Undone de pwassonne

Je suis retournée me coucher. J'étais fatiguée, même s'il faisait jour. Il ne m'a plus rien dit.

On m'a appelée d'en bas pour déjeuner. Je me suis habillée rapidement. Je suis sortie de ma chambre, et je suis allée manger avec ma famille, en essayant d'avoir l'air aussi normal que possible. Avoir l'air comme eux, ou comme avant. Et cela réveille en moi la question que je n'attendais plus : "Pourquoi moi ?"
Pourquoi s'adresse-t-il à moi ?
Pourquoi est-il avec moi ?
Pourquoi pas n'importe qui d'autre ?

Lorsque je suis remontée dans ma chambre, j'ai pris un nouveau morceau de papier. C'était une page d'agenda, que j'avais retrouvée en boule au fond de mon porte-crayons. Elle s'y trouvait depuis plusieurs mois déjà. J'ai rayé "exercice 3 p. 49" et "retrouver ma copie de maths", puis j'ai recommencé à écrire.

Bien sûr, je lui ai demandé pourquoi moi. Il m'a répondu qu'il ne savait pas. Je ne l'ai pas cru. J'étais persuadée qu'il voulait me cacher la vraie raison. Comme une enfant, j'ai essayé de le convaincre que j'étais capable de comprendre la vérité. Il m'a répété qu'il n'en savait rien, mais qu'il le comprendrait peut-être a posteriori, quand tout cela serait résolu. Je ne croyais toujours pas un mot de ce qu'il disait, mais je n'ai pas insisté, comprenant que ce serait vain de toute manière. Maintenant, j'ai changé d'avis. Je crois que...
Je ne sais plus trop ce que je crois. Je n'ai pas de réponse, c'est tout ce que je sais. Et je veux comprendre ! je veux comprendre qui il est, pourquoi, comment... je veux...
"Tu sais tout cela. Ne te cache pas la réalité."
Tais-toi... arrête... tu ne comprends pas ?
Tu ne vois pas que tout cela me dépasse ?
Explique-moi pourquoi ! Explique-moi, je t'en prie ! Je veux comprendre ! Je t'obéirai ensuite !

Je me lève de ma chaise. Je lâche mon stylo, qui tombe sur la moquette dans un bruit mat.
- Dis-moi ! m'écrie-je. A haute voix.
Je n'en peux plus. J'ai envie que ce cauchemar cesse. Je me force au calme, je ramasse mon stylo et me rassieds à nouveau sur la chaise.

J'aimerais croire que ce n'est qu'un rêve, même s'il est peu vraisemblable qu'un rêve dure ainsi plusieurs semaines. J'aimerais croire que ce n'est pas vrai. Il me dit que...
Je ferme les yeux. Je ne peux pas écrire cela.
Il me dit que le monde...
Je ne peux pas. Ce n'est pas vrai, pas possible. Tout cela est si ridicule !

Je me lève, laissant ma feuille là. Je sors de la pièce et je descends rejoindre les autres, ma famille. Quand je suis avec eux, il ne me dit plus rien.

J'ai cherché dans toutes les pièces, ils n'y sont pas. A mon avis, ils ne seraient pas sortis sans me le dire. Ils ont disparu.
Je m'arrête d'écrire quelques secondes.
Peut-être que je fais cette conclusion parce qu'on m'amène à la faire. Peut-être que je me fais des idées à cause de ce qu'il a dit.
Cette fois, c'est sur un post-it jaune que j'ai écrit. Mon écriture est minuscule comparée aux gros caractères que j'ai tracés des semaines plus tôt :
RDV centre pkmn Oliville mardi 14h15

Je reprends la page d'agenda, restée sur un coin de mon bureau. Je retrouve ma dernière phrase et la complète, enfin :

Il me dit que le monde est en train de disparaître, de se défaire.

Et j'ajoute :
Mais ce n'est pas possible. Ils reviendront.

Et à haute voix :
- Tu me rends folle !

Mes yeux tombent à nouveau sur le Post-it. Alors je sais qui pourra m'aider. Cela me coûte de lui parler de cela. J'ai soudain l'impression que cette histoire est futile, ridicule.
J'ouvre un tiroir. Pas une seule feuille blanche. J'en trouve cependant une où je n'ai tracé que quelques formes incertaines au crayon. Je les gomme soigneusement, et j'écris.

Nico,
Je suis désolée de devoir t'inquiéter, mais j'ai réellement besoin d'aide. J'ai besoin de toi. Je...
Je peine à nouveau. Je m'en veux de ma faiblesse.
Je termine simplement :
Je crois que le monde est en train de se défaire sous mes yeux.
Je signe d'une main tremblante, plie la feuille et me lève. Je vais prendre une Pokéball sur un meuble. Son occupant en sort : un Goélise. Il se saisit de la missive avec ses pattes d'oiseau de mer. Ce n'est pas la première fois qu'il porte des lettres pour moi. C'est bien plus rapide qu'avec la poste de Johto.

- Pour Nico. il doit être à Irisia maintenant, dis-je à l'adresse du Pokémon.
- Goééééé ! acquiesce-t-il.
J'ouvre la fenêtre et l'oiseau s'envole.

"Le monde est en train de se défaire. Nous pouvons encore faire quelque chose."
Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi ?
Je retourne me coucher, avec une fois de plus cet espoir fou de me réveiller en oubliant tout cela. Les évènements me dépassent, me fatiguent. Je crois que je m'endors.

"Tu te trompes. Ce n'est pas moi qui te fais cela. C'est le monde lui-même qui s'épuise, c'est inévitable. Mais moi, je suis censé le préserver de ce destin."
Et moi ? Pourquoi moi ?
"Je ne t'ai pas choisie. Tu le sais très bien. Mais cela n'enlève rien aux faits, ni à ta tâche."
Mais je ne veux pas ! J'ai peur. Peur de...
"Mais quoi que tu fasses, c'est ce qui arrivera, non ?"
C'est vrai.
Où suis-je ?
Il n'y a plus rien.
Je me réveille.