Undone de pwassonne

"Comme les liens qui se dénouent, les étreintes qui se défont, les pierres qui se descellent, toute chose est éphémère et doit disparaître un jour ou l'autre. C'était prévu depuis bien avant, bien avant toi. Ca devait déjà arriver. Dans tout cela, tu n'es rien, tout au plus seras-tu comme un fantôme défait et disloqué par l'eau qui coule, condamnée à disparaître. Il n'y a qu'une solution. Tout dépend de toi. Je t'en prie..."
...
Une voix. Elle me parle. Que me dit-elle ? Je crois qu'elle me dit toujours la même chose. Il faut que je... Il faut que je...

Elle s'est tue. Le silence revient. Je suis à nouveau seule dans ma chambre. Seule face à moi-même, comme si je ne savais rien, comme si j'avais encore le choix. Comme avant. Comme si personne ne venait de me mettre en garde. Oui, c'est cela : faire comme si. L'ignorer. Voilà la solution.
...
Non. C'est impossible de l'ignorer. Lorsque je l'oublie, elle revient toujours à la charge. Comme maintenant. Je ne sais pas d'où vient cette voix. Ou plutôt si, je le sais. C'est...
(Je ne veux pas !)
(J'ai peur...)
Que faire ?
"Ne te cache pas la réalité."
Qui ? Qui a dit ça ? Est-ce moi ? Est-ce... sa voix ? Je n'en sais rien. Je n'en sais rien !
Dois-je vraiment suivre ce conseil ?

Je n'ai pas d'autre solution, de toute manière.
Je me redresse dans mon lit. Il fait jour, j'ai dormi tard. Je rejette ma couverture sur le côté et l'air frais du matin me saisit brusquement. Je me lève à regret, étirant au maximum ma chemise de nuit en quête de la moindre chaleur, puis je traverse la pièce pour m'installer à mon bureau. Une feuille de papier quelque peu chiffonnée traîne là. D'un côté, quelques mots griffonnés au mépris du quadrillage, d'une écriture déformée par la colère ou l'émotion violente. Je me refuse à relire ces phrases. L'autre côté de la feuille est vierge. cela fera l'affaire. Je prends un stylo à plume, défroisse la feuille au maximum et commence à écrire.
...
Non, je ne commence pas.
Parce que j'ai peur.

J'ai peur de ce qui arrivera une fois que j'aurai inscrit sur le papier tout ce qui est arrivé. Je serai obligée d'admettre que la menace dont il parle est réelle, et que je dois par conséquent lui obéir. Je ne veux pas. J'espère que tant que je pourrai me faire croire qu'il n'existe pas, ou qu'il ment, rien ne m'arrivera.

"Ne te cache pas la réalité."
Je commence à écrire.

Il est d'abord apparu dans un rêve, mais il existe vraiment. Je sais que je ne l'ai pas inventé, parce qu'il est revenu ensuite. Il m'a dit qu'il n'était pas moi, mais qu'il était moi tout de même. Je n'ai pas trop compris cela.
Ce n'est pas vrai. J'ai très bien compris. Et d'ailleurs, ce n'est pas comme cela qu'il l'a dit. Je ne suis simplement pas prête à accepter...

Je continue à écrire.

Il m'a dit que l'équilibre était rompu. Quel équilibre ? Il m'a dit qu'il était le seul à pouvoir empêcher le pire de se produire. Quel pire ? Je n'ai pas compris ce qui allait arriver...
Ce n'est pas vrai non plus. Je sais parfaitement ce qu'il a voulu dire. Mais je ne veux pas que ce soit vrai... parce que je ne veux pas...

Mais il a ajouté qu'il avait besoin de moi pour pouvoir agir. Il ne m'a pas expliqué tout de suite ce que je devais faire. Il est parti. C'était il y a...
Je ne sais plus trop. Quelques semaines, mais combien exactement ?
C'était il y a quelques semaines, dans un rêve. Un beau rêve, avec un paysage de paix. Il est apparu et m'a expliqué tout cela. Et puis le paysage est devenu une sorte de désert, comme s'il y avait eu une sécheresse. Puis il y a eu le vide, rien que le vide.

Est-ce qu'il sait ce que je suis en train de faire ?
Est-ce que c'est ce qu'il veut ?
Est-ce que j'ai raison de faire cela ?

Et je me suis réveillée brusquement. A peine étais-je revenue de mes émotions que j'ai à nouveau entendu sa voix. Mais je ne l'ai pas vu. Il a répété ce qu'il m'avait déjà dit. Et puis il m'a expliqué ce qu'il attendait exactement de moi. Il m'a aussi dit qu'il se pouvait que je...

Je ne peux pas. Je me peux pas écrire cela !
(Je ne peux pas admettre que c'est vrai !)

Mais je ne veux pas faire ce qu'il demande, parce que j'ai peur.

J'arrive à la fin de la page. je la laisse de côté et en cherche une autre dans le fouillis des papiers qui traînent.

"Ne te cache pas la réalité" répète-t-il.
Il a raison. Ce que j'ai fait n'a avancé à rien.