Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Tout ça pour mourir de Asako



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Asako - Voir le profil
» Créé le 06/06/2010 à 18:15
» Dernière mise à jour le 06/06/2010 à 18:31

» Mots-clés :   Romance   Science fiction   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
1-7 : Nouveau départ
Il y eut un vacarme effroyable, un grand bruit qui éclata dans l'air, puis les fenêtres de la salle du congrès volèrent en éclats et d'immenses flammes se mirent à lécher les murs, à la fois belles et terrifiantes. Le bâtiment vacilla, des craquements sinistres se mirent à crépiter et à fuser dans tous les sens ; David ne pouvait quitter des yeux le spectacle qui s'offrait à lui, cette véritable explosion de flammes jaunes et rouges, ces murs calcinés qui s'affaissaient dans une nuée de poussière, les gens qui hurlaient, couraient, jetaient des regards désemparés tout autour d'eux… puis, brutalement, le jeune garçon se retrouva par terre, le nez dans l'herbe, plaqué au sol par le corps de Matt Keyes. Des gravats et des miettes de verre acérées s'abattirent sur eux dans une bourrasque brutale et dangereuse.

-Ferme les yeux ! lui cria Matt dans l'oreille.

Il ne put se résoudre à baisser les paupières. Son cœur tambourinait férocement dans sa poitrine, ses tympans bourdonnaient, il étouffait… Des gens passaient près d'eux, les frôlaient, sans faire attention à leur présence, poussant des hurlements d'épouvante. David voyait leurs pieds qui passaient près de son visage, et leur démarche précipitée, affolée, le surprenait et lui donnait une vague nausée.

Après quelques minutes, Matt, doucement, se redressa et l'aida à se remettre debout. Une mince estafilade sanglante scintillait sur sa joue blême, et des perles de sueur collaient ses mèches de cheveux noirs à ses tempes, comme de gros traits grossièrement peints à l'encre de Chine sur son front. Malgré son teint cadavérique et cette légère entaille, il était indemne.

-Tout va bien, David ? Tu n'es pas blessé ?

David secoua la tête. Il porta les yeux sur le bâtiment en proie aux flammes, dont il ne restait déjà plus que quelques morceaux de murs noirs. Le brasier éclairait la nuit, et une foule de silhouettes était réunie tout autour. Quelques-uns avaient sortis des Pokémons eau, mais ils étaient trop peu pour lutter convenablement contre les flammes.

-Il faudrait les aider, affirma Matt en redressant ses lunettes sur son nez.

David approuva silencieusement, mais le scientifique secoua vigoureusement la tête et pointa du doigt dans la direction opposée à la salle de congrès.

-Non, déclara-t-il, et, pour la première fois, le jeune garçon sentit de l'assurance dans la voix du scientifique. Moi, je vais les aider et toi, tu t'en vas.

David ne répondit pas, stupéfié. Matt semblait déterminé.

-C'est l'occasion ou jamais ! insista le scientifique. Personne ne sera responsable ; tu auras profité du chahut pour t'enfuir. Je te l'ai dit, rester à Saigo est trop dangereux pour toi. Il faut que tu partes, et l'occasion idéale se présente.

-Attendez… murmura David, sentant la chair de poule couvrir ses avant-bras. C'est vous qui avez prémédité cette explosion ?

-Non… je n'ai pas de Pokémon adéquat pour produire un tel remue-ménage. Maintenant, va-t-en… s'il te plaît. Il est sans doute trop tard pour renverser ta transformation, mais il n'est pas trop tard pour la stopper. Tu as déjà les pouvoirs d'un jeune Zigzaton qui a achevé sa croissance, et, crois-moi, c'est amplement suffisant.

-Mais je vais où ? protesta le jeune garçon. Et je fais quoi ? Je vais à l'adresse que vous m'avez donnée ?

-Il faudra que tu y ailles, mais pas immédiatement, car c'est l'un des premiers endroits où on te cherchera. Demande plutôt le chemin à Capumain.

David ne répondit pas, éberlué. Matt, qui commençait visiblement à s'impatienter, le prit par les épaules, planta ses yeux dans les siens et lui dit d'une voix douce :

-Ecoute, je sais que tout cela est brutal, mais je t'en prie, fais-moi confiance. Pars loin, le plus loin possible. Ce ne sera pas vraiment une fuite car, tôt ou tard, tu devras revenir. Tu comprendras plus tard. N'oublie pas que tu n'es pas seul, David. Je suis de ton côté, et je sais que Johanna et Sébastien ne veulent pas non plus qu'il t'arrive quelque chose. Et puis, il y a…

Il fut interrompu par une seconde explosion, moins violente que la première, mais dont la force eut pour effet de les séparer. Le jeune garçon sentit une vague de chaleur souffler férocement contre son visage et il fut propulsé en arrière. Il resta quelques secondes étendu dans l'obscurité, le corps meurtri et l'esprit embrouillé, et lorsqu'il se redressa, Matt avait disparu dans la masse humaine qui grouillait près des gerbes de flammes qui continuaient d'éclore furieusement dans les airs.
Il se sentait complètement perdu, mais il décida de balayer momentanément ses doutes et d'obéir au scientifique, c'est-à-dire de mettre la plus grande distance entre lui et cette salle de congrès qui n'allait pas tarder à n'être plus qu'un amoncellement de débris carbonisés. Se souvenant des paroles de Matt, il prit la Poké Ball de Capumain et la jeta droit devant lui, déterminé.

-Capu Capuuu ! grommela le singe violet, visiblement agacé.

-Capumain, montre-moi le chemin, ordonna David d'une voix assurée.

Le Pokémon le jaugea d'un rapide regard de ses immenses yeux en forme de soucoupes, sembla réfléchir puis s'élança dans la nuit. David le suivit aussitôt, se frayant un passage en courant, haletant et trébuchant dans la nuit noire.

A sa grande stupéfaction, le Capumain le mena face à un grand immeuble décrépi qui se dressait lamentablement dans un quartier mal famé de Poivressel, un immeuble dont la façade grisâtre était barbouillées de tags obscènes et où les fenêtres fissurées étaient dépouillées de rideaux, fleurs, balcons et autres agrémentations qui auraient pu enjoliver le tout. Sans se gêner, le Capumain entra dans l'immeuble, se contentant de pousser la porte. Le suivant de près, David put constater l'absence d'interphone ou de serrures. Ils arrivèrent dans un hall étroit et mal éclairé, qui évoquait plutôt le placard à balais et où la peinture s'écaillait tellement qu'il y avait plus de plâtre qu'autre chose sur les murs.

-On est où ? s'étonna David.

Le Capumain posa sur lui un regard condescendant, se détourna et s'élança dans la cage d'escalier. David lui emboîta le pas, peu rassuré.

Clic.
La lumière blafarde d'une ampoule qui pendait du plafond révéla une pièce qui n'était pas très spacieuse, mais elle gardait les miettes d'un passé heureux. Posé sur la cheminé gisait encore le portrait, terni par les années, d'une jolie jeune femme aux longs cheveux qui ruisselaient en boucles épaisses sur ses épaules et au visage souriant, baigné d'euphorie.
Le canapé éventré vomissait des poignées de mousse jaune.
Une télévision rudimentaire scintillait dans l'ombre.
Punaisées aux murs, des dizaines de photographies le dévisageait avec curiosité. Dans l'une d'elle, un homme au regard paisible enroulait un bras autour de la taille d'une femme qui riait aux éclats. David reconnut celle du portrait sur la cheminée, avec sa lourde chevelure nouée en un chignon de guingois. Elle était vraiment ravissante.
Capumain s'était tranquillement posé sur le canapé et semblait attendre la suite des évènements. David ferma la porte derrière lui. Il n'avait pas besoin de clé ; qui irait s'aventurer dans cet immeuble miteux, laissé à l'abandon ? Hésitant, il se rapprocha des photographies qui tapissaient le mur. Il reconnaissait le visage de Matt sur les clichés, mais ce visage n'était pas aussi émacié que maintenant, et ses yeux pâles n'avaient pas cette lueur de tristesse qui les caractérisait tant.

-Cet appart, c'est celui où Matt vivait avec sa copine avant d'aller à Saigo, c'est ça ? demanda David au Capumain qui, bien sûr, ne lui répondit pas. Il savait que tu me mènerais jusqu'ici…

-Salut, bonhomme !

David crut qu'il allait faire une crise cardiaque. Son cœur se comprima et exécuta la plus belle pirouette de sa vie. Affolé, le jeune garçon fit volte-face et recula face à…

-Hé hé, j'ai réussi à te faire peuuur !

C'était un jeune homme grand, dégingandé, qui ne devait pas excéder la vingtaine d'années. Il avait la peau noire et des cheveux qui tourbillonnaient en épaisses boucles sombres tout autour de son visage, mais ce furent ses yeux qui fascinèrent immédiatement David. Ils étaient immenses, bordés de longs cils soyeux, et la pupille avait une teinte noisette parcourue de centaines de petits éclats dorés, comme un morceau d'ambre brut.

-Je m'appelle Irwin, enchanté de faire ta connaissance, même si ça n'a pas trop l'air réciproque.

Et l'étranger lui tendit une grande main que David se contenta de fixer, trop interloqué pour réagir et réfléchissant déjà à toute allure à un moyen de le mettre hors d'état de nuire. L'homme sourit.

-T'inquiète, je ne tue jamais après le dîner ! plaisanta le jeune homme aux yeux dorés, en reculant sa main. Sérieusement, je te veux aucun mal. Si tu veux t'installer ici, pas de problème, je comprends tout à faire. Moi-même en débarquant ici j'avais besoin d'un endroit où dormir et cet appart était le plus cool de l'immeuble, alors bon, je me suis dit autant en profiter…

David haussa les sourcils, suspicieux.

-J'espère que tu vas rester longtemps ici, ajouta le dénommé Irwin. Ce serait sympa d'avoir un peu de compagnie. En plus t'es venu avec ton Pokémon, c'est super cool ! Mais mets-toi à l'aise, fais comme chez toi. De toute façon cet endroit n'appartient à personne, c'est la maison de tout le monde. Il y a de quoi survivre un bout de temps dans les placards, j'ai fait quelques emplettes cette après-midi avec Mimigal. Cette petite est géniale : elle arrive à enrouler tout un tas de truc à manger dans une toile et à sortir ça du magasin ni vu ni connu, en passant par le plafond ! Mais je dois te fatiguer à parler. Toi, t'es pas du genre bavard, ça se voit. Assieds-toi, assieds-toi.

Irwin lui désigna le canapé en lambeaux, où Capumain sommeillait. David s'y assit prudemment et décida qu'il était temps de prendre la parole avant qu'Irwin ne se perde dans un nouveau flot de paroles.

-Je m'appelle David, annonça-t-il.

Puis il s'humecta les lèvres, cherchant le meilleur moyen d'en dire le moins possible sur lui tout en évitant de vexer le jeune homme aux yeux dorés.

-Détends-toi, petit, lança justement Irwin en prenant place à ses côtés. T'as l'air tout nerveux ! Tu sais, t'es pas obligé de tout me raconter. Fugue, problème avec les parents, délits… on est tous coupables, hein ! Il faut rester zen.

-Je ne sais pas combien de temps je vais rester ici, ajouta David, ce qui était la stricte vérité.

-Pas de problème, de toute façon je ne comptais pas te faire payer le loyer !

-Je suis sûrement recherché, ajouta-t-il, voulant voir si le jeune homme allait rester tout aussi « zen » en apprenant qu'il avait un fugitif sous son toit.

-Moi aussi, sourit Irwin. T'inquiète, avec Mimigal et Rattata, on te protègera. T'as pas de bagages ? Je peux te prêter mes tee-shirts si tu veux, même si tu nagerais probablement dedans. On te cherchera des fringues plus cool plus tard. Il y a une chambre et un bureau, mais si on se débrouille bien on peut arranger le bureau en chambre. Tu me suis ? Je vais te faire une visite guidée de ton nouveau foyer… David, c'est ça ? Dave mon nouveau colloc. Dave et son Capumain.

-A vrai dire, ce n'est pas mon Capumain, admit David en jetant un coup d'œil au singe assoupi. Et je préfèrerais que vous m'appeliez David.

Il sursauta quand Irwin éclata de rire sans raison, dévoilant ses grandes dents blanches.

-Je t'aime bien, toi, dit-il. Même si tu ne parles pas beaucoup. Allez, let's go !

Et ils commencèrent à visiter l'ancien appartement de Matt Keyes.
David était pensif. Il se demandait si Irwin l'aimerait toujours bien en apprenant qu'il n'était pas tout à fait humain et qu'il avait en lui les pouvoirs d'un Zigzaton. Il se demandait aussi ce qui allait arriver à Matt Keyes, parti braver l'incendie. Et si Johanna Warren, Sébastien Valéry et Stieg Jackson étaient toujours en vie. Et ce qui avait bien pu provoquer cette redoutable explosion. Et qui était vraiment Irwin, comment en était-il arrivé à se terrer au fond d'un immeuble décrépi de Poivressel. Et s'il allait revoir sa famille, Ted et Rebecca.
Et, plus important, qu'allait-il faire maintenant ? Quel destin l'attendait ? Que faire de ses « dons » maudits ?
Les larmes lui brûlèrent les paupières mais il les ravala férocement et leva le menton. Irwin venait de terminer sa visite et lui adressa un sourire rayonnant. L'ancien appartement de Matt, malgré sa précarité, pourrait l'abriter un long moment et le maintenir hors de portée des scientifiques de Saigo.
Peut-être avait-il aussi trouvé un foyer, un endroit où demeurer avec ses pouvoirs, en compagnie d'un homme qui, pour le moment, ne lui avait pas posé une seule question indiscrète. Un endroit où réfléchir, où concocter des plans, où attendre…
Attendre que le moment soit venu…

FIN DE LA PREMIERE PARTIE