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» Auteur : Xabab - Voir le profil
» Créé le 14/03/2015 à 16:47
» Dernière mise à jour le 14/03/2015 à 16:47

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Chapitre 25 : Les mots que je veux te dire
Je regardais la lune cette nuit-là, accoudé au rebord de la fenêtre, sans dire un mot. Près de moi je n'entendais pas les ronflements de Mila, ou même une respiration un tout petit peu plus forte qui m'aurait indiqué qu'elle dormais. Je savais parfaitement qu'elle n'arrivait pas à trouver le sommeil et j'en connaissais la raison.
C'était ma faute. La mienne et celle de Bruce.

Je savais qu'elle était fâché ; à ma place qui ne l'aurait pas compris ? Depuis que j'étais rentré elle ne m'avait pas adressé une fois la parole, n'intervenant pas au cours du dîner et allant directement au lit une fois ce dernier terminé. Sa mère, la voyant aussi muette, lui avait demandé ce qui n'allait pas, ce à quoi elle avait répondu d'un air désinvolte que tout allait pour le mieux. Mais personne n'y croyait, ce comportement n'était pas d'elle. Il était de sa part à la fois inhabituel et surprenant.
De mon côté je ne parvenais pas à comprendre ce qu'il se passait dans sa tête. Certes Bruce avait été stupide et je n'avais pas réagit selon ses conseils, en l'ignorant totalement. Nous lui avions coupé la parole, nous nous sommes battus et elle avait toutes les raisons du monde de m'en vouloir. Pourtant quelque chose clochait.
Ce n'était pas Mila.

Alors que j'observais la lune un sentiment de tristesse intense s'emparait de moi. Étrangement le silence qu'elle m'adressait me touchait directement, comme une sangsue qui dévorait de l'intérieur de mon cœur tous mes autres sentiments pour ne laisser que celui-là. C'était une sensation de vide et de peine, un déchirement dont je ne voyais la provenance.
Se pouvait-il que Bruce ait raison et qu'il y ait vraiment une rivalité entre nous, à propos de Mila ? En ce temps j'étais trop jeune pour comprendre la nature de l'amour qui germait dans ma poitrine depuis ma rencontre avec la petite rouquine. Je ne connaissais rien des relations sentimentales et, avant mon arrivée à Rovia, je me moquais bien des filles. Elles n'avaient jamais été une urgence et une préoccupation ; mais Mila changeait brusquement la donne.

Bien entendu je la trouvais belle, gentille et attentionnée – du moins quand elle ne se livrait pas à son quart d'heure de taquinerie quotidien – ce qui me poussait dans sa direction. Quand je suivais les cours chez le vieux, qu'elle était envoyé travailler ailleurs dans le village ou que nous étions tout simplement séparés d'une manière ou d'une autre, je ne pouvais empêcher mes pensées de revenir à elle.
Si Mila était là, qu'est-ce qu'elle dirait de moi à cet instant ? Tiens, il faudra que je parle de ça à Mila pour voir ce qu'elle en pense, je suis sûr que ça l'amusera. Si elle pouvait être ici, on rirait bien tous les deux…
Il s'agissait de ce genre de paroles qui traversaient mon esprit de temps à autre. De simples mots qui me tiraient dans sa direction.

Et ce baiser sur ma joue, pensai-je en admirant la lune, une main sur le menton, ce n'est pas une autre preuve que je ressens quelque chose pour elle de plus qu'une simple amitié ? Après qu'elle ait fait ce geste, je ne pouvais retenir une joie indéfinissable qui montait en moi. Et, le soir venu, j'eus du mal à m'endormir, ne pouvant arrêter de penser à cela.
Bruce, sans même s'en rendre compte, venait de déclencher un conflit à deux échelles. Une bataille qui se passait dans les tréfonds de mon cœur et à la fois au sein de la petite chambre dans laquelle je savais que Mila ne faisait que semblant de dormir.

Plongé dans mes pensées, observant la lune qui semblait surplomber le village, veilleur solitaire qui dresse sa lanterne en signe de protection, je n'entendis même pas ma sœur d'adoption descendre de son lit pour venir s'asseoir avec moi près de la fenêtre. Quand elle fut à mes côtés et que je la vis enfin, j'en sursautai presque, ce qui la fit réprimer un petit rire.
Malgré son pyjama rose une pièce dans lequel elle semblait nager, je la trouvais tout aussi belle que d'habitude.

Alors qu'elle se tenait à mes côtés je ne savais que dire. Depuis la dispute de cette fin d'après-midi je n'avais pourtant eu de cesse de penser à ce que je pourrais faire pour m'excuser, à peser les mots justes.
Et pourtant rien ne sortait de ma bouche. Je restais, stupide, à fixer la lune comme si elle pouvait au moyen d'un rayon percer la fenêtre de la chambre afin de briser le silence gêné qui nous englobait. De temps en temps, je risquais un regard furtif vers Mila, sachant qu'elle me voyait et me sentant un peu plus ridicule à chaque fois.

Elle se tenait accoudée contre le rebord, une main sur le menton et les yeux perdus dans l'immensité du ciel nocturne. Une mèche de cheveux roux tombait nonchalamment sur son épaule et il arrivait qu'elle la déplace derrière son oreille d'un geste tendre. Elle ne me regardait pas mais, d'une manière ou d'une autre, je savais qu'elle remarquait chacune de mes tentatives étouffées dans l'œuf. L'air qui nous entourait était pesant, l'atmosphère irrespirable et mon esprit criait à l'aide. Je voulais quitter cette impasse au plus vite, briser la frontière, casser ce qui nous séparait…
Ne supportant plus la situation je pris mon courage à deux mains, respirant un grand coup avant de me lancer, terrifié par un sentiment dont je ne savais rien.

