproche.

Tu vas rire mais hier je l'ai cogné fort, en pleine figure. Je sais que tu n'approuvera pas ce geste de ma part, tu es comme Mila, à toujours préférer résoudre le conflit par la sagesse. De mon côté je suis trop impulsif, j'ai du mal à faire abstraction de tout.
Mila c'est la fille dont je t'ai parlé tant de fois. Mais depuis la dernière lettre il s'est passé beaucoup de choses. Je ne sais pas ce qu'elle représente pour moi mais j'ai l'impression que ce n'est pas une relation normal. Il y a quelque chose de plus entre nous. Je ne sais pas si je suis... amoureux. C'est bizarre de l'écrire.
Je me sens bien avec elle.

Là où je suis je continue à maîtriser le troisième œil. Depuis ma dernière lettre tu as sans doute posé tes questions à maman.
C'est dur comme entraînement mais j'arrive à voir de moins en moins les fantômes quand je le veux ou plus distinctement selon mon plaisir. Le maître est gentil bien qu'un peu barjot si tu veux mon avis, il ne fait que se goinfrer de gâteaux et c'est encore un grand enfant. Parfois j'ai l'impression d'être plus mature que le vieil homme.

April, je suis désolé de tout le tort que je vous cause sans doute à toi et à maman. Je me rachèterai en rentrant dans quelques années, quand je serai majeur et que papa ne pourra plus rien, quand je serai en mesure de maîtriser totalement l'œil.
En attendant je t'aime et pense fort à toi, petite sœur. Je continuerai à t'écrire chaque semaine.
Bisous.


Ce furent environ ces mots que j'écrivis à ma sœur ce jour-là.
J'ai accroché cette lettre à un Poichigeon du village censé de retrouver la trace du destinataire même sans information, chose à laquelle je croyais peu. Mais je ne pouvais m'empêcher d'écrire à April, il le fallait, pour garder le lien.
En revanche, quand bien même je poursuivis ce rituel pendant des années sans savoir si elle lisait ce que je lui écrivais, je ne savais pas que mon dernier paragraphe mentait. Car je n'allais pas les revoir une fois majeur et j'allais arrêter de lui écrire dès mon internement à Fan. Il y aurait une pause de près de quinze ans entre deux de mes lettres.

Et je n'allais pas revoir April avant longtemps.