Undone de pwassonne

Non, je ne dois pas m'être réveillée. Je ne suis pas dans mon lit. Je me trouve au pied d'un arbre, allongée dans l'herbe. Je me redresse...
Je reconnais mon jardin. Les haies. Les parterres. Les meubles de plastique, oubliés, ternis par les ans. Tout est là. Sauf...
... la maison qui est en ruine. Non pas comme si elle venait de s'effondrer, mais plutôt comme s'il n'y avait jamais eu qu'une maison détruite à cet endroit. Elle n'a pas disparu, elle s'est simplement défaite.

"Je suis désolé pour toi. Je n'ai pas pu l'éviter. Maintenant, tu comprends pourquoi nous devons faire quelque chose. Pourquoi toi, tu dois faire quelque chose."
Mais nous ne pouvons plus...
"J'espère que si. J'espère qu'il est encore possible de restaurer le monde tel qu'il était."

Je ne peux plus me cacher ce que je sais. Mais il y a autre chose. Autre chose que je crois qu'il ne sait pas.
- Tu sais...
Je parle à haute voix.
"Quoi ?"
- Je crois que je...
"Dis-le. Dis-moi ce que tu as à dire. N'aie pas peur. Je sais que c'est difficile pour toi."
C'est rare qu'il fasse preuve de compassion. C'est peut-être même la première fois.
- Ce que... ce que je dois faire... pardonne-moi, mais je crois que... je ne peux pas...
"Tu en es capable, je le sais. Il suffit que tu t'en rendes compte. Pour cela, je ne peux pas t'aider. Mon rôle vient ensuite. Mais je t'en prie, dépêche-toi. Bientôt, il sera trop tard."

Il se tait. Et je reste seule, une fois de plus, seule avec moi-même. Des questions plein la tête, et surtout... j'ai peur...

Je relève la tête. Planant à environ un mètre du sol, un oiseau de mer s'approche de moi. Goélise.
Suivi de quelqu'un qui court, qui me voit, qui me sourit. C'est Nico. Il s'écrie :
- Ca va ? Qu'est-ce que tu fais sous cet arbre ?
Et, désignant la maison en ruines :
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je ne peux m'empêcher de fondre en larmes.
- Je crois que le monde est en train de se défaire... sous mes yeux...
- Comment ça se fait ?
- Je sais pas ! Il ne veut pas me le dire !
"JE N'EN SAIS RIEN !"
L'autre voix a résonné dans ma tête comme un cri. Par réflexe, j'ai porté la main à mon oreille.
- Qu'est-ce que tu as ?
- C'est lui...
"Il ne peut pas t'aider."
- Et toi ? Toi, tu m'aides, peut-être ? dis-je avec colère.
"C'est ce que je ne cesse de faire."
- A qui tu parles ? demande mon ami.
- Il est en moi...
- Qui ?
- Je ne peux pas...
Je me lève.
- J'AI PEUR, TU COMPRENDS ? Je ne comprends pas pourquoi il est là, il dit que le monde est en train de disparaître, mais moi, je ne veux pas qu'il disparaisse ! J'aime la vie, mais ça n'est même pas possible de toute façon, parce que soit tout disparaît et moi avec, soit je fais ce qu'il dit et qu'est-ce qu'il restera de moi ? Il est en moi ! Il ne cesse de me parler, mais je voudrais tellement qu'il me laisse et que tout recommence comme avant !

Je m'adosse à nouveau contre l'arbre, haletante, puis je me laisse tomber sur l'herbe.
- Désolée, dis-je. Tu ne peux rien y changer. Je m'excuse de t'avoir obligé à interrompre ton voyage de dresseur pour moi. Je voudrais... ce serait tellement plus simple de s'endormir, et de s'apercevoir au réveil que ce n'était qu'un rêve...

Il ne dit rien. Sans doute ne sait-il pas quoi répondre. Il s'assied lui aussi sous l'arbre, près de moi. C'est alors que je m'aperçois que mon stylo est toujours là, posé à côté de moi dans l'herbe. J'ai dû le garder dans ma main tout à l'heure. Je le prends et le regarde avec regret.
- Tiens...
Nico me tend une petite feuille qu'il semble avoir arrachée de son carnet de croquis, où il dessine parfois des paysages ou des Pokémon. D'un côté, un Rattatac montre ses énormes crocs. Le dessin est magnifique. Je tourne la feuille, replie mon genou, appuie la feuille dessus et écris.

Il dispose d'un énorme pouvoir. Mais tant qu'il est en moi, il ne peut pas l'utiliser. Je dois donc le libérer pour qu'il puisse se servir de sa puissance pour sauver le monde. Mais il est en moi, c'est comme s'il était moi, comme si moi j'étais lui, et même en admettant que je puisse le dissocier de moi, que restera-t-il de moi ensuite ? C'est pour cela que j'ai peur.
Je me sens coupable, parce que je devrais faire tout mon possible, quitte à me sacrifier, sans hésiter, mais je ne peux pas. Je ne suis pas une héroïne...