C'est le seul moyen pour que tout redevienne comme avant, Jake, me disais-je intérieurement. Après tout c'est toi qui a tout gâché cet après-midi en répondant aux provocations de la face de requin ; il suffisait de l'ignorer comme Mila l'avait conseillé. C'était la meilleure des solutions, il te suffisais d'être un minimum intelligent. Et maintenant qu'elle a fait le premier pas vers une réconciliation en venant te rejoindre à la fenêtre, c'est à toi de faire le second en lui adressant la parole.
C'était à peu près la teneur qu'avaient les centaines de pensées qui défilaient dans mon esprit alors que je m'apprêtais à lui présenter mes excuses. Dans une cacophonie intérieur terrifiante, balayant mes plans visant à trouver les mots idéaux pour prendre ce qui me passait par la tête, je me suis lancé.

« Je suis désolé, j'ai été con. »
Une phrase, simple, sans ajout, sans mensonge. J'avais imaginé toute la soirée un long discours plus travaillé, expliquant le pourquoi du comment, me justifiant et cherchant à exprimer mes sentiments. Mais ce n'était pas ce qu'elle attendait et ce que je voulais.
Cette phrase sonnait plus juste. Elle était vrai et venait du fond du cœur, je n'avais pas à préparé une quelconque sincérité ; je n'avais qu'à la puiser dans mes sentiments.

Néanmoins je me souviens de la terreur qui avait suivit ces mots, du sentiment d'effroi qui avait prit en otage mon cœur pendant les cinq secondes qui séparèrent mes excuses de sa réponse.
Car Mila ne répondit pas tout de suite. Aujourd'hui je pense sincèrement que c'était son moyen à elle de clore sa leçon envers moi, pour me faire comprendre une bonne fois pour toute que j'étais parvenu à la blesser. Elle fit durer, ne me regardant même pas et poursuivant son inspection de la surface visible de la lune, sa main sur son menton. Pendant ce court instant j'eus envie de hurler une centaine de fois tant la pression était forte, ce qui ne m'était jamais arrivé auparavant.
Comment une fille pouvait-elle me mettre dans cet état ?

« Ce n'est pas grave, répondit-elle finalement en prenant un ton très sérieux et sans pour autant se tourner dans ma direction, je n'ai pas envie d'être fâchée avec toi.
– J'espère que ça ne changera rien entre nous.
– Il y a un entre nous maintenant ? »
Elle se tourna vers moi et me lança un grand sourire, sourire que je ne pus m'empêcher de contenir à mon tour. En moins d'une minute elle était redevenue la fille que je connaissais, celle qui ne loupait pas une seule occasion pour blaguer.

Nous nous fixâmes dans les yeux quelques secondes, sourires aux lèvres, avant de rire ensemble de bon cœur. Ce fut soudainement comme si nos éclats de rire mettaient un terme à notre dispute. Une éponge que l'on passe sur un tableau noir couvert de mots tracés à la craie, effacés en un instant d'un simple mouvement de bras.
C'était aussi simple que cela de se réconcilier au final. Tant qu'il y avait de la sincérité alors tout le reste venait à la suite. Il suffisait de pousser le rocher obstruant la source pour que le fleuve coule de nouveau.

« Je suis contente que ce soit terminé, ajouta-t-elle une fois l'ambiance revenue à la normale. Tout cela n'en valait vraiment pas la peine.
– Tu avais raison en disant que Bruce ne méritait pas d'attention, j'aurais dû écouter. »
Elle haussa les épaules. « Dans le fond il n'est pas méchant, il se donne simplement des airs, pensant que ça impressionne les gens autour de lui tout simplement car il ne se fait pas confiance. Il ne faut pas lui en vouloir. »

Évidemment je ne savais que répondre à cela. Du moins j'avais bien une idée mais je doutais qu'elle puisse convenir à Mila et craignait de relancer notre dispute si je l'exprimais à haute voix. Pour moi Bruce était un imbécile qui ne méritait aucune pitié. J'avais honte de le penser mais, dans le fond et même si cela avait déplu à Mila, j'étais heureux de lui avoir collé mon poing en pleine face. Mais il n'était pas le sujet de notre conversation et c'était tant mieux, je préférai ne pas parler de lui.
Cela fut suivit d'un bref silence durant lequel nous nous sommes contentés de regarder la lune, encore et toujours. Puis, mes questions habituelles me reprenant d'assaut, je me vis forcé de briser ce moment de calme.

« Pourquoi avoir pleuré tout à l'heure ? Ne te fâche pas mais… Enfin, je veux dire que ce n'est pas ton genre de verser des larmes, qu'importe la situation. »
J'ai pensé tout d'abord qu'elle n'allait pas vouloir répondre, qu'elle allait remonter dans son lit et me laisser en plan, ou dans le meilleur des cas m'adresser une remarque cinglante. En résumé, je m'attendais à tout sauf à ce qu'elle fit réellement.

La jeune fille se détourna de moi durant un fragment de seconde avant de me regarder brusquement droit dans les yeux.
Ce fut à ce moment que je remarquai la larme qui coulait dans son œil droit et ses joues rouges. Elle se retenait de pleurer, c'était indéniable et ce quand bien même je refusais de le croire. Et, devant ma mine étonné, elle se contenta d'un seul mot, prononcé le plus calmement du monde, un sourire au bord des lèvres : « Imbécile. »
Puis elle a prit mon bras et s'est couchée contre mon épaule pour regarder la lune à mes côtés.

« Elle est vraiment belle ce soir. »
J'ai voulu répondre quelque chose, n'importe quoi, ce qui me passait par la tête… Mais rien n'est venu. Ma gorge était sèche et mon estomac noué. Je me suis contenté de me pencher sur elle et de regarder d'un même œil l'astre rayonnant de la nuit.