Tome I : La Prophétie de Darkrai de Alecx

L'ennui profond. Tel était le terme qui pouvait actuellement caractériser l'état de Lucas. Sa grande chambre était chauffée et éclairée par les rayons du soleil qui passaient par la fenêtre grande ouverte. Quelques Nirondelles chantaient gaiement au-dehors, perchés sur les nombreux arbres qui entouraient Bonaugure. De magnifiques Charmillons butinaient les splendides fleurs aux couleurs vives qui sortaient de-ci de-là du sol. Et lui, couché sur son lit, les bras croisés derrière la nuque, il attendait. Il attendait ses seize ans, qui tomberaient le lendemain. Dès lors, il pourrait commencer son voyage à travers Sinnoh en tant que dresseur Pokémon. Le rêve… Cela faisait des jours qu'il était prêt. Son sac, dans lequel traînaient une ou deux bricoles, était gentiment posé à côté de son bureau. Bureau sur lequel reposaient d'ailleurs une demi-douzaines de livres scolaires, tous traitant sur la stratégie en combat, quelles attaques pour quels types, comment gérer facilement un PC, etc… Ses affaires, lavées et repassées, attendaient sagement sur sa chaise. Il avait déjà tout préparé, vérifié et revérifié une dizaine de fois, s'ôtant ainsi la possibilité de s'occuper un peu avant le jour fatidique. Qu'est-ce que le temps pouvait sembler long lorsque l'on voulait qu'il avance plus vite. Et au contraire, lorsque l'on voulait qu'un instant s'éternise, il se mettait aussitôt à courir, avalant les heures comme des minutes. Ne pouvait-on pas profiter d'un baiser pendant des heures et achever la souffrance de voir une fille partir en quelques secondes ?

Le jeune homme se leva, bien décidé à faire quelque chose. Rester clouer à son lit sans rien faire aggravait son état d'impatience. Comment pouvait-il s'occuper ? Aller demander des conseils à son père ne lui semblait pas être une bonne idée, celui-ci lui ayant déjà raconté inlassablement une centaine de fois les aventures de son grand-père ; l'arrière-grand-père de Lucas. Il les connaissait maintenant par cœur. La fois où il avait courageusement fait face à un dresseur qui possédait pourtant un Pokémon qui avait l'avantage sur le sien, celle où il avait choisi de se rationner pour que son Pokémon puisse manger… Il y en avait des tas comme ça. Il n'allait pas non plus essayer de discuter avec sa mère, cela revenait à se mettre volontairement aux tâches ménagères. Car sa mère, bavarde, lui demandait toujours un coup de main tandis qu'elle étendait le linge et lui parlait en même temps. Restait Régis, son voisin. Il devait certainement être dans le même état que lui actuellement puisque lui-même entamait son voyage le lendemain, comme Lucas. Par un extraordinaire coïncidence, les deux garçons étaient nés le même jour. Cela les avait toujours un peu « liés ». Bien qu'ils ne se ressemblassent pas du tout, les deux s'étaient toujours considérés comme de faux jumeaux. Ils étaient voisins, il allaient à l'école ensembles, jouaient ensembles… Parler avec lui de leur aventures futures n'aiderait peut-être pas Lucas à se calmer mais au moins n'aurait-il pas endurer seul la longue attente que lui procurait celle du jour J. Lucas descendit de sa chambre en direction de la salle à manger pour demander à sa mère la permission de sortir, bien qu'il connaissait déjà la réponse. Finalement, il la trouva dans la cuisine, occupée à faire la vaisselle.
-Coucou maman. Dis-moi, je peux aller voir Régis s'il te plaît ? demanda-t-il. Sauf si tu as besoin d'un coup de main bien sûr ! s'empressa-t-il d'ajouter en espérant vivement que ce ne serait pas le cas.
-Mais non, vas-y, répondit-elle en souriant. Mais vous n'allez pas dans les hautes herbes, d'accord ?
-Tu nous connais, fit le jeune homme en souriant à son tour tandis qu'il tendait le creux de sa main devant sa mère. Qu'irions-nous faire là-bas ?

Le souvenir de l'apparition de la Marque sur sa paume l'avait traumatisé à vie. Des fois, en rêve, il revoyait apparaître l'étrange Pokémon ténébreux qui lui avait fait si peur, cinq ans plus tôt. Il se souvenait avoir rendu visite aux meilleurs médecins de tout Sinnoh sans qu'aucun d'eux ne décèle en lui le moindre signe pouvant annoncer une mort précoce ou même un quelconque problème de santé. Aussi ses parents avaient-ils appris à ne pas s'en inquiéter. Ce que Lucas ne leur avait jamais dit, et qu'il ne leur dirait de toute façon jamais, c'est que le Symbole brillait de temps à autres. Le point noir, surmonté d'un éclair de la même couleur, virait parfois au blanc en émettant une forte lumière. Mais par mesure de sécurité, Lucas avait toujours caché ce phénomène à son entourage. Personne ne devait jamais le savoir.
Ainsi, il passa l'après-midi avec Régis. Bien sûr, tous deux parlèrent assidument de Pokémon des heures durant et, comme chacun voulait être plus fort que l'autre, ils finirent pas se lancer un défi et pas des moindres : gagnerait le premier qui réussissait à devenir Maître Pokémon. Chacun devrait essayer de faire mieux que l'autre durant leur voyage qu'ils feraient séparément. Et comme il était tard, il se quittèrent. Les Coxyclaques brillaient dans les arbres de Bonaugure, des Papillusions volaient à la lumière de la lune… Ce soir-là, aucun des deux jeunes hommes impatients ne parvint vraiment à s'endormir.

Le lendemain matin, les deux familles se levèrent tôt pour pouvoir accueillir à huit heures l'éminent professeur Sorbier. Afin de faire plus court, tous s'étaient réunis dans la grande maison des parents de Régis, qui étaient, comme leur fils avec Lucas, en très bons termes avec leurs voisins. Etant financièrement aisés, les parents de Régis avaient offerts un départ de luxe aux deux jeunes hommes. Tous les deux auraient le choix parmi douze Pokémon de départ importés des laboratoires des plus célèbres scientifiques du monde, dont le célèbre professeur Chen. Finalement, à l'heure convenue, le professeur Sorbier vint frapper à la porte de la maison où l'attendaient deux adolescents surexcités. Il était vêtu d'un veston bleu sous lequel était proprement rangé une cravate qui entourait le col soigneusement plié d'une chemise blanche. Il portait un pantalon noir bien repassé, des chaussures marrons en cuir et un long manteau de la même couleur. Il tenait deux valises, une dans chaque main, dans lesquelles se trouvaient les douze Pokéballs qui compteraient bientôt deux membres de moins à leurs effectifs.

Après une courte heure passée entre choix et bons conseils, Lucas et Régis sortirent de la maison en courant, six Pokéballs accrochées à leurs ceintures et un Pokédex dans les poches. Evidemment, cinq de leurs balls étaient vides mais tous deux comptaient bien les remplir rapidement. Ayant dit au revoir à leurs parents, ils se dirigèrent tous les deux vers la route 201 lorsque Régis s'arrêta.
-Stop, cria-t-il alors que Lucas franchissait déjà les limites du village. Lucas, on va voir qui a pris le meilleur Pokémon. Je te défie !
-Ok, répondit l'intéressé, confiant. En avant, Poussifeu !
-Vas-y, Tiplouf !

Leur premier combat venait de commencer.