Accord Secret de Xabab

Au début il n'y avait rien. Alors vint Arceus l'éternel duquel naît tout, qui façonna l'univers de ses mille bras. Il créa les astres et autour d'eux les mondes, forgea les planètes, le vide et la moindre des pierres gravitant au fin fond de ce dernier. Cela terminé, et car il était un dieu qui aimait le détail, il s'attarda sur chaque parcelle de sa création. Il ne laissa rien au hasard, pas le moindre grain de sable, pas la moindre étoile, pas la moindre planète. Et quand il termina de donner la couleur à cet univers, il se sentit fatigué et décida de reprendre la route. Néanmoins il ne voulait laisser ce monde auquel il s'était attaché et décida d'y insuffler la vie. De son corps naquirent les dieux primaires : Urceus et Irceus. Ces enfants au contrôle de sa création, Arceus disparut sans laisser de trace.

Urceus et Irceus régnèrent longtemps sur un monde plein de couleurs mais triste, un temps qu'il est impossible de compter tant il fut long. Ils passaient les jours à flâner, les nuits à s'aimer ; car faisant partie d'un même corps ils ne pouvaient concrétiser leur relation que dans l'amour. Et ainsi, par ce contact à la fois charnel et psychique, les rejetons d'Arceus donnèrent naissance à des enfants.
De ces dieux secondaires vint en premier Dialga, régulateur du temps, et son frère Palkia. Ho-Oh et Lugia furent les suivants afin de donner au monde un cycle. Ensuite fut Xerneas qui donna un sens à la vie de chacun. Puis, pour terminer, Aniya et Estria, l'un aimant l'éternité et l'autre la régulation de tout ce qui existe.
Mais Urceus eut peur de ses enfants car de l'un d'eux devait naître une révolution du monde. Et ainsi il les dévora pour empêcher le pouvoir de passer de main. Irceus dans sa grande mansuétude voulu l'en empêcher en donnant à son compagnon un rocher à la place du dernier des fils. Et Estria, dieu de la régulation, grandit à l'écart de son père qui garda le monde pendant encore quelques milliers d'années.

Puis il y eut la guerre et Estria, qui avait dépassé son père, l'écrasa jusqu'à ce qu'il recrache tous ses frères et sœur. Et les dieux ainsi revenus sur terre chassèrent leur géniteur dans un autre monde où ils l'enfermèrent pour la nuit des temps, lui donnant le nom de Giratina afin de le punir de ses actes. Estria, voulant réguler son héritage, demanda à Xerneas d'insuffler définitivement la vie dans ce monde légué par Arceus. Ainsi les pokemons et les hommes furent les nouveaux détenteurs de cette planète. Et sur le trône prit place Estria, héritier légitime du créateur. Et son frère le plus proche, Aniya, qui désirait l'éternité pour chaque chose, car il était de nature telle à aimer la vie par le biais de son apparence de phénix, forgea le monde des morts pour y conserver les âmes des défunts. Vu qu'il était à moitié loup et aimait les profondeurs, il décida de faire des souterrains son royaume où il accueillerait ses futurs sujets.
Ainsi les enfers virent le jour et Aniya, qui ne cessait de renaître et n'aimait guère la compagnie de son frère, s'enferma à jamais dans ce lieu qui se remplissait au fil du temps. On dit de lui qu'il est le plus riche de tous les êtres car son royaume n'a de cesse de s'étendre.

Pendant des milliers d'années Aniya se cloîtra dans ce monde gris. Les dieux étendirent durant tout ce temps leur influence. Ils eurent des enfants, créèrent un Panthéon et perpétrèrent l'œuvre de leur maître à tous. Des centaines d'espèces voyaient le jour au fil des ans pendant que l'homme prenait de plus en plus de place.
Et au fond de son antre le dieu chimérique entre le loup et le phénix avait le temps d'observer ces créatures. Car de toutes celles qui volaient, rampaient, grouillaient et vivaient sur le sol de la planète elle était de loin celle qui l'intriguait le plus. L'espèce humaine avait quelque chose qui manquait à ce dieu flamboyant et triste. Ils avaient un trésor qu'il était incapable de comprendre et, sous terre, il menait d'intenses recherches pour en découvrir le secret. Lors d'une fête son frère qui aimait réguler le monde lui offrit un miroir pour égayer son repaire qui permettait de voir tout ce qu'il désirait sauf la vie des autres dieux. Et par celui-ci Aniya regarda les hommes et leurs passions, leurs amours et leurs haines. Il vit la guerre, la destruction, la mort, la peine, la trahison, la torture, les pauvres affamés par les riches, la douleur... Et pourtant, malgré tous les travers de l'être humain, il n'était pas en mesure d'en détourner les yeux.
Ces créatures possédaient un don qu'il n'avait pas.

Un jour, alors qu'il errait près de la grande porte de son palais, il demanda aux morts de lui dire ce qu'il manquait en ce lieu. Ils lui répondirent qu'il s'agissait de l'Amour, avec un grand A, et que l'on ne pouvait le créer à partir de rien. Aniya hurla que c'était impossible, que les dieux pouvaient faire ce que bon leur semblait et que l'Amour n'échappait pas à cette règle. Néanmoins il savait au fond de lui qu'il avait tort car il s'agissait là du trésor de l'homme qui l'intriguait tant au travers de son miroir magique.
Et maintenant qu'il connaissait le nom de ce qui manquait à sa solitude, il ne parvint plus jamais à trouver le sommeil. Errant les nuits dans les rivières de son monde gelé, il se demandait comment se procurer l'Amour. Il nageait dans le lac des morts à la recherche d'une idée, interrogeait sans succès ses sujets et regardait inlassablement par l'œil offert par son frère, cherchant une réponse dans le monde des vivants.

Un jour il la trouva.
Alors qu'il regardait dans son miroir il découvrit une humaine différente des autres par le fait qu'elle lui sauta aux yeux. Son cœur s'emballa comme il ne l'avait jamais fait, tambourinant dans sa poitrine à une vitesse exceptionnelle sans aucune raison réelle. Car évidemment le dieu ne comprenait pas ce qu'il ressentait. Ce n'était qu'une humaine après tout et l'amour n'était pas un état courant chez lui. Même si au Panthéon les autres divinités se mariaient et avaient des enfants, ce n'était pas son cas. Il était étranger à ces rites et ne se complaisait que dans la solitude.
On dit que celle qui le tira de son antre sous l'effet de l'amour était la plus belle mortelle que ce monde ait connu, si belle que les dieux décidèrent ensuite d'empêcher les hommes d'avoir de si beaux enfants pour ne plus déchaîner les passions. Ce que l'on sait de cette femme, c'est que sa peau avait la blancheur de l'albâtre et que ses yeux brillaient de mille feux. Dans certains légendes on dit que ses cheveux sont bruns comme la peau sombre du dieu loup, dans d'autres ils sont dorés comme ses plumes de phénix. Pour son caractère, on souligne le fait qu'elle fut la créature la plus aimante à jamais avoir parcourut le sol terrestre et que sa mère, qui était de sang divin, l'aimait autant que le dieu souterrain quand il la vit dans son miroir.

Celui-ci fut dévoré par l'amour pendant des années, ne pouvant se retenir à chaque heure d'admirer le fruit de ses passions à travers son miroir. Il apprenait ses habitudes, fermait les yeux quand elle se mettait à parler pour profiter de sa voix, la dessinait quand il ne pouvait la voir et rêvait d'elle à chaque instant. Et le royaume des morts devint de plus en plus radieux au fur et à mesure qu'augmentait la passion du dieu. Les rivières se paraient de fleurs, les morts organisaient des fêtes chaque soir et les juges qui trônaient dans l'entrée possédaient une clémence à tout épreuves envers les pêcheurs. L'amour faisait reluire le monde des morts et les spectres qui le hantaient remerciaient chaque jour la mortelle de procurer autant de bon sentiments au dieu souterrain. Tous n'espéraient qu'une chose : que cette femme qui leur donnait tant de bonheur sans même le savoir soit couronnée reine de l'Au-delà.
Les enfers la convoitaient tant que la flamme du désir qui brûlait dans les entrailles du dieu devint un feu chatoyant qu'on ne pouvait éteindre, si bien qu'il décida de se rendre dans le monde mortel et de l'enlever.

Alors qu'elle cueillait des fleurs avec des amies, la terre s'ouvrit en deux et Aniya en surgit sur son char. Il s'empara de la jeune femme et la tira avec lui dans les enfers. Le monde des dieux fut ébranlé par cet enlèvement qui causa un trouble jusqu'au Panthéon. Et la mère de la jeune fille, qui n'était autre que Démétéros, entra dans une rage folle et une tristesse sans fin. Pendant neuf jours elle erra sur la terre, demandant à qui voulait l'entendre que l'on retrouve sa fille jusqu'à ce que Ho-Oh, astre du jour, se décide à lui répondre : « C'est mon frère Aniya, celui qui règne sur le plus riche de tous les royaumes qui l'enleva alors qu'elle cueillait des fleurs. »
Démétéros, ne pouvant se résoudre à abandonner sa fille, demanda à Estria le dieu régulateur d'aller quémander auprès de son frère la libération de la jeune mortelle. Mais Aniya du plus profond de son monde avait déjà concocté un plan pour garder éternellement près de lui celle qui était désormais sa femme. La jeune fille était en effet tombée amoureuse du dieu souterrain, sans sortilège ni autres enchantements, et elle craignait que sa mère ne la ramène à la surface. S'aidant d'une vieille légende qui disait qu'on ne pouvait quitter les enfers si on y mangeait quoi que ce fut, Aniya glissa dans la bouche de sa femme quelques pépins de grenade, condamnant Perséa, car ce fut désormais son nom, à rester à ses côtés jusqu'à la fin des temps.

Mais sa mère pleura tant et si fort qu'elle interrompit les cultures sur la terre, si bien que toutes les espèces vivantes allaient mourir si les dieux du monde souterrain ne faisaient rien. Et Perséa, dont la capacité à aimer était plus grande que celle de n'importe quel être vivant, ne pouvait laisser faire une chose pareil. Ainsi elle négocia un pacte avec sa mère et son mari, partageant son temps entre les deux. Six mois sur terre, six mois aux enfers. On dit que lorsque la reine de l'Au-delà retourne auprès de Démétéros la terre afflue en cultures alors qu'Aniya meurt dans les enfers qui retrouvent une couleur grisâtre, passant ses journées à observer sa femme à travers son miroir. En revanche, au moment de redescendre, la terre dépérit et se pare de son manteau hivernal, tandis que la chimère se redresse de ses cendres de phénix et fait reluire le monde des morts.
Ce pacte est appelé depuis la nuit des temps l'Accord Secret. Il est le régulateur du monde et une promesse entre deux amants, un lien que personne n'est autorisé à briser. C'est la plus grande preuve d'amour au monde et il ne peut être passé à la légère. Il doit être honoré par ceux qui le passent.
Dans mon sommeil je rêvais de ma mère. Sa voix me parvenait tandis qu'elle me contait l'histoire de ce dieu souterrain, de sa femme et de leur promesse éternelle